Avec plus de 3 millions de tonnes de bâtiments de combat et de soutien pour un total d’un peu plus de 260 unités, la flotte américaine demeure et de loin la première puissance navale mondiale, tant en quantité sur les unités principales qu’en qualité. Son format s’est néanmoins considérablement réduit en 30 ans puisque l’US Navy alignait encore, en 1987, quelques 525 navires, dont 15 porte-avions, 36 SNLE, 98 sous-marins d’attaque et plus de 250 croiseurs, destroyers et frégates. Le tout représentait 4.2 millions de tonnes.
Evidemment, les performances des bateaux et des aéronefs se sont considérablement accrues, compensant grandement la baisse des effectifs. Mais on constate qu’avec la démultiplication des zones de crises et une instabilité mondiale croissante, l’US Navy peine parfois à être présente partout où elle le souhaiterait. Ainsi, en plein engagement contre le groupe terroriste Daech au Moyen-Orient, elle n’a pas pu au cours de ces deux derniers hivers assurer la permanence d’un groupe aéronaval dans la zone, laissée sans porte-avions quelques mois d’affilée.

(© US NAVY)
Le centre de gravité géostratégique s’étant déporté vers l’Asie ces dernières années, l’US Navy a redéployé ses forces. Majoritairement tournée vers l’Atlantique pendant la guerre froide, elle concentre désormais plus de 60% de ses moyens sur la zone Asie/Pacifique, dont 7 de ses 10 porte-avions et 8 de ses 14 SNLE. Il s’agit notamment de faire face à la montée en puissance de la flotte chinoise, qui inquiète les Etats-Unis et leurs alliés dans la région, à commencer par le Japon, où est basée la 7ème flotte. Mais dans le même temps, la situation continue de se dégrader de l’Afrique au Moyen-Orient, alors que la Russie reprend de la vigueur et montre ses muscles, obligeant les Etats-Unis à des mesures de réassurance vis-à-vis des alliés européens.
En somme, malgré ses moyens considérables, la marine américaine est extrêmement sollicitée et même elle est désormais contrainte, parfois, de faire des choix. Il faut dire aussi qu’une bonne partie des nouveaux programmes sont en retard ou doivent être remis à plat, engendrant des baisses capacitaires temporaires. En novembre dernier, Donald Trump, non encore président des Etats-Unis, annonçait vouloir muscler les effectifs de la flotte américaine, reprenant à son compte un vieux projet républicain visant à revenir au cap des 350 bâtiments. Comme bien d’autres sujets, il conviendra toutefois de voir si les déclarations et promesses du nouveau locataire de la Maison Blanche seront suivies d’effet.

Destroyers du type Arleigh Burke (© US NAVY)
Pour l’heure, seule la question du programme F-35, jugé « incontrôlable » par Trump, est sur la table. Alors que le président menace Lockheed Martin de remettre à plat ce programme, marqué par des retards et dérives de coups significatifs, c’est le F-35C, la version destinée aux porte-avions américains, qui semble aujourd’hui la plus vulnérable. Contrairement au F-35A (version classique des forces aériennes) et au F-35B (variante à décollage court et appontage vertical), cet avion, qui a rencontré de sérieux problèmes techniques, n’est en effet destiné qu’aux seuls Etats-Unis, soit 309 prévus pour l’US Navy (jusqu’à 480 à terme) et 80 pour l’US Marine Corps. Ces appareils doivent permettre de compléter la flotte de F/A-18 E/F Super Hornet, fixée à 550 (les livraisons se poursuivent), sachant que les derniers F/A-18 Hornet ont été retirés du service en 2016. Alors qu’une étude a été récemment commandée par l’administration américaine pour comparer une nouvelle version du Super Hornet au F-35C, ce dernier a réalisé sa dernière campagne de développement sur porte-avions l’été dernier. Mais il faudra attendre 2018, voire 2019, pour voir mise en service une première capacité opérationnelle. Celle-ci a été déclarée à l’été 2015 pour les F-35B de l’USMC, qui vont remplacer les vieux Harrier et devraient réaliser cette année leur premier déploiement opérationnel sur un porte-hélicoptères d’assaut de l’US Navy.

