Une cérémonie a marqué le 4 octobre, sur la base d’aéronautique navale d’Hyères, la renaissance de la flottille 31F de la Marine nationale. Le vice-amiral d’escadre Tainguy, commandant la région maritime Méditerranée et préfet maritime, a remis le fanion de la flottille au capitaine de vaisseau Mahé, commandant du Centre d'expérimentations Pratiques et de réception de l'Aéronautique navale (CEPA), qui depuis 2 ans supervise la montée en puissance du nouvel hélicoptère Caïman Marine (version française du NH90 NFH). Puis l’amiral de Bonnaventure, pacha de la force d’aéronautique navale, a fait reconnaître le capitaine de corvette Frédéric Barbe comme 31ème commandant de la 31F. Une cérémonie que nous découvrons dans cet article grâce aux photos de notre correspondant à Toulon, qui était comme d’habitude sur le pont pour nous faire partager ces moments, avec en plus une dimension personnelle puisque Jean-Louis Venne, il y a longtemps, a lui-même servi dans la 31F.

(© : MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

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Trois hélicoptères pour commencer
Précédemment équipée de Lynx, cette unité avait été mise en sommeil le 25 juin 2010, ses machines étant transférées à la 34F, dernière flottille de Lynx, basée à Lanvéoc-Poulmic, qui durant plus de deux ans a envoyé des détachements dans le sud afin de fournir en hélicoptères de lutte anti-sous-marine les frégates basées à Toulon. Aujourd’hui, la 31F est dotée d’un tout nouvel outil et devient, après la 33F (Lanvéoc) en décembre dernier, la seconde flottille de la Marine nationale à mettre en œuvre le Caïman. Pour le moment, elle dispose de trois hélicoptères sur les sept que compte l’aéronautique navale (trois pour la 33F et un au CEPA), des effectifs qui vont se renforcer avec les livraisons de nouvelles machines, 27 étant prévues à terme sur les deux flottilles.

(© : MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)
Combat en mer et sauvetage hauturier
En attendant la mise en service prochaine du standard 2 du Caïman, qui lui permettra de mener des missions de lutte ASM et antinavire à partir des frégates Horizon et FREMM, le nouvel hélicoptère sert notamment au transport opérationnel et au sauvetage en mer. A ce titre, la réactivation de la 31F sur Caïman va permettre au préfet maritime de la Méditerranée de disposer, de nouveau, d’un moyen de sauvetage lourd et hauturier. Depuis 2009 et le retrait du Super Frelon, cette mission en Méditerranée reposait, en effet, sur les Dauphin de la 35F, dont le rayon d’action est nettement moins important que celui des Caïman, qui seront capables d’intervenir loin des côtes et par des conditions météo très difficiles, avec des capacités d’emport bien supérieures.

