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En déplacement vendredi dernier sur la base d’aéronautique navale de Lann-Bihoué, près de Lorient, Jean-Yves Le Drian a confirmé que les futures frégates de taille intermédiaire (FTI) seraient construites à cinq exemplaires, remplaçant nombre pour nombre les La Fayette, mises en service entre 1996 et 2001. Avec pour conséquence, afin de respecter le format fixé par le dernier Livre Blanc sur la défense (15 frégates de premier rang à l’horizon 2025,  dont les Forbin et Chevalier Paul du type Horizon), d’interrompre le programme FREMM à la huitième unité. « Je maintiens la livraison à la Marine nationale de 6 FREMM anti sous-marines, d’ici fin 2019, selon le plan fixé par la LPM. La production des frégates devra donc être accélérée (du fait de la vente de la Normandie à l’Egypte, ndlr). Par la suite, d’ici 2022, deux autres FREMM anti sous-marines seront livrées. Ces dernières auront une capacité de défense anti-aérienne renforcée, par rapport aux premières FREMM. Enfin, elles seront suivies, dès 2023, par la livraison des 5 frégates de taille intermédiaire (FTI) », a expliqué le ministre de la Défense, venu dans ses terres bretonnes détailler les implications pour la marine et les industriels de l’actualisation de la loi de programmation militaire.  

 

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© MICHEL FLOCH

La FREMM Provence (© MICHEL FLOCH)

 

Livraison de la Provence dans les prochains jours

Concrètement, les six premières FREMM, toutes basées sur le modèle de l’Aquitaine, seront livrées d’ici 2019. La tête de série l’a été fin 2012 et la Provence le sera dans les prochains jours. Mise à flot en juillet 2014, la Languedoc doit débuter ses essais en mer en fin d’année pour une livraison en 2016. Viennent ensuite les Auvergne et Bretagne, en cours de construction et qui seront réceptionnées par la Marine nationale en 2017 et 2018. Achevée fin 2014, l’ex-Normandie, cédée à l’Egypte, sera remplacée par la construction d’une frégate supplémentaire, livrable en 2019. Cela entraine une ré-accélération du  rythme de production, qui revient en fait au niveau pré-LPM. Après les FREMM classiques, le site DCNS de Lorient va donc enchainer avec deux FREMM dotées de capacités de défense aérienne renforcées, appelées FREMM DA. La marine a obtenu que ces bâtiments, en plus de ces capacités (missiles Aster 30, radar Herakles plus puissant, système de combat adapté…) soient dotés des mêmes moyens de lutte ASM que leurs aînés. Sans cela, le nombre de plateformes anti-sous-marines aurait été trop faible pour remplir les missions dévolues aux forces basées à Brest et Toulon. Les deux FREMM DA seront donc livrées entre 2020 et 2022 pour succéder aux Cassard et Jean Bart, mises en service en 1988 et 1991.

 

Frégate du type La Fayette (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

Lancement du programme FTI au plus tard en 2016

DCNS enchainera l’année suivante avec la première FTI, livrable avec deux ans d’avance sur le planning initial. Pour qu’un achèvement de la tête de série intervienne en 2023, le programme devra être lancé au plus tard l’an prochain, afin de débuter la production à partir de 2018. DCNS, qui a déjà réalisé des études de levée de risques pour finaliser les exigences technico-opérationnelle relatives aux FTI, attend donc, maintenant, la notification du contrat d’études et de développement de ces nouvelles frégates. A lui-seul, le prototype représentera 3 millions d’heures de travail, dont la moitié pour les études. A titre de comparaison, l’Aquitaine a nécessité de l’ordre de 4 millions d’heures de travail, études comprises. Chez DCNS, on se félicitait vendredi de la décision de lancer FTI, qui ajoute deux frégates supplémentaires au plan de charge de Lorient et donne au site une visibilité de plus de 10 ans. « L’actualisation de la Loi de Programmation Militaire va permettre à DCNS de continuer à développer sa gamme de navires et de services et accélérer son développement international. Avec le lancement du programme FTI, nous proposerons un produit qui répond au besoin de la Marine nationale et qui répondra à une demande internationale en croissance pour des frégates de premier rang et d’environ 4000 tonnes », a expliqué Hervé Guillou, président du groupe naval.