Vue du futur USS Gerald R. Ford (© US NAVY)
En matière de porte-avions, le format de la flotte américaine est tombé à 10 bâtiments. La mise en retraite de l’USS Enterprise (CVN 65) fin 2012 n’a pas encore été compensée par l’arrivée de l’USS Gerald R. Ford (CVN 78). Très en retard du fait notamment de la complexité de certains équipements innovants, comme les catapultes électromagnétique ou de nouveaux réacteurs nucléaires, la tête de série du programme CVN 21, qui constitue la nouvelle génération de porte-avions américains, ne débutera finalement ses essais en mer que cette année. Son premier sistership, le futur USS John F. Kennedy (CVN 79), a été mis sur cale en août 2015 en vue d’une livraison en 2022, alors que le bâtiment suivant, l’USS Enterprise (CVN 80), doit voir son assemblage débuter en 2018 et être réceptionné en 2027 par l’US Navy. Celle-ci prévoit de maintenir une flotte de 11 porte-avions, les CVN 79 et CVN 80 allant remplacer les USS Nimitz (CVN 68) et USS Dwight D. Eisenhower (CVN 69), mis en service en 1975 et 1977.
Le porte-hélicoptères d'assaut USS America (© US NAVY)
Du côté des porte-hélicoptères d’assaut, là aussi le format s’est temporairement réduit à 9 unités au lieu de 10 suite au retrait du service en 2014 de l’USS Peleliu, ultime survivant de la classe Tarawa. Alors que huit unités du type Wasp (1989-2009) sont opérationnelles, la tête de série du programme LHA 6, l’USS America, est en service depuis la fin 2014. Son premier sistership, l’USS Tripoli, devrait être livré d’ici 2019. Cinq autres bâtiments sont ensuite prévus, en commençant par l’USS Bougainville, qui doit être inscrit au budget 2017. Contrairement à leurs aînés, ils seront dotés d’un radier suite aux pressions exercées par l’USMC.
En matière de sous-marins, le remplacement des 14 SNLE du type Ohio (1984-1997), sera assuré par 12 nouvelles unités dotées de 16 missiles balistiques (contre 24 pour leurs aînés). Le premier bâtiment de ce type, le futur USS Columbia, sera mis en chantier en 2021 en vue d’une mise en service 10 ans plus tard. Le dernier SNLE de nouvelle génération doit quant à lui rallier la flotte en 2039. Le désarmement des Ohio devrait quant à lui débuter en 2027.
Le désarmement de l’un des quatre anciens SNLE de ce type convertis en sous-marins lance-missiles de croisière et plateforme pour opérations spéciales (SSGN) interviendra dès 2026. Les trois autres suivront d’ici 2029.

SNA du type Virginia (© US NAVY)
Du côté des SNA, le 13ème sous-marin du type Virginia, l’USS Illinois, a été mis en service en octobre dernier et le 14ème, l’USS Washington, le sera cette année. En 2014, 10 unités supplémentaires (block IV) ont été commandées, portant la série à 38. 10 autres (Block V) sont prévues, pour une construction à partir de 2019 avec entre autres évolutions l’ajout d’un module (VPM) comprenant quatre silos abritant 28 Tomahawk, soit en tout 40 missiles de croisière en incluant les lanceurs actuels. Cette solution permettra d’assurer la succession des SSGN.
Alors que les trois Seawolf (1997-2005) sont toujours en service, la série des SNA du type Los Angeles ne compte plus que 35 unités opérationnelles (1981-1996), sur 62 construites. Les USS City of Corpus Christi, USS Albuquerque et USS Houston ont été mis en retraite en 2016. Ce devrait être le cas cette année, en principe, pour cinq autres sous-marins de ce type.

Croiseur du type Ticonderoga (© MICHEL FLOCH)
22 des 27 croiseurs lance-missiles du type Ticonderoga (1986-1994) sont toujours en ligne et bénéficient à tour de rôle, depuis 2008 (12 bâtiments traités, 3 autres en cours), d’une sérieuse modernisation allant permettre aux plus récents d’opérer jusqu’en 2030. Les premiers devraient toutefois être désarmés au début de la prochaine décennie.
Ils ne seront pas remplacés comme prévu par le programme CGX de nouveaux croiseurs mais par des destroyers supplémentaires du type Arleigh Burke, dont le premier a rallié la flotte en 1991. Début février, l’US Navy a réceptionné de son 64ème navire de ce type, l’USS Rafael Peralta (DDG 115). Deux autres doivent être livrés cette année (USS Ralph Johnson et USS Thomas Hudner). Six destroyers de ce type sont actuellement en construction et huit autres pour le moment commandés, dont les trois premiers de la version Arleigh Burke Flight III.
Destroyers du type Arleigh Burke (© US NAVY)
L’allongement impressionnant de cette classe a non seulement pour but d’assurer la succession des Ticonderoga, mais se substitue aussi à la restriction drastique du programme DDG 1000. Initialement, 32 grands destroyers furtifs de ce type devaient être réalisés afin de remplacer les anciens Spruance. Mais leur coût exorbitant a contraint le Pentagone à limiter la série à trois exemplaires seulement, la facture s’élevant déjà à plus de 22 milliards de dollars. Le premier, l’USS Zumwalt, a été officiellement mis en service en octobre dernier et poursuit sa mise au point, alors que le second, l’USS Michael Monsoor, a été mis à l’eau en juin 2016. Quant au troisième et dernier, l’USS Lyndon B. Johnson, la cérémonie officielle de mise sur cale est intervenue le 30 janvier dernier.