H21 survolant l'Algérie (© : DROITS RESERVES)
56 ans d’histoire
La renaissance, ou plutôt le réveil de la 31F, marque la poursuite d’une longue histoire, débutée il y a plus de cinq décennies, alors que l’hélicoptère en était à ses débuts dans les grandes marines. Depuis, la flottille n’a cessé d’évoluer et s’est illustrée à de nombreuses occasions. Hier, le commandant de la base d’Hyère, le capitaine de vaisseau Frédéric Babin-Schevaye, est revenu sur l’historique de cette unité. Voici un extrait de son discours :
« Je voudrais revenir quelques instants sur cette flottille 31F, née le 1er août 1956 sur les hauteurs de Sétif en Algérie.
5 ans après l’arrivée de ses premiers hélicoptères, la Marine constitue une première flottille de combat équipée de 3 Vertol H21 « Banane ». Le Pégase blanc sur Croix d’Agadès est choisi pour devenir l’emblème de l’unité. La flottille est immédiatement engagée au combat sur le territoire algérien. Elle paie rapidement le prix du sang. Le 25 janvier 1957, à la tombée de la nuit, le H21 du second de la flottille, le LV Domergue, est pris sous le feu de l’ennemi alors qu’il effectue une évacuation sanitaire dans le Djebel TEBAK. L’appareil s’écrase, son chef de bord ainsi que le Maître pilote LAY et le SM mécanicien CRE sont tués sur le coup. Quelques temps plus tard naîtra Marilou, la fille du Maître LAY, que la flottille parrainera et qui nous fait la joie d’être présente aujourd’hui.
Entre 1956 et 1960, la flottille effectue 11 000 heures de vol dont 9 000 en opérations, transporte plus de 80 000 commandos de marine, légionnaires et parachutistes et évacue près de 700 blessés. 14 fois, ses hélicoptères sont touchés par les tirs ennemis, 3 appareils sont abattus et 5 autres détruits par accident.
Début 1960, le H21 arrivant à bout de souffle, la flottille reçoit ses premiers HSS. Elle poursuit alors ses activités dans les secteurs de TELAGH et du KREIDER.
le 1er septembre 1961, lorsque le rythme des opérations ralentit, la flottille 31F est affectée en métropole, sur la base de SAINT-MANDRIER. En 5 ans d’Algérie, elle aura effectué 17 000 heures de vol et gagné le respect des combattants.
La 31F entame alors une véritable révolution culturelle. Elle découvre la lutte anti-sous-marine et utilise désormais des HSS équipés de sonars. Elle reçoit sa nouvelle qualification opérationnelle au bout de 6 mois seulement et pratique la chasse au bateau noir à partir des porte-avions Arromanches puis Clemenceau et Foch. En 1966 et 1968, la 31F, participe aux campagnes d’essais nucléaires dans le Pacifique à bord des porte-avions Foch puis Clemenceau.
Cette parenthèse exotique refermée, la 31F reprend ses missions habituelles. Ses HSS sont régulièrement améliorés, avec notamment un nouveau sonar, une capacité d’emport de torpilles et l’adjonction de ballons de flottabilité de secours.
En 1978, l’arrivée des premiers WG13 LYNX marque le début d’une nouvelle ère. Après plus de 60 000 heures de vol à la 31F, les HSS sont retirés du service. Avec leur nouvel aéronef, les équipages découvrent les plaisirs du stationnaire sonar de nuit, de l’appontage sur petite plate-forme par météo capricieuse ou du tir de missile filoguidé. L’organisation de la flottille est modifiée avec la création de détachements pour les corvettes ASM de type Georges Leygues soutenus par un noyau fixe, « l’échelon arrière », qui assure le support logistique et devient le creuset où les équipages et les techniciens sont formés, entraînés et qualifiés.
La flottille participe à la majorité des opérations dans lesquelles la marine est engagée. Elle est ainsi présente au large du Liban puis dans le Golfe Persique, en Mer d’Arabie et en Adriatique, pour les missions Balbuzard et Sharp Guard. A partir de 1998, la 31F constitue également des détachements sur des frégates allemandes et britanniques.
Entre 1997 et 2000, la 31F voit son format réduire : Les Panther de la 36F remplacent les Lynx sur les frégates anti-aériennes, le Georges Leygues quitte Toulon pour Brest, et les 4 détachements restants passent de 2 à un Lynx embarqué.
Fin 1999, la 31F est à nouveau frappée par le deuil avec la perte de deux de ses officiers les plus appréciés : le Lynx du LV Senée, pilote en échange dans la marine allemande, s’abîme en Méditerranée le 31 octobre. Et le 28 décembre, c’est le LV Rioult qui nous quitte dans l’accident du Lynx 803.
Après les attentats du 11 septembre 2001, les hélicoptères de la 31F retrouvent de manière régulière la zone Moyen-Orient pour les missions de lutte contre le terrorisme. Au cours des opérations Héraclès et Enduring Freedom, en escorte du Charles de Gaulle ou intégrés à la Task Force 150, ils sillonnent le Golfe Persique, le Golfe d’Oman et la Mer d’Arabie, plus souvent armés de mitrailleuses que de sonars.
Fin 2003, la base de Saint-Mandrier ferme ses portes. La 31F et ses consœurs sont transférées à Hyères. Au fil des années, le panel des missions s’est élargi. Les détachements embarqués participent activement à la chasse au narcotrafic et à la lutte contre la piraterie en océan Indien.
Le 25 juin 2010, après le départ du Lamotte-Piquet vers la Bretagne, les derniers Lynx sont versés à la 34 F qui poursuit, seule, la mission de lutte sous la mer sur les deux façades métropolitaines. Le personnel de la flottille rejoint le CEPA afin de préparer l’arrivée du NH90 et le fanion de la 31F est provisoirement rangé. En 54 ans d’existence, la flottille 31 F a réalisé 154 000 heures de vol. Elle a perdu 22 de siens en accidents aériens commandés. Ses équipages et ses techniciens, dirigés par 30 commandants successifs ont surtout démontré, leur valeur au combat, leur détermination, leur passion et leur capacité d’adaptation.
A l’heure ou le Pégase blanc va reprendre son envol, je formule le vœu que la nouvelle 31F perpétue ces valeurs qui ont fait honneur à l’aéronautique navale, à la Marine et aux forces armées françaises ».