Seconde unité du programme des frégates multi-missions, la Normandie, dont la livraison à la Marine nationale est prévue dans le courant de l’hiver, a achevé au début de l’été une campagne d’essais de cinq semaines qui l’a conduite jusqu’en Méditerranée. L’occasion pour Mer et Marine d’embarquer sur le nouveau fleuron de la Marine nationale et d’en apprécier les équipements comme la modernité. Nous profitons d’ailleurs de ce reportage pour faire un état des lieux complet des capacités des FREMM, la Normandie étant la première de la série à intégrer l’ensemble des systèmes prévus dans le programme.
Construite par le site DCNS de Lorient, la Normandie a débuté ses essais en mer en octobre 2013, un an après sa mise à flot. Au large des côtes bretonnes, sa propulsion et sa manoeuvrabilité ont d’abord été testées. Puis, au fil des sorties, les tests ont porté sur les senseurs, l’armement et leur fonctionnement avec le système de combat, qui gère l’ensemble de façon intégrée grâce à son cœur informatique, le Combat Management System (CMS).

La Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

La Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Les moyens de la DGA et de la Marine nationale mis à contribution
La campagne menée depuis Toulon avait pour but de valider les performances du CMS et de progresser dans la mise au point des différentes capacités du bâtiment, notamment la lutte antiaérienne et la lutte anti-sous-marine, mais aussi la guerre électronique ou encore les liaisons de données tactiques. Les essais ont été réalisés dans le sud et non au large de la Bretagne pour plusieurs raisons. D’abord, il faut pour conduire une telle campagne un centre opérationnel de la Direction Générale de l’Armement, autorité en charge de la gestion des tests. Alors qu’en Atlantique, la DGA ne dispose que de son site des Landes, elle compte dans la région de Toulon plusieurs implantations, avec notamment l’île du Levant et ses outils de trajectographie, ou encore Istres avec ses moyens aériens. Le secteur bénéficie en outre, et c’est fondamental, de la proximité immédiate de la grande base navale de Toulon, à partir de laquelle la Marine nationale apporte son concours avec des bâtiments et aéronefs.

La frégate Cassard passant à proximité (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Pour les besoins des essais de la Normandie, les navires croisant dans la zone ont été mis à contribution, complétant les moyens spécifiques déployés par la DGA, comme des avions Mirage 2000 du Centre d’essais en vol d’Istres effectuant des simulations d’attaque aérienne, ou encore l’emploi de balises destinées à tester les systèmes de guerre électronique. « Nous nous inscrivons dans tous les dispositifs possibles, qu’il s’agisse de la présence de bâtiments de la Marine nationale, qui effectuent par exemple des exercices au large de Toulon, ou bien entendu de la DGA. En fonction des besoins émis par DCNS, celle-ci organise les essais, amène des moyens et assure la sécurité », explique Pierrick Etiemble, responsable des systèmes de combat chez DCNS.

La passerelle de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Quatre ans de tests préalables à Saint-Mandrier
Avant d’en arriver là, plus de quatre ans de travaux ont été menés sur le CMS et l’intégration des équipements. Des essais effectués sur une plateforme terrestre, à Saint-Mandrier. Ce matin, en sortant de la rade de Toulon, la Normandie passe justement devant ces installations, juchées au sommet des falaises de la presqu’île varoise. La plateforme d’intégration est implantée au sein du Site d’Expérimentation des Systèmes de Défense Aérienne de la DGA. Très reconnaissable depuis la mer, le SESDA arbore une mâture complète de FREMM, avec un radar Herakles et, derrière lui, le grand mât tout équipé des nouvelles frégates françaises. Un lanceur vertical de missile est également présent. L’ensemble, orienté vers la mer, compte encore des structures et équipements ayant servi pour de précédents programmes. On distingue ainsi le radar de veille air à longue portée S 1850 M (SMART L) des frégates Horizon ou encore un vestige de la réplique du mât du porte-avions Charles de Gaulle, qui trônait en son temps à Saint-Mandrier.

Devant Saint-Mandrier (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le site du SESDA à Saint-Mandrier (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le site du SESDA à Saint-Mandrier (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
« Tous les équipements de la frégate sont d’abord intégrés sur la plateforme terrestre. C’est une étape majeure qui permet de faire en sorte que les interactions entre le CMS, les senseurs et l’armement fonctionnent bien, cela en tenant compte de l’ensemble de la plateforme (au sens bâtiment, ndlr) », explique Hervé Boy, ancien pacha de la frégate Forbin, qui officie aujourd’hui chez DCNS. « A Saint-Mandrier, nous disposons de l’ensemble des équipements du système de combat, le radar, la guerre électronique et un simulateur de lanceurs de missiles. La plateforme valide les éléments logiciels de chaque équipement. Ils sont ensuite intégrés les uns après les autres au logiciel central. Pour vérifier la bonne intégration du système, nous simulons des attaques, par exemple avec des balises ou des avions. Les anomalies détectées sont alors corrigées », précise Pierrick Etiemble. Ainsi, avant que la Normandie procède à son premier tir réel de missile, la séquence aura été jouée des milliers de fois sur la plateforme d’intégration. L’objectif est bien entendu de déverminer le système et de le fiabiliser au maximum en amont, de manière à réduire la durée de mise au point à bord de la frégate. Une procédure d’autant plus utile que le système de combat des FREMM est extrêmement complexe, compte tenu du nombre d’équipements à gérer - dont certains sont nouveaux, comme le missile de croisière naval - et de la mise en service du SETIS, un CMS de nouvelle génération.

La Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Un CMS présenté comme le plus évolué au monde
Alors que la plupart des Combat Management Systems sont « fédérés », c'est-à-dire que les différents équipements communiquent via des interfaces proposant une superposition des informations, des architectures plus évoluées, dites « centralisées », ont vu le jour. Ils permettent d’agréger et de corréler automatiquement toutes les informations reçues par les senseurs, y compris la guerre électronique et les drones, afin d’en déduire une situation tactique unique et partagée au sein d’une force militaire. C’est la voie suivie par DCNS, qui présente le SETIS comme le CMS le plus évolué au monde, avec selon le groupe français une puissance de calcul exceptionnelle. Permettant l’échange d’informations tactiques au sein d’un dispositif interarmées et international, dans un niveau de détail et de précision encore jamais atteint, le nouveau CMS sera capable d’opérer une tenue de situation multiplateformes, avec interaction complète des différentes composantes (navires, sous-marins, aéronefs…) et exploitation en réseau de leurs moyens (radars, sonars, guerre électronique, drones, armement). Le SETIS autorisera même le tir coopératif, c'est-à-dire l’engagement d’une cible invisible par les senseurs du bâtiment mais détectée par d’autres unités.
La complexification des systèmes se traduit par un important travail sur l’interface homme/machine, de manière à présenter aux opérateurs les informations utiles, avec des systèmes simples et intuitifs. Les évolutions technologiques (qui incluent le recours aux matériels informatiques civils) et l’intégration fonctionnelle toujours plus poussée aboutissent, aujourd’hui, à proposer des consoles multifonctions totalement reconfigurables. Cela permet d’accéder à l’ensemble du système, de mieux répartir la charge de travail des opérateurs en fonction de la situation et d’améliorer, en cas de panne ou d’avarie de combat, une redondance déjà très forte grâce à l’emploi de plusieurs calculateurs et réseaux autonomes et dispersés.

Le CO de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Une nouvelle génération de CO
C'est au Central Opérations (CO), le cerveau du bâtiment, que les informations sont traitées et les décisions prises. Cet espace, fermé et protégé par un blindage, comprend deux rangées semi-circulaires de consoles. Légèrement surélevée, la première, qui comprend quatre consoles dotées chacune de trois écrans, sert à l’officier chef de quart et aux chefs des différents domaines de lutte, ou bien à l’OQO, au commandant et au commandant adjoint opérations. Cette partie du CO surplombe 10 autres consoles. L’ensemble fait face à deux grands écrans plats où l’on peut afficher la situation tactique, y compris en y intégrant les informations provenant d’un état-major de force ou d’autres bateaux. Ces écrans servent également à retransmettre les images du réseau de caméras qui surveille l'ensemble du navire, par exemple lors d’un tir de missile ou pour une manœuvre sur la plateforme hélicoptère. « Par rapport au CO des frégates de la génération précédente, l’organisation est totalement nouvelle. Nous avons recherché la modularité : toutes les consoles sont multifonctions et reconfigurables. Il n’y a donc plus de poste dédié pour chaque équipement. Grâce au nouveau système, l’officier de quart peut décider quelle fonction et quelle console allouer à tel ou tel opérateur. De même, en fonction des missions et de la situation tactique, on peut allouer plus ou moins de consoles à des fonctions précises, par exemple la lutte antiaérienne », précise Hervé Bois. Le nombre d’opérateurs et donc de consoles en fonction varie du simple au double en fonction du niveau d’alerte. Autre différence par rapport aux frégates antérieures, le CO n'est pas plongé dans la pénombre mais bénéficie, comme le reste du bateau, d'un éclairage normal, les écrans des nouvelles consoles offrant une meilleure visibilité.

Le CO de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le CO de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Restituer simplement une masse colossale d’informations
L’adoption de cette nouvelle architecture a nécessité en amont un travail très important afin que les hommes utilisent au mieux les capacités offertes par les avancées technologiques mises en œuvre sur les FREMM. « Nous avons analysé en profondeurs les facteurs humains, chaque élément, chaque bouton a fait l’objet d’une évaluation avec la marine et la DGA. L’une des problématiques a été de savoir comment restituer une importante somme d’informations à partir desquelles des décisions sont prises. Le système gère trois milieux, sous, sur et au dessus de la surface, ainsi que les informations provenant d’autres unités. Il y a donc énormément de données qu’il faut, en quelques centièmes de seconde, traiter, synthétiser et présenter aux opérateurs. La rapidité est cruciale car, si une attaque de missile est détectée, on n’a pas des minutes pour réagir. Les marins ont exprimé un fort besoin de réactivité en insistant sur la nécessité de disposer de la bonne information au bon moment. Nous avons donc longuement testé les interfaces afin de vérifier qu’elles étaient bien faites », souligne Pierrick Etiemble. Lorsqu’une cible potentielle est repérée, imaginons dans les airs, la piste est analysée, la menace évaluée et une séquence d’engagement proposée par le CMS sur la base de multiples critères. Bien que le système puisse fonctionner automatiquement, la marine française préfère toujours garder l’homme dans la boucle. C’est donc bien, in fine, un opérateur qui décide de l’emploi des armes, avec des règles d’engagement très précises pour limiter au maximum les risques de dommages collatéraux.

La Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Sécurisation des communications contre les cyber-attaques
Derrière le CO se trouve le local des communications, qui sont particulièrement importantes sur les FREMM (liaisons HF, VHF, liaisons de données L16 et L22, deux antennes pour le système de communication par satellite Syracuse III...), ainsi qu'un local permettant d'installer un petit état-major de force. On notera que la sécurisation des réseaux de communication et la prévention contre les cyber-attaques est aujourd’hui érigée au rang de priorité. Non seulement pour les échanges entres unités françaises, mais également avec des forces étrangères. « La marine travaille beaucoup en coalition, où il est essentiel d’échanger de l’information. Le réseau est très robuste et l’on veille à ce qu’il soit sécurisé, avec des pare-feux et des suivis d’échanges notamment. Tous les systèmes subissent des tests d’intrusion par les communications extérieures », explique-t-on à la Direction générale de l’armement, qui travaille sur le sujet avec son centre DGA Maîtrise de l’information (ex-CELAR), en collaboration avec l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