L'USS Zumwalt (© US NAVY)
Dans le domaine des frégates, la dernière des 51 unités du type O.H. Perry, l’USS Simpson, a été retirée du service en septembre 2015. Et, là aussi, la succession est compliquée. Réparti en deux modèles (monocoque en acier du type Freedom et trimaran en aluminium du type Independence), le programme Littoral Combat Ship a, en effet, rencontré d’importants retards et surcoûts. Avec au final des bateaux très chers et peu équipés, même s’ils sont conçus pour embarquer des modules en fonction des missions. Le Pentagone et l’US Navy n’en sont en tous cas pas satisfaits et un donc décidé de limiter la série à 26 unités au lieu de 52, soit 12 de chaque type en plus des deux prototypes livrés en 2008 et 2010. A ce jour, quatre Freedom et quatre Independence sont en service, deux unités supplémentaires par classe devant suivre cette année. Pour la suite, il a été demandé aux industriels de travailler sur de véritables frégates, sans doute plus grandes et surtout mieux protégées et armées.

LCS du type Independence (© US NAVY)

LCS du type Freedom (© US NAVY)
La flotte de guerre de mines a été réduite à 13 dragueurs, tous du type Avenger, suite à la perte de l’USS Guardian, échoué en 2013 sur un récif aux Philippines et démantelé sur place.
Concernant la composante amphibie, en plus des porte-hélicoptères d’assaut déjà évoqués, 10 transports de chalands de débarquement du type San Antonio sont maintenant en service, le dernier entré en flotte étant l’USS John P. Murtha en octobre dernier. Un onzième est en cours de construction alors que la réalisation d’un douzième a été annoncée fin 2016.
Une nouvelle classe de TCD, évolution des San Antonio, est à l’étude afin de remplacer à partir de 2026 les huit unités du type Whidbey Island (1985-1992) puis les quatre Harpers Ferry (1995-1998).

TCD du type San Antonio (© US NAVY)

Les engins de débarquement sur coussin d’air du type LCAC mis en œuvre par les TCD et porte-hélicoptères américains vont être remplacés par 73 nouvelles unités réalisées dans le cadre du programme SSC (Ship to Shore Connector). Celui-ci a néanmoins pris du retard. Le prototype, qui devait être initialement livré en 2015, n’a pas encore commencé ses essais, ce qui devrait être néanmoins le cas dans les prochains mois.
Après le désarmement de l’USS Denver en 2014, la marine américaine n’arme plus qu’un dernier TCD du type Austin, mais plus dans cette fonction. L’USS Ponce, qui date de 1971, a été transformé en 2012 en base flottante et positionné dans la région du Golfe persique. Il sera remplacé par l’une des nouvelles Expeditionary Sea Bases (ESB). Dérivées des Expeditionary Transfer Docks (ex-Mobile Landing Plateforms – MLP) USNS Monford Point et USNS John Glenn, réceptionnés par le Military Sealift Command (MSC) en 2013 et 2014, les ESB ont pour le moment été commandées à trois exemplaires. La tête de série, l’USNS Lewis B. Puller, a été livrée en juin 2015, alors que le futur USNS Hershel « Woody » Williams a été mis sur cale en août 2016 et que la construction de la troisième unité a débuté en janvier 2017.

Expeditionary Sea Base (© US NAVY)


Expeditionary Fast Transport (© US NAVY)
La flotte américaine s’est également enrichie de nouveaux catamarans rapide pour le transport de troupes et de matériel. Ces Expeditionary Fast Transport, auparavant connus sous le nom de JHSV (Joint High Speed Vessel), sont désormais au nombre de 7 à être opérationnels (2012-2016), sur une série qui en comprendra 12.
Enfin, dans le domaine logistique, après avoir achevé les 14 ravitailleurs polyvalents du type Lewis and Clark, dont les deux derniers exemplaires sont arrivés en 2012, le programme de remplacement des 15 pétroliers-ravitailleurs du type Kaiser (1986-1995) et des 4 Supply (1994-1998) a été lancé l’an dernier. Jusqu’à 17 nouveaux bâtiments doivent être construits, le premier, futur USNS John Lewis, étant attendu en 2018.
Ravitailleur du type Lewis and Clark (© US NAVY)
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