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La Marine nationale poursuit le renouvellement de sa flotte de surface et plus particulièrement de ses frégates, épine dorsale des forces navales françaises. Troisième de ses huit nouvelles frégates multi-missions (FREMM), le Languedoc a été officiellement livré hier par DCNS à l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement, structure internationale en charge de la gestion de programmes militaires entre pays européens. L’OCCAR, qui a donc été chargée en 2005 de chapeauter le programme franco-italien FREMM, a remis dans la foulée le bâtiment à la Direction Générale de l’Armement (DGA), qui l’a à son tour transféré à la Marine nationale. Les signatures des actes de livraison et de transfert sont exceptionnellement intervenues à bord du bâtiment, qui a effectué une sortie en mer au cours de laquelle, malgré une météo « plus » brestoise que provençale, des démonstrations ont été réalisées. L’ECUME, nouvelle embarcation des commandos marine, ainsi qu’un Caïman Marine, version française du NH90 NFH, ont notamment réalisé des manœuvres à proximité du bâtiment. A l’issue de cette sortie au large de Toulon, le Languedoc a regagné la base varoise, faisant tirer, pour célébrer son intégration dans la flotte, 17 coups à ses canons de salut, alors que les remorqueurs de la base navale l'accompagnaient en actionnant leurs lances à eau.   

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Tir d'un canon de salut pour l'entrée à Toulon (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Cinquième FREMM achevée par DCNS

Sistership de l’Aquitaine et de la Provence, livrées par DCNS en novembre 2012 et juin 2015, la frégate Languedoc a comme ses aînées été réalisée à Lorient. Sa première tôle a été découpée en octobre 2011, la mise à flot de la coque intervenant en juillet 2014. Les essais en mer, qui ont débuté en octobre dernier, ont été extrêmement courts. « La durée des essais en mer d’acceptation a pu être réduite à cinq semaines, grâce à l’expérience acquise sur les FREMM déjà livrées. Les équipes de DCNS et nos partenaires ont en effet atteint un niveau d’achèvement du navire sans précédent avant même sa première sortie à la mer », se félicite Anne Bianchi, directrice du programme FREMM chez DCNS. Depuis l’Aquitaine, le groupe naval avait, en effet, déjà achevé trois frégates de ce type, avec en plus de la Provence les deux premières unités vendues à l’export, le Mohammed VI, réceptionné par le Maroc fin 2013 et la Tahya Misr, qui a rallié l’Egypte à l’été 2015. Le Languedoc est donc la cinquième FREMM produite par DCNS et, souligne le directeur de l'unité de management Opérations d’armement navales à la DGA, « c’est la première livrée à la marine française depuis l’admission au service actif de l’Aquitaine (en décembre dernier, ndlr). Cela signifie que nous avons atteint un excellent niveau de maturité, ce que prouve la livraison en avance du Languedoc par rapport au calendrier opérationnel ». Ainsi, pour Laurent Sellier, « le Languedoc constitue l’aboutissement du développement des FREMM ».

Effet de série et retours d’expérience

DCNS a, ainsi, atteint son rythme de croisière sur ce programme et bénéficie, comme ses clients, de l’effet de série recherché : « Avec cette cinquième unité, DCNS a de nouveau amélioré sa performance industrielle et économique », note Anne Bianchi. Le retour d’expérience acquis sur les premières unités livrées a non seulement été mis à profit par le constructeur, mais également par les marins. Ceux-ci ont travaillé étroitement avec les industriels afin de mener à bien la mise au point et la qualification des différents systèmes des FREMM. Puis, à la lumière des premiers déploiements, ont demandé différentes adaptations, aujourd’hui intégrées sur le Languedoc et qui seront ensuite implémentées sur les premiers bâtiments. « Il y a un processus permanent de traitement