La France va réduire ses moyens alloués à l’opération européenne de lutte anti-piraterie au large de la Corne d’Afrique. Depuis sa création, en décembre 2008, la Marine nationale participe de manière quasi-permanente à Atalante, dont elle est même le principal contributeur. Frégates, avisos, bâtiments de projection et logistiques, aéronefs… Des dizaines d’unités tricolores se sont relayées au nord de l’océan Indien, depuis six ans, pour assurer la protection du trafic maritime, ainsi que celle des convois du programme alimentaire mondial et de la force africaine déployée en Somalie.
Cet effort significatif n’a été interrompu qu’en 2011, au moment de l’intervention internationale en Libye, où la France était en pointe et pour laquelle elle a mobilisé la majeure partie de sa flotte disponible. Depuis, les bâtiments français ont repris leur place au sein de l’EU-NAVFOR, qui est d’ailleurs en ce moment sous commandement français, l’amiral Bléjean étant installé avec son état-major sur le transport de chalands de débarquement Siroco.
La permanence des moyens français à cette force aéronavale européenne, qui se traduit par la présence d’au moins un bâtiment de surface complétée, très régulièrement, par un avion de surveillance ou de patrouille maritime, va néanmoins toucher à son terme. C’est ce qu’a récemment annoncé le ministre de la Défense devant les parlementaires.
Les actes de piraterie se sont effondrés
Comme l’a expliqué Jean-Yves Le Drian, il ne s’agit pas d’un désengagement mais d’une adaptation des moyens à la menace. Celle-ci a, en effet, considérablement diminué en quelques années, avec un effondrement des attaques et des détournements de navires. Une situation qui tient en deux facteurs principaux. D’abord, la présence sur zone de nombreux moyens militaires, non seulement européens mais aussi de l’OTAN et d’autres pays, comme la Chine, le Japon, la Russie ou encore la Corée du sud. Dans le même temps, les armateurs se sont adaptés, avec la généralisation de bonnes pratiques (navigation à vitesse élevée dans les secteurs à risques, mise en place d’une « citadelle » où l’équipage peut se retrancher et conserver le contrôle du bateau en cas d’attaque, installation de défenses passives…) et l’essor des équipes de protection embarquée fournies par des sociétés privées. Ces gardes armés, qui complètent les détachements militaires sur certains navires de commerce battant pavillon nationaux, ont un effet très dissuasif et ont permis de déjouer nombre d’assauts. Il en résulte un effondrement des actes de piraterie au large de la Somalie. Ainsi, selon l’EU-NAVFOR, seulement 7 attaques (et aucun détournement) ont été enregistrées en 2013, contre 35 attaques et 5 détournements en 2012, 176 attaques et 25 détournements en 2011 et 174 attaques pour 47 détournements en 2010.
Une décision logique
Dans ces conditions, le dispositif européen, qui a compté en 2009 et 2010 jusqu’à une douzaine de bâtiments, a déjà été allégé. Ainsi, depuis de nombreux mois, Atalante ne compte plus qu’une demi-douzaine de bateaux à la mer. Ils ne sont que cinq actuellement : le TCD français Siroco, la frégate allemande Hessen, la frégate italienne Libeccio, la frégate ukrainienne Hetman Sagaidachny et le patrouilleur espagnol Tornado. Le fait que la France décide à son tour d’alléger sa participation est donc tout à fait logique puisqu’il y a suffisamment de pays participant à Atalante pour fournir les moyens nécessaires sans que l’un d’eux soit obligé d’y déployer des unités en permanence.
La décision du ministère de la Défense, au-delà de permettre une petite économie, ce qui est toujours bienvenu en période de fortes contraintes budgétaires, va surtout redonner un peu d’oxygène à la marine, qui fonctionne depuis des années à flux tendu. Cela en raison de la baisse du nombre de bâtiments, alors que les missions n’ont jamais été aussi nombreuses.
Bien entendu, la France continuera de participer à l’opération Atalante et fournira régulièrement des moyens. Un engagement qui sera sans nul doute renforcé le cas échéant si, d’aventure, la piraterie au large de la Somalie reprenait de la vigueur.