Après l’Aquitaine à Brest deux jours plus tôt, ce fut au tour du Languedoc, basé à Toulon, de passer officiellement, le 28 août, au double équipage. A l’occasion d’une cérémonie organisée sur le bâtiment, le vice-amiral d’escadre Jean-Philippe Rolland, à la tête de la Force d’action navale, a fait reconnaitre le capitaine de vaisseau Jean-Pierre Helluy comme premier commandant de l’équipage B du Languedoc. L’officier connait déjà particulièrement bien les frégates multi-missions puisqu’il était précédemment en charge du programme FREMM à l’état-major de la Marine nationale (*).

Le CV Helluy (© MER ET MARINE - FRANCIS JACQUOT)

La FREMM Languedoc (© MER ET MARINE - FRANCIS JACQUOT)
Comme l’Aquitaine, le Languedoc sera donc désormais armé alternativement par un équipage A et un équipage B, de 109 marins chacun (dont environ 15% de femme, contre 9% en moyenne au sein de la FAN), la relève intervenant tous les quatre mois. Dans le cas présent, l’équipage B sera en période de qualification jusqu’au mois de janvier. « Les deux équipages A et B vont alterner entre une période de "prise en charge" de la FREMM, conduisant des opérations et activités à la mer, et une période dite "en préparation" à terre permettant la régénération de l’équipage, une préparation opérationnelle, ainsi qu’une contribution au maintien en condition opérationnelle de la frégate. Ce rythme d’activité alterné permettra à ces deux FREMM d’accroitre sensiblement leur activité opérationnelle, tout en offrant un vrai équilibre pour les marins armant ces navires. Cette importante manoeuvre RH, inédite pour des frégates de premier rang, offrira aux équipages affectés sur ces deux FREMM davantage de visibilité sur leur activité opérationnelle. Pour les marins concernés, elle permettra de mieux concilier leur vie privée et leur vie professionnelle », explique la Marine nationale, qui souligne que la « vie professionnelle embarquée (est) marquée par de nombreux jours d’absence en mer et de prise d’alerte ».
La réduction du format de la flotte de surface, ramené à seulement 15 frégates de premier rang au lieu d’une vingtaine précédemment, conjugué à la hausse de l’activité opérationnelle liée à la démultiplication des missions, a en effet entrainé une vraie pression sur les marins ces dernières années, avec en particulier la problématique du prolongement non ptogrammé des missions et la hausse des appareillages au pied levé, notamment pour les frégates d’alerte (à moins de 24 heures à Brest par exemple). Le passage au double équipage permettra donc de soulager les personnels en leur permettant de mieux « sécuriser » les périodes qu’ils consacrent à leur vie privée. Auparavant, explique l’amiral Rolland, qui se rappelle son ancienne vie de surfacier, « quand on avait une idée de ce qu’on allait faire dans les quatre mois devant nous on était heureux ! Si vous vouliez planifier un mariage, un voyage, la naissance d’un enfant, vous ne pouviez faire que des paris. Demain, grâce au double équipage on va permettre à un marin embarqué sur FREMM de planifier sa vie personnelle tout en continuant à s’épanouir dans sa carrière embarquée. L’idée est d’abord de rendre possible ce à quoi nos équipages aspirent : ils aiment embarquer, ils aiment partir en mission, et donc il faut continuer à créer les meilleures conditions pour que cet épanouissement professionnel soit parfaitement compatible avec une réussite personnelle à laquelle tout le monde aspire légitimement ».

L'amiral Rolland lors de la cérémonie pour l'équipage B de l'Aquitaine à Brest le 26 août (© MICHEL FLOCH)
Cela facilitera également l’entrainement et la formation, ainsi que le renforcement du personnel disponible pour la maintenance, tout en dégageant des marges de manœuvre pour permettre aux bâtiments de naviguer plus. Une manière aussi de compenser la baisse du nombre de frégates, même si l’accroissement du nombre de jour à la mer que va offrir le concept de double équipage n’engendre cependant pas le don d’ubiquité et ne remplace évidemment pas la couverture géographique que représente une flotte plus nombreuse.
Pour l’heure, le passage au double équipage est acté pour seulement deux FREMM. Mais l’objectif de la Marine nationale est bien de passer les huit frégates de ce type dont elle va disposer d’ici 2022 à ce mode d’organisation. « Nous en sommes aujourd’hui à la première étape d’une expérimentation décidée par la ministre des Armées. Les modifications en matière d’organisation donnent lieu chaque année à une décision ministérielle. Madame la ministre a un dossier qui lui a été présenté sur lequel elle devrait statuer dans les semaines qui viennent, ce qui nous éclairera sur la suite », a précisé Alfan le 26 août lors de la prise de commandement de l’équipage B de l’Aquitaine.
Le souhait de la marine, sur lequel Florence Parly doit donc prochainement prendre une décision, est de pouvoir passer au moins une FREMM par an au double équipage.
Une organisation qui est déjà en place sur un certain nombre de bâtiments de soutien, comme les BSAM et BSAOM, ou encore le BHO Beautemps-Beaupré. Et qui va aussi être déployé sur les trois patrouilleurs de service public basés à Cherbourg, avec pour commencer le Flamant, qui bénéficiera d’un second équipage à partir du 5 septembre.
(*) Natif de Chevreuse, dans les Yvelines, le Capitaine de vaisseau Jean-Pierre Helluy s’est engagé dans la Marine nationale en 1995 en intégrant l’Ecole Navale. Spécialiste des systèmes d’armes, il s’est distingué au cours de sa carrière lors de nombreux déploiements opérationnels, notamment en Méditerranée, océan Indien et en Atlantique, dans le cadre de la lutte contre la piraterie et le terrorisme. Il a servi notamment à bord de sous-marins, du porte-avions Charles de Gaulle et de différentes frégates de premier rang. Le CV Helluy a déjà commandé deux bâtiments, le patrouilleur Athos quand il était basé à Bayonne et la frégate Aconit. Lors de sa dernière affectation, il assuré les fonctions d’officier programme FREMM à l’Etat-major de la Marine.
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