Afin de lutter contre les réseaux de trafiquants qui organisent le passage en Méditerranée des réfugiés et migrants, l’Union Europe a lancé hier l’opération Sophia. Son bras armé est l’EUNAVFOR-Med, force aéromaritime constituée pour l’heure d’une demi-douzaine de bâtiments de surface et autant d’avions et d’hélicoptères. Le commandement de l’opération est géré depuis Rome et les opérations à la mer par un état-major embarqué sur le porte-aéronefs Cavour, navire amiral de la flotte italienne et actuellement de l’EUNAVFOR-Med. Côté français, la Marine nationale participe avec la frégate Courbet et pourra, ponctuellement, mettre à disposition un avion de surveillance ou de patrouille maritime.

Le porte-aéronefs italien Cavour (© : MARINA MILITARE)
Une flotte qui va prochainement se renforcer
Concernant les autres moyens, d’après Bruxelles 2, sont sur zone la frégate allemande Schleswig-Holstein, qui devrait être relevée prochainement par un ravitailleur du type Elbe, le bâtiment océanographique britannique HMS Enterprise (auquel devrait succéder la frégate HMS Richmond) et la frégate espagnole Canarias. D’autres unités sont en route, toujours selon B2, qui évoque la frégate belge Léopold I et le patrouilleur slovène Triglav. Du côté des moyens aériens, seraient notamment mobilisés un avion de patrouille maritime P-3C Orion espagnol et un avion de surveillance Merlin III luxembourgeois.
Intervention uniquement dans les eaux internationales
Indépendante de l’opération Triton, pilotée par l’agence Frontex pour assurer la protection des frontières maritimes de l’UE et secourir les naufragés, Sophia vise donc à lutter contre les trafiquants d’êtres humains. Pour l’heure, faute de résolution de l’ONU ou de feu vert des autorités libyennes (deux gouvernements rivaux se disputent toujours le pays), l’EUNAVFOR-Med ne peut intervenir que dans les eaux internationales. Les militaires espèrent y débusquer les trafiquants qui accompagnent ou remorquent les embarcations chargées de réfugiés et de migrants, avant de revenir vers la Libye après avoir franchi une certaine distance ou repéré un bateau susceptible d’assurer leur sauvetage.
Naufragés secourus en Méditerranée (© : MARINE NATIONALE)
Interpeller les trafiquants et déstabiliser les réseaux criminels
Il s’agit d’interpeller les passeurs et de lancer à leur encontre des poursuites judiciaires, tout en saisissant ou détruisant leur matériel afin de déstabiliser et porter un coup financier aux réseaux criminels qui vivent de ce trafic très lucratif. « C’est une opération de police avec des moyens militaires (…) Le transport des migrants est une des premières sources de revenus en Libye avec le pétrole. On estime le revenu du trafic à 250 millions d’euros par mois », explique dans les colonnes du journal Le Monde le contre-amiral Hervé Bléjean, commandant en second de l’opération européenne.
Des modes opératoires qui risquent fort d’évoluer
Pour lutter contre les passeurs, les militaires européens vont s’appuyer sur des tactiques élaborées après plusieurs mois d’observation au large de la Libye. Mais l’amiral français n’est pas dupe, il sait très bien que les trafiquants, face au risque d’être pris, vont probablement changer de mode opératoire : « L’adversaire va s’adapter, c’est sûr. Notre objectif est de lui rendre la vie plus difficile ».

La frégate française Courbet (© : MARINE NATIONALE)
Plus de 520.000 réfugiés et migrants depuis le début de l’année
Selon le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, plus de 520.000 personnes ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l’Europe au cours des neuf premiers mois de l’année, dont 131.000 sont arrivées en Italie (pour plus de 387.000 en Grèce). Alors que plus de 2800 hommes, femmes et enfants sont morts en mer sur cette période, le HCR estime que le flux de réfugiés et de migrants atteindra 700.000 personnes sur l’année 2015 et prévoit des chiffres au moins aussi élevés pour 2016.