Un bâtiment conçu avant tout pour l’export

Il faut dire que le programme FTI est avant tout destiné aux industriels. Alors que les marins, toujours soucieux d’homogénéiser leur flotte, se seraient probablement contentés des FREMM, il fallait en effet donner du travail aux bureaux d’études de DCNS et permettre au champion français du naval militaire de proposer sur le marché export un nouveau produit estampillé « Marine nationale ». Cela, afin de répondre à la concurrence, notamment européenne, sur le segment des frégates d’environ 4000 tonnes. Jean-Yves Le Drian n’a d'ailleurs pas caché, vendredi dernier, les motivations ayant présidé au choix de limiter le programme FREMM pour lancer FTI de manière anticipée : « Au-delà de l’enjeu majeur pour notre Marine, il s’agit bien aussi d’un choix de politique industrielle », a dit le ministre. « L’analyse de la DGA, menée ces derniers mois en collaboration avec DCNS et son partenaire Thales, a en effet démontré le besoin d’un renforcement d’une offre française à l’export, qui soit complémentaire du produit FREMM. L’enjeu est aussi de pouvoir nous différencier au plan technologique, d’ici dix ans, d’une concurrence mondiale concentrée sur le créneau des frégates de taille intermédiaire, avec le lancement de projets similaires en Espagne, Italie, et Allemagne notamment ».

Des plateformes plus légères que les FREMM, dont le déplacement atteint 6000 tonnes, mais qui, il ne faut pas s’y tromper, seront aussi bien équipées que leurs grandes sœurs, si ce n’est mieux.

Une plateforme de première classe

Car, si certaines marines veulent des bâtiments moins gros et moins automatisés que les FREMM, elles souhaitent des bateaux puissamment armés, dotés des meilleurs senseurs et parfaitement polyvalents. Il n’y a qu’à voir le niveau d’équipement d’une corvette du type Gowind 2500. Sur une plateforme de seulement 102 mètres et 2500 tonnes, on trouve ainsi 8 Exocet, 16 VL Mica, des tubes lance-torpilles, un canon de 76mm, des affûts de petit calibre télé-opérés, un hélicoptère de la classe 10 tonnes, deux embarcations d’intervention, un radar tridimensionnel, un sonar de coque et un sonar remorqué.

Autant dire que pour justifier l’achat d’un bateau de 4000 tonnes, il faudra faire mieux. En clair, DCNS et ses partenaires vont concevoir une frégate lourde compacte, dont les capacités devraient même, évolutions technologiques aidant, être plus importantes que celles des FREMM.

 

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© THALES

Radat Sea Fire 500 (© THALES)

 

Radar multifonctions à faces planes

En termes de senseurs, l’époque des antennes tournantes va ainsi s’achever. Les FTI intègreront le premier radar multifonctions à faces planes conçu en France. Il s’agit du Sea Fire 500 de Thales, dont le développement a été lancé fin 2014 (voir notre article sur le sujet). La nouvelle frégate devrait, en outre, bénéficier des innovations liées au contrat d’études « Topside Intégré », initié par la Direction Générale de l’Armement. Après les études préliminaires en 2012, les industriels français, DCNS et Thales en tête, en sont aujourd’hui à la phase de développement. L’objectif est d’intégrer aux mâts et superstructures des bâtiments des systèmes fixes et panoramiques regroupant l’ensemble des moyens de surveillance, pas uniquement le radar principal, mais aussi les communications et la guerre électronique. Le recours aux nouvelles technologies antennaires doit permettre de résoudre les problèmes de comptabilité électromagnétique entre les différents systèmes.  Pour ce programme majeur, la DGA et les industriels ambitionnent de développer le Topside intégré le plus poussé au monde, avec une capacité de fonctionnement simultané et nominal de l’ensemble des senseurs et moyens de communication, ce qui est impossible aujourd’hui.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Sonar remorqué Captas 4 sur FREMM (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Lutte anti-sous-marine

Compte tenu de la prolifération des sous-marins dans le monde, qui va d’ailleurs conduire à équiper les La Fayette d’un sonar, les FTI seront évidemment dotées de solides moyens ASM. Ces plateformes seront sans nul doute en mesure de déployer une antenne remorquée en plus de leur sonar de coque. Dotées de tubes lance-torpilles, les frégates pourront, le cas échéant, embarquer un hélicoptère gréé pour la lutte anti-sous-marine.