La passerelle de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Une vaste passerelle très ergonomique
Une quinzième console multifonctions, identique à celles du CO, est installée en passerelle. Située à côté du siège du commandant, elle permet à l’officier de suivre, en direct, la situation tactique et d'accéder à toutes les fonctionnalités. A son poste, le capitaine de vaisseau Charles-Henri Ferragu, premier pacha de la Normandie (auquel a succédé le CV Dominique Caillé en juillet), semble convaincu : « Les interfaces sont intuitives, c’est très bien fait et elles ne nécessitent pas d’opérateurs très expérimentés. Quant à la passerelle, elle est fabuleuse, on apprécie son ergonomie ». Très vaste, avec de larges passages pour circuler, la passerelle offre une vision quasi-panoramique, avec des vitres donnant sur son arrière. Et, pour les parties non visibles, comme la plateforme hélicoptère, des écrans retransmettent les images des caméras de surveillance. Bardée d’équipements, la passerelle permet de conduire le bâtiment et de savoir tout ce qui se passe à bord. Cela, avec un minimum d’effectifs puisque grâce aux automatismes, seuls trois marins suffisent : le chef de quart, son adjoint et un barreur.

La passerelle de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

La passerelle de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le pacha à la passerelle (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le pacha à la passerelle (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Jusqu’à 200 personnes à bord pendant les essais
Pendant les essais à la mer, la conduite nautique de la frégate est assurée par un équipage de la Marine nationale, fort de 60 marins. Le constructeur, qui est propriétaire du bâtiment jusqu’à sa livraison, conduit les tests liés aux équipements. C’est donc bien l’industriel, et non les militaires, malgré leur forte présence, qui est encore à la barre. Néanmoins, les marins ne se contentent pas de « conduire le bus ». Ils profitent de cette période pour s’acclimater à leur nouvel outil de travail et découvrir ses capacités grâce aux essais. Bref, même s’ils ne sont pas encore officiellement chez eux, ils prennent progressivement en main leur futur bateau aux côtés des équipes de DCNS et de ses sous-traitants. Pendant les essais, la Normandie, conçue pour être mise en œuvre par un équipage de 108 marins (94 sans le détachement aéronautique), accueille jusqu’à 200 personnes lors des sorties à la journée. Et pour les navigations plus longues, ils sont jusqu’à 164 civils et militaires à bord, remplissant l’intégralité des couchages disponibles.

La Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Le challenge de l’équipage réduit
Mettre en œuvre une frégate de cette taille avec 108 marins seulement est une grande nouveauté. Par rapport aux unités de la génération précédente, la réduction de l’effectif est vraiment significative puisque les frégates du type F70 sont armées par 240 à 250 membres d’équipage, alors qu’ils étaient 300 sur les F67. Pour y parvenir, DCNS a développé au maximum l’automatisation de la plateforme. « L’équipage optimisé est un vrai challenge. Cela nécessite de gagner du temps et de l’efficacité dans les différentes taches. Nous avons donc recouru massivement aux automates pour limiter le personnel et à des systèmes de gestion permettant de concentrer les informations présentées aux opérateurs, de manière à ce que ceux-ci travaillent facilement et rapidement », note Pierrick Etiemble.

Le PC Navire (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
A l’instar des navires civils, les FREMM sont dotées d’un Ship Management System, qui gère l’ensemble des systèmes liés à la plateforme (propulsion, énergie, capacités, alarmes, système de lutte anti-incendie…) Toutes les données sont renvoyées vers les écrans du PC Navire, où le chef de quart et ses adjoints, chargés de la propulsion, de la production d’énergie et de la sécurité, veillent au bon fonctionnement de la plateforme. En temps normal, le PC Navire peut même n’être armé que par deux marins. En passerelle, le personnel a accès au SMS y compris pour contrôler directement la propulsion. Il y a également, à divers endroits du bateau, des répétiteurs, ainsi qu’un PC de secours au cas où le PC Navire serait hors service. Pour assurer la robustesse et la fiabilité du système en cas de combat, le SMS transite par le même réseau que le CMS, qui dispose d’un système de câblage redondant et de plusieurs calculateurs répartis à différents endroits du bâtiment.

Répétiteur avec les informations du SMS (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Répétiteur avec les informations du SMS (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Même par rapport aux Forbin et Chevalier Paul, les deux frégates de défense aérienne du type Horizon mises en service en 2010 et 2011, l’évolution technologique est palpable. C’est ce que confirme l’ancien pacha de la première FDA : « Les FREMM sont plus évoluées et innovantes que les Horizon. L’exigence a été beaucoup plus importante en termes d’automatisation pour tenir compte de la réduction significative de l’équipage, qui est de 180 marins sur le Forbin et le Chevalier Paul. On est allé beaucoup plus loin sur la conduite de la plateforme. Quant au CMS, qui est purement français contrairement à celui des Horizon, développé en coopération avec l’Italie, il a été bâti sur le retour d’expérience du précédent programme, en intégrant en plus différentes évolutions technologiques », explique Hervé Bois.
Tout comme le CMS, le système de conduite de la frégate a lui-aussi bénéficié d’une plateforme d’intégration terrestre installée à Lorient. Elle a permis de valider le bon fonctionnement du SMS et est utilisée pour l’entrainement des futurs équipages.

La Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Un navire particulièrement silencieux
Niveau propulsion, la Normandie dispose de compartiments machines particulièrement spacieux, ce qui a comme avantage de faciliter la maintenance des équipements. La frégate, pourvue de deux lignes d’arbres avec hélices à pas fixe, est dotée d’un système hybride de type CODLOG (Combined diesel-electric and gas). Jusqu’à 15/16 nœuds, l'énergie est produite par quatre diesels générateurs. Ces MTU de la série 4000 sont répartis par paire dans deux compartiments séparés, de manière à ce que la moitié de la puissance soit encore disponible en cas d’accident ou d’avarie de combat dans l’un des compartiments. Avec deux générateurs seulement, la frégate peut encore naviguer à une bonne douzaine de nœuds, sachant que la puissance cumulée des quatre DG est de 8800 kW. Ces générateurs alimentent deux moteurs électriques de propulsion de 2200 kW chacun fournis par Jeumont. Pour les allures élevées, le système bascule sur une turbine à gaz GE/Avio LM 2500 qui, avec sa puissance de 32 MW, fait avancer le navire jusqu’à 27 nœuds.

Les machines (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Les machines (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La configuration CODLOG permet, pour les petites et moyennes vitesses, de bénéficier des avantages de la propulsion électrique, à savoir des gains en matière de consommation et une discrétion accrue. Cette dernière caractéristique est particulièrement intéressante pour les FREMM dans le cadre de la lutte anti-sous-marine, mission pour laquelle la dimension acoustique est cruciale, tant pour améliorer la performance des moyens d’écoute que pour ne pas se faire repérer. De plus, pour limiter la signature du bâtiment, tous les équipements générant du bruit sont « suspendus » sur des plots élastiques, qui absorbent les vibrations et les empêchent par conséquent d’atteindre la coque et donc de se propager dans l’eau. « Tout est suspendu pour atteindre le niveau de discrétion acoustique le plus élevé, ce qui est essentiel pour la lutte ASM. C’est un savoir-faire très pointu que peu d’industriels dans le monde maîtrisent vraiment ». De fait, selon les militaires et les industriels, la discrétion acoustique des FREMM est présentée comme « remarquable ».

Equipement monté sur plots élastiques (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Ces frégates sont, en outre, dotées d’un propulseur de secours de 1880 kW. Fourni par Brunvoll, ce propulseur azimutal rétractable peut, en cas d’indisponibilité de la propulsion principale, faire naviguer le bâtiment à 6/7 nœuds et lui permettre de regagner un port.
Suite aux différents essais en mer, les marins se montrent très satisfaits de la propulsion et du comportement de la frégate. « C’est un bateau très manoeuvrant » assure le commandant Ferragu. Comme sur les Horizon, la FREMM est dotée en guise de gouvernail de deux gros safrans particulièrement robustes, autorisant le bâtiment à réaliser si besoin d’impressionnantes embardées. Ainsi, les capacités évolutives des nouvelles frégates sont bien supérieures à celles des F67 et F70.

La Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Une frégate furtive
Comme son aînée, l’Aquitaine, la Normandie est un bâtiment imposant, avec ses 142 mètres de long, 20 mètres de large et 6000 tonnes de déplacement en charge. Légèrement plus grande que les frégates de la classe Georges Leygues, auxquelles succèdent les FREMM, elle se distingue par ses formes furtives, optimisées pour réduire la surface équivalente radar. Un savoir-faire très pointu, pour lequel DCNS s’est fait mondialement connaître au milieu des années 90 en sortant la première frégate furtive, le La Fayette. Depuis, les ingénieurs français ont su préserver et développer cette compétence, qui procure un avantage tactique indéniable en rendant bien plus difficile la détection du bâtiment. Si les données exactes sont classifiées et dépendent bien entendu de la performance des radars adverses, on estime, généralement, qu’une frégate française de nouvelle génération est capable de renvoyer un écho assez faible pour se faire passer pour un bateau de pêche.
Forme de la coque, inclinaison des superstructures à des angles bien précis, mâts pleins aux lignes épurées, aériens au design optimisé, plage avant recouverte, utilisation de matériaux spécifiques… A l’extérieur, tout est fait pour réduire au maximum la SAE, ne laissant d’ailleurs plus guère, à l’équipage, que les ailerons de la passerelle et le pont situé derrière pour profiter de l’air libre.




(© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Cette architecture se double d’un important travail destiné à réduire la signature infrarouge du bâtiment. Il s’agit de limiter les émissions de chaleurs, qui sont elles aussi détectables par des senseurs adverses, à commencer par les autodirecteurs de missiles. Dans cette perspective, la cheminée bénéficie d’un système de refroidissement, alors que les échappements des diesels-générateurs logés dans la partie centrale de la coque sont situés près de la ligne de flottaison. L’air et les fumées rejetées perdent leur chaleur, limitant ainsi la diffusion de sources infrarouges.

La passerelle surmontée par l'Herakles (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Le radar multifonctions Herakles
Si elle cherche à se faire la plus discrète possible, la frégate est à l’inverse bardée d’équipements pour repérer ses ennemis potentiels. Son principal moyen de détection se situe au dessus de la passerelle. Il s’agit de l’Herakles, dont la forme très particulière évoque une pyramide dépourvue de sommet. Affichant une vitesse de rotation très élevée, soit un tour par seconde, ce qui permet de rafraîchir très rapidement les données, ce radar multifonctions sert à la surveillance aérienne et navale, mais aussi à la mise en œuvre des armes. Grâce à cette conception multi-rôles, il n’y a plus besoin, comme sur les unités d’ancienne génération, de plusieurs radars spécialisés. Les ingénieurs et les marins y gagnent en encombrement, limitent les problématiques liées aux perturbations électromagnétiques et, au passage, réduisent les coûts d’achat et de maintenance.
Avec une portée d’environ 250 kilomètres, l’Herakles assure la détection, l’acquisition et la poursuite de tout type de cible, y compris des missiles furtifs très manoeuvrants et antiradiation (ARM), même dans des conditions sévères de contre-mesures et de brouillage assure Thales, son concepteur. Equipé d’une antenne à balayage électronique deux axes et fonctionnant en bande S, ce radar à état solide est optimisé pour être efficace aussi bien en haute mer qu’en zones littorales. Le cas échéant, il pourra également servir dans le domaine de la défense anti-missile balistique, Thales proposant désarmais cette fonction. Deux tirs d’essais avec des missiles Aster ont été à ce titre réalisés en 2010 et 2011 avec un Arabel - radar en bande X équipant le porte-avions Charles de Gaulle et les frégates saoudienne F3000 - dont l’Herakles est une évolution en bande S.