 

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© MARINE NATIONALE

Caïman Marine tirant une torpille MU90 (© MARINE NATIONALE)

 

Artillerie, drones, missiles antinavire

Il va sans dire que les bâtiments, en plus de leur artillerie (canon principal et affûts télé-opérés de petit calibre) et d’une suite de contre-mesures (lance-leurres anti-missiles et anti-torpille) seront en mesure de mettre en œuvre des drones. Comme tout bâtiment de premier rang, les FTI seront par ailleurs équipées de missiles antinavire. Une nouvelle génération de munitions, appelée à succéder à l’Exocet MM40 Block3 (et qui pourrait faire l’objet d’une coopération avec les Britanniques qui vont devoir remplacer le Harpoon américain), est d’ailleurs à l’étude en vue d’une mise en service au cours de la prochaine décennie.

 

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© MBDA

Tir d'Aster 15 depuis la FREMM Aquitaine (© MBDA)

 

Un tandem Aster / VL Mica ?

Les réflexions sont, par ailleurs, très intenses quant à la défense contre aéronefs et missiles des futures FTI. Jusqu’ici, on imaginait plutôt une dotation en Aster 15. Toutefois, compte tenu de l’évolution sensible des menaces aériennes dans les prochaines années, une nouvelle tendance commence à émerger. Elle porte sur la combinaison de missiles Aster 30, à plus longue portée, et de missiles à courte portée VL Mica. Un tandem qui avait déjà été imaginé sur les FREMM proposées à la Grèce à la fin des années 2000. Et qui intéresserait aussi fortement les Italiens pour leur nouvelle génération de frégates.

 

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© DCNS

La FREMM qui avait été proposée à la Grèce, avec le VL Mica (© DCNS)

 

Des capacités de DAMB ?

Ceux-ci envisagent d’ailleurs d’aller plus loin et de doter leurs futurs bateaux d’une capacité de défense contre les missiles balistiques (DAMB). A cet effet, l’intégration aux nouvelles frégates italiennes de l’Aster Block 1 NT est à l’étude. Une option que les Français pourraient eux aussi envisager pour leurs FTI, le radar Sea Fire 500 étant dès l’origine imaginé pour pouvoir servir à la DAMB.

Concernant les installations de tir, l’intégration de l’Aster Block 1 NT sur les frégates devrait nécessiter l’emploi des mêmes lanceurs que l’Aster 30.

Un lanceur polyvalent Aster/MdcN

A ce propos, on rappellera que la marine française souhaite le développement d’un lanceur polyvalent permettant de mettre en œuvre aussi bien des Aster 30 que des missiles de croisière navals. Il s’agit en effet de pouvoir gréer les FREMM DA avec des MdCN, sans pour autant augmenter le nombre de cellules (32). Or, avec ce lanceur polyvalent, il sera également possible, en cas de besoin, de doter les FTI de MdCN.

 

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© DCNS

La FM 400 dévoilée en 2008 (© DCNS)

 

Le design

Niveau design, aucune vue n’est encore disponible, du fait qu’industriels et militaires doivent encore se mettre d’accord sur les caractéristiques et les capacités exactes des futures FTI. Le challenge sera de développer une frégate capable de répondre largement aux besoins du marché export, tout en intégrant les souhaits de la Marine nationale.

DCNS pourra toutefois débuter ses travaux à partir d’une plateforme que le groupe a déjà dans ses cartons : la FM 400. Dévoilée en 2008 et présentée à l’époque comme la succession des La Fayette, cette frégate modulaire de 126 mètres et 4000 tonnes avait été spécifiquement imaginée pour le marché international et présentée à plusieurs pays, dont l’Algérie. C’est aussi sur la base de ce design que Thales, en octobre dernier, avait illustré l’intégration du Sea Fire 500 sur une frégate de 4000 tonnes. Même si la FTI présentera une architecture probablement différente, cela donne déjà une idée de ce à quoi la future frégate française pourrait ressembler. 

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