Le mât (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La guerre électronique
Sur les frégates modernes, la guerre électronique joue un rôle prépondérant. Au sommet du grand mât de la Normandie, on trouve un système d’interception de communications (COMINT/C-ESM). Toujours dans le domaine des moyens passifs (Electronic support measures), il y a un peu plus bas un système de détection radar (R-ESM) qui repère, caractérise et identifie les émissions radar provenant d’aéronefs, de bâtiments de surface, de stations terrestres ou encore d’autodirecteurs de missiles. Grâce à une banque de données enrichie en permanence via les renseignements obtenus par les moyens ELINT (Electronic signals Intelligence), il est donc possible d’identifier très précisément une émission radar et, ainsi, de savoir à qui la frégate fait face. Dotés d’une grande sensibilité, d’une goniométrie de haute précision ou de récepteurs numériques large bande, les moyens ESM assurent une détection précoce des menaces et contribuent à l’appréciation globale de la situation en permettant d’identifier les émetteurs, signaler des activités nouvelles et générer des renseignements électromagnétiques en temps réel. Ils sont fournis par Sigen, société commune de Thales et Elettronica.

Le mât avec le système Artemis (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Veille panoramique et moyens de communication
Un peu plus bas dans le mât, on observe le système de surveillance panoramique Artemis, développé par Thales. Ce dispositif électro-optique, conçu pour fournir des images stables quelque soient les conditions de mer, offre une visualisation à 360 degrés et en haute résolution très utile pour la surveillance, l’imagerie côtière, la navigation nocturne ou encore le sauvetage en mer. Doté de trois senseurs et de caméras infrarouges à ondes moyennes, l’Artemis est capable de détecter et de poursuivre la signature IR d’un navire de surface ou d’un aéronef à basse altitude, contribuant ainsi à l’autoprotection de la frégate, notamment contre les menaces asymétriques.
La partie inférieure du mât accueille pour sa part une bonne partie des moyens de communication du bâtiment, notamment les liaisons de données tactiques (L11, L16 et L22). Le système satellitaire Syracuse III est, quant à lui, doté de deux antennes, l’une au dessus de la passerelle et l’autre sur le toit du hangar hélicoptère, offrant ainsi une meilleure capacité de liaison avec les satellites.

Antenne Syracuse III sous l'Herakles (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

L'un des deux brouilleurs (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Brouilleurs et lance-leurres
A la base du mât, débordant de chaque côté des superstructures, se trouvent deux impressionnants brouilleurs. Développés par Sigen, ces moyens R-ECM (Radar Electronic Counter Measure) ont fait leur apparition sur les Horizon, développées comme les FREMM au travers d’une coopération franco-italienne. Extrêmement puissants, ces équipements, conçus pour neutraliser les autodirecteurs des missiles assaillants, peuvent aussi effectuer du brouillage de zone, rendant par exemple inopérants les moyens côtiers de surveillance. Ce dispositif de guerre électronique actif constitue l’un des grands systèmes d’autoprotection du bâtiment et l’une de ses ultimes lignes de défense.
En dernier recours, si un missile parvient à survivre aux salves de missiles Aster, au barrage d’artillerie et au brouillage, la frégate recourt alors à ses lance-leurres. Fournis par Sagem, les deux NGDS, un sur chaque bord, sont équipés de la dernière génération de leurres développés par Etienne Lacroix, dont la gamme SEACLAD, intégrant des leurres électromagnétiques structuraux ainsi que des leurres infrarouges morphologiques et spectraux, a été qualifiée par la marine française. Totalement compatible avec la mise en œuvre des systèmes d’armes des bâtiments, ce qui n’était pas le cas des anciennes générations, ces leurres répondent au durcissement des contre-mesures dont bénéficient les autodirecteurs des missiles les plus récents.

NGDS, ici sur le Chevalier Paul (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La Normandie est, par ailleurs, équipée d’un système de lutte anti-torpille. Situés sur la partie arrière du toit du hangar hélicoptère, de part et d’autre de la cheminée, les lance-leurres du SLAT seront équipés de Canto-V, les nouvelles munitions développées par DCNS au sein du système Contralto, conçu pour répondre à la menace des torpilles de nouvelle génération, dont les performances se sont significativement accrues et rendent inefficaces les leurres mobiles, dont on a vu la généralisation au cours des années 90. En liaison avec le système de combat, Contralto définit sitôt l’alerte donnée les paramètres de déploiement des contre-mesures et la manœuvre évasive la plus adaptée à la situation tactique du moment. Une fois à l’eau, les Canto, basés sur le concept de « confusion/dilution », génèrent de façon simultanée de multiples fausses cibles acoustiques suffisamment crédibles pour être analysées par la torpille, dont le système de traitement est alors saturé. Pendant ce temps, le navire a le temps de s’éloigner.
Une détection sous-marine de premier plan
L’alerte torpille est donnée par les moyens de détection sous-marine. Et il s’agit justement de l’un des domaines d’excellence de FREMM, qui ambitionne, purement et simplement, d’être la meilleure frégate de lutte ASM du monde. Pour cela, la dernière génération de sonars conçus par Thales a été retenue. Comme la plupart des frégates, la Normandie dispose d’un sonar de coque, en l’occurrence un UMS 4110 CL. Bien que très utile en zone littorale, cet équipement voit ses capacités limitées en haute mer, les ondes se réfléchissant sur les couches thermiques de l’eau. C’est pourquoi, depuis plus de 40 ans, la France a développé des sonars remorqués à immersion variable, une technologie dans laquelle elle est mondialement reconnue. L’avantage des VDS (Variable Depth Sonar – VDS) est que l’on peut faire varier leur immersion en fonction de l’environnement, une capacité cruciale puisque la salinité, la température et la pression de l’eau influent sur la propagation des ondes. Avec un VDS, le volume d’eau couvert est donc bien plus important par rapport à un sonar de coque.
Les FREMM utilisent le système Captas 4, installé sous la plateforme hélicoptère. Présenté comme un outil de supériorité acoustique contre les sous-marins, ce VDS, capable de plonger à plus de 300 mètres de profondeur, émet des ondes actives à très basse fréquence sur de longues portées. Il est composé de quatre anneaux en céramique intégrés à un corps remorqué. S’y ajoute, pour l’écoute, une antenne linéaire déployée indépendamment. Sa grande force est de pouvoir déterminer instantanément d’où proviennent les bruits (bâbord ou tribord), ce qui constitue un atout en haute mer, mais aussi en zone côtière, où le nombre de signaux est très important.

Le VDS Captas 4 de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le VDS Captas 4 de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Le VDS Captas 4 de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
En plus de ces moyens, la frégate s’appuie également sur son hélicoptère embarqué pour traquer les sous-marins. Le Caïman Marine, version française du NH90 NFH, peut en effet déployer des bouées acoustiques, ainsi qu’un sonar trempé FLASH. Conçue elle-aussi par Thales, cette antenne est logée sous le ventre de l’appareil et dispose d’un système de treuillage extrêmement performant, avec un déploiement de 10 mètres par seconde, ce qui constitue un record mondial. A l’instar du Captas 4, le FLASH est utilisé comme un VDS, son immersion et donc sa capacité de détection étant optimisées en fonction du profil bathymétrique de la mer. Quant à la profondeur maximale d’immersion, elle donnée à 700 mètres. Grâce aux performances exceptionnelles du FLASH, déployé en vol stationnaire, l’hélicoptère peut investiguer une large zone et se repositionner rapidement en fonction des signaux détectés. La célérité du treuil pour la mise en œuvre du sonar permet, en effet, de démultiplier les stations, tout en étant plus réactif face aux manœuvres évasives d’un sous-marin adverse.
Le hangar et la plateforme hélicoptère
A bord de la Normandie, le Caïman Marine sera abrité dans un vaste hangar, long de 18 mètres et large de 12.5 mètres, soit 225 m², assez pour pouvoir, à terme, accueillir un hélicoptère mais aussi un drone aérien. Très haut, cet espace dispose de moyens de manutention, dont un pont roulant, permettant d’assurer la maintenance de la machine. A cet effet, un stock de pièces détachées sera embarqué, les moyens disponibles dans le hangar permettant de changer de grosses pièces, y compris une turbine. Des opérations menées par le détachement aéronautique, fort d’une quinzaine de techniciens, pilotes et opérateurs embarqués. La plateforme de la frégate présente également de belles dimensions, soit près de 500 m² (26.5 x 18.5 mètres), ce qui facilite les opérations, par exemple de ravitaillement, de chargement de munitions ou encore de transfert de personnel et de matériel. La plateforme est équipée d’une grille d’appontage, dans laquelle l’hélicoptère vient lancer son harpon ventral afin d’apponter et de se maintenir sur le pont en cas de mer formée (jusqu’à mer 6). Il y a aussi un rail, le fameux système Samahé de DCNS, qui permet de déplacer le Caïman depuis ou vers le hangar en toute sécurité.
Le Caïman, l’un des principaux systèmes d’armes du bâtiment
Le Caïman Marine est, en fait, l’un des principaux systèmes d’armes de la nouvelle frégate française. Hélicoptère de la classe 10 tonnes, le NH90 NFH tricolore est entré en service fin 2011, d’abord pour remplacer les Super Frelon dans les missions de sauvetage et de transport opérationnel. Alors que la qualification du standard final s’achève et que la 11ème des 27 machines commandées par la Marine nationale a été livrée en avril, le Caïman peut aujourd’hui mener des missions de lutte ASM et antisurface. Capable d’emporter deux torpilles, il sera à l’avenir équipé du nouveau missile antinavire léger (ANL), en cours de développement par MBDA dans le cadre d’un programme franco-britannique.

Caïman Marine avec une MU90 d'entrainement (© MARINE NATIONALE)
Commandes de vol électriques, fuselage en composite, capacités anti-crash, résistances aux ambiances d'environnement et d'électromagnétisme sévères, système de contre-mesures... La base du NH 90 NFH est commune avec la version terrestre de l’hélicoptère (TTH). Son cockpit très ergonomique est équipé d'écrans multifonctions et son fuselage en composite le rend plus léger et plus discret face aux radars. Par rapport au TTH, le NFH dispose d'un certain nombre de particularités, liées aux missions qui lui sont confiées et à l'environnement dans lequel il évolue. La version navalisée du NH90 comprend un radar panoramique (360°) offrant une vision étendue du domaine maritime et optimisé pour la lutte antinavire comme ASM (détection de périscopes). Il dispose aussi de radios et liaisons de données spécifiques (L11), ainsi qu’un système de veille électro-optique pour la détection et le pistage de cibles, de jour comme de nuit.

Caïman Marine manoeuvrant avec la Normandie (© MER ET MARINE - VG)
Pour la mise en oeuvre sur bâtiments de surface, l'hélicoptère est doté d'un train d'atterrissage renforcé, d'un harpon pour les appontages, ainsi que d'un système automatique pour replier les pales et la poutre de queue afin de permettre le stockage dans le hangar des frégates.
On notera qu’au cours de sa campagne en Méditerranée, la Normandie a accueilli pour la première fois un Caïman Marine. L’appareil, affecté à la flottille 31F basée à Hyères, venait de réaliser avec succès un tir de torpille MU90 en même temps que la mise en œuvre de son sonar trempé FLASH. Ce dernier a permis de détecter la cible, que la torpille est allée atteindre.

Caïman appontant sur la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La torpille MU90
Cela nous emmène donc naturellement aux capacités offensives de la frégate, à commencer par ces fameuses MU90. Développée par DCNS, Thales et WASS (groupe Finmeccanica), la MU90 est une torpille légère de nouvelle génération destinée aux bâtiments de surface et aux aéronefs, hélicoptères et avions de patrouille maritime. Longue de 2.96 mètres pour une masse de 295 kg, cette arme de 324mm de diamètre est dotée d’une source d’énergie intégrant des piles thermiques à oxyde d’argent et aluminium. Cette technologie, que l’on doit aux ingénieurs de DCNS, produit une énergie très importante, offrant une grande autonomie et une optimisation de la vitesse. La MU90 peut, ainsi, s’approcher discrètement de sa cible avant de disposer de la puissance maximale pour la phase d’attaque.
Pouvant être utilisée par petits fonds (25 mètres) ou grande profondeur (autour de 1000 mètres), la MU90 est une torpille intelligente, avec des capacités de détection très importantes et une forte résistance aux contre-mesures adverses. Capable d’atteindre la vitesse de 50 nœuds, sa portée est d’environ 12 kilomètres. Les FREMM pourront embarquer 19 armes de ce type, dont une quinzaine logées dans une soute avec accès au hangar hélicoptère. Un système de manutention permet d’emmener les torpilles dans le hangar, afin qu’elles soient chargées sur le Caïman, ou dans les tubes de lancement de la frégate. Ceux-ci sont au nombre de quatre, répartis en deux lanceurs doubles, chargés et prêts à l’emploi, situés de part et d’autre du bâtiment. Les compartiments accueillant les tubes lance-torpilles, masqués de l’extérieur par un panneau coulissant dont l’ouverture est commandée depuis la passerelle ou le CO, donnent eux aussi dans le hangar, ce qui facilite le flux d’approvisionnement depuis la soute.
Les missiles antinavire Exocet MM40 Block3
Pour la lutte antinavire, la Normandie pourra mettre en œuvre jusqu’à 8 Exocet Mer-Mer 40 Block3, logés dans des sellettes quadruples sur un soubassement de la superstructure, devant le mât principal. Evolution la plus récente du célèbre missile produit par MBDA, cette arme redoutable peut atteindre une cible située à 180 kilomètres. La portée a été doublée par rapport à la version précédente grâce à l’ajout d’un booster. Long de 5.8 mètres pour une masse de 780 kilos, ce missile évoluant dans le haut subsonique (environ 900 km/h) peut, en outre, être utilisé contre des objectifs côtiers ou situés près du littoral suite à l’intégration d’un système de positionnement GPS. Une capacité intéressante mais qui demeure toutefois limitée, la charge explosive de l’Exocet étant optimisée pour la lutte antinavire.

Lanceurs MM40 sur la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Première frégate française dotée de missiles de croisière
Pour la destruction à longue portée d’objectifs terrestres, y compris des cibles durcies, l’équipage de la Normandie s’appuiera sur les 16 missiles de croisière navals (MdCN) que la frégate pourra embarquer. Développée par MBDA sur la base du missile de croisière aéroporté Scalp EG, cette toute nouvelle arme doit voir son dernier tir terrestre de qualification intervenir d’ici la fin de l’année, ouvrant la voie à un premier lancement depuis la Normandie, qui interviendra probablement dans le courant de l’hiver.

MdCN (© MBDA)
Embarqué sur des bâtiments de combat positionnés, de façon prolongée, à distance de sécurité dans les eaux internationales, ostensiblement (frégates) ou discrètement (sous-marins), le MdCN pourra atteindre des objectifs situés à plus de 1000 kilomètres. Durant la phase de vol, le missile, qui dispose d’une centrale inertielle, se recale grâce à un radioaltimètre et un système de positionnement GPS lui permettant d'évoluer à très basse altitude. En phase finale, il se sert d'un autodirecteur infrarouge pour reconnaitre sa cible et la détruire. Idéal pour neutraliser des installations stratégiques, comme des infrastructures de commandement, le MdCN, doté d’une charge militaire de 500 kilos, est conçu pour pénétrer des cibles durcies. Long de 6.5 mètres et présentant une masse de 1.4 tonne, ce missile sera logé dans les cellules de lancement vertical de deux lanceurs octuples Sylver A70, fournis par DCNS. Ils sont installés sur la plage avant, avec deux autres lanceurs, cette fois des Sylver A43, qui abriteront 16 missiles Aster 15, pierre angulaire de la défense surface-air du bâtiment.

La plage avant avec les lanceurs Sylver (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Lanceurs Sylver (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Lanceurs Sylver (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
L’Aster 15 pour la lutte antiaérienne
Produit par MBDA et entré en service en 2001 sur le porte-avions Charles de Gaulle, l’Aster 15, avec ses 4.2 mètres de long son poids de 310 kilos, est le premier missile conçu dès l’origine pour la lutte anti-missile. Il est également réputé pour être encore le seul, à ce jour, à offrir une parade efficace contre les missiles antinavire supersoniques. Très agile, l’Aster 15, dont la vitesse est donnée à Mach 3 et la portée à une trentaine de kilomètres, peut détruire à l’impact des missiles assaillant très véloces, manœuvrant, à vol rasant et fort piqué final. Grâce à son autodirecteur, il traque sa cible en toute autonomie, offrant la possibilité au bâtiment porteur de tirer simultanément plusieurs munitions et, ainsi, contrer des attaques saturantes.
Sur les huit FREMM commandées pour le moment par la France, les deux qui seront optimisées pour la défense aérienne (FREDA) embarqueront des Aster 15 mais également des Aster 30. Plus imposant (4.9 mètres, 450 kg) et doté d’une vitesse (Mach 4.5) et d’une portée (100 km) accrues, ce missile est conçu pour la défense aérienne de zone et équipe déjà le Forbin et le Chevalier Paul. En raison de son gabarit plus important, l’Aster 30 ne peut être mis en œuvre par des Sylver A43. Pour l’heure, le missile est employé avec le lanceur Sylver A50. Néanmoins, alors qu’il était initialement prévu pour les FREDA de remplacer les Sylver A70 par des Sylver A50, et donc de priver ces frégates de missiles de croisière pour porter le nombre d’Aster à 32, d’autres options sont aujourd’hui envisagées. Des études ont ainsi été engagées en vue d’adapter le Sylver A70 au lancement de l’Aster 30. Une évolution qui permettrait aux FREDA de conserver une capacité de frappe terrestre à longue portée, tout en autorisant dans le même temps les FREMM classiques à disposer de l’Aster 30.
La tourelle de 76mm
En matière d’artillerie, la FREMM est comme les Horizon équipée avec du 76mm (une tourelle au lieu de deux pour les FDA). Développée par l’Italien OTO-Melara, cette pièce, d’une longueur de 62 calibres, présente une cadence de tir de 120 coups par minute, nettement plus élevée que les anciens canons français de 100mm (78 coups par minute). Couplée à une conduite de tir NA-25 XP, elle peut être employée face à des cibles aériennes, avec une portée donnée à 8 km, ou contre des buts maritimes ou côtiers, avec dans ce cas une allonge de 17 km. Dans le cadre d’un tir sur le littoral, la désignation d’objectif peut être assurée par les senseurs de la frégate ou par des moyens extérieurs (avions, satellites, troupes au sol…) Pesant seulement 7.3 tonnes, grâce à l’emploi d’alliages légers et de matériaux composites, la tourelle, qui présente une capacité d’élévation de -15 à +85°, est située devant les lanceurs Sylver. Sous le pont, un imposant barillet peut contenir jusqu’à 80 obus prêts à l’emploi. Son rechargement, possible pendant une séquence de feu, se fait manuellement, avec en soute une réserve de près de 500 munitions.

Le barillet de la tourelle de 76mm (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Le canon télé-opéré Narwhal embarqué pour la première fois
Toujours dans le domaine de l’artillerie, la Normandie est la première frégate française dotée de canons télé-opérés, en l’occurrence deux systèmes Narwhal. Développés par Nexter, ces affûts de 20mm sont situés de part et d’autre du hangar hélicoptère, complétant ainsi sur l’arrière et les côtés le champ de battage offert par la pièce de 76mm. Intégrant des technologies éprouvées (tourelle de l'hélicoptère Tigre, affûts manuels marine), le Narwhal est un canon gyrostabilisé disposant d'une fonction de poursuite automatique couplée à un télémètre laser. Conçu pour la lutte contre les menaces asymétriques, il offre, selon Nexter, une grande précision quelque soient les conditions de mer.

Narwhal (© DCNS)
Les essais du nouveau canon télé-opéré français ont débuté cette année sur la Normandie. Les tests portent pour le moment sur l’intégration du système au bâtiment, ainsi que la vérification progressive de ses différentes fonctions (ralliement, désignation d’objectif, poursuite…) Aucun tir n’est, toutefois, prévu avant la fin de l’année, c'est-à-dire au moment où la Normandie sera proche de sa livraison. Pour l’heure, les Narwhal sont contrôlés depuis des consoles dédiées situées en passerelle mais, à partir de 2015, ils doivent être intégrés au système de combat. Leur conduite pourra alors être gérée depuis les consoles multifonctions du CO.

Console Narwhal en passerelle (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Tête de série du programme FREMM, l’Aquitaine, qui ne dispose pas encore de ses canons de 20mm (qui n’étaient pas prêts au moment de sa livraison en novembre 2012), doit en être équipée au cours de son premier arrêt technique, prévu cet hiver.
Embarcations commando
On achèvera ce passage en revue des capacités de la Normandie avec ses embarcations rapides. La frégate dispose sur chaque bord d’une grande niche masquée par un rideau coulissant (servant à limiter la surface équivalente radar). Chaque niche accueillera en temps normal une embarcation semi-rigide, la mise à l’eau se faisant au moyen de bossoirs. Les niches sont aussi conçues pour abriter une ECUME, la nouvelle embarcation rapide de 9 mètres des commando marine. Les FREMM devraient d’ailleurs être de très bonnes plateformes pour les opérations spéciales. En dehors des ECUME, elles disposent en effet d’espaces pour le logement des commandos et de leur matériel, qui peuvent être déployés soit par la mer, soit par voie aérienne via la plateforme hélicoptère.

ECUME (© MARINE NATIONALE)

Niche tribord de la Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Une petite révolution pour les marins
Comme on a pu le voir, l’arrivée des FREMM représente, pour les marins français, une évolution considérable, non seulement dans les capacités qu’offrent les nouvelles frégates, mais aussi dans la mise en œuvre de ces plateformes. Alors que la manière de travailler évolue radicalement, l’équipage bénéficie dans le même temps d’une amélioration sensible de son environnement. Les militaires y ont d’ailleurs contribué puisqu’ils ont été impliqués dans la phase de conception des aménagements. Grâce à l’évolution de la simulation numérique, DCNS a mis en place un outil de réalité virtuelle où les marins ont pu évaluer l’ergonomie des différents locaux proposés par l’industriel. Grâce à cette technologie, il est en effet possible, dans une salle spécialement équipée, de se déplacer virtuellement dans la passerelle, les machines, le CO ou encore sous la plage avant, où se trouvent les chaînes et les amarres. Forts de leur expérience opérationnelle, les marins ont pu faire des remarques afin d’améliorer la disposition de tel ou tel équipement ou faciliter les manoeuvres.

La plage avant couverte (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
A bord, on constate que les coursives sont larges et beaucoup moins encombrées que sur les navires plus anciens. Au niveau des locaux vie, qui sont regroupés dans la partie centrale de la frégate, le confort se révèle nettement supérieur à ce que l’on connait sur les bâtiments actuels. Les postes deviennent de véritables cabines, avec sanitaires privatifs et au maximum quatre bannettes, bien loin des « chambrées » où vivaient autrefois plusieurs dizaines d’hommes. Les officiers, qui seront une vingtaine à bord, ont leur cabine individuelle, alors que les officiers mariniers supérieurs ne sont plus que deux par poste. Si les carrés n’ont pas disparu, la séparation des grades pendant les heures de repos et les repas demeurant nécessaire dans une société confinée comme celle-ci, la restauration connait un changement notable. Il n’y a en effet plus de cuisine attitrée et de service à table pour les officiers, qui passent maintenant à la rampe, comme le reste de l’équipage. La révolution est donc totale…

Coursive (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Cuisine (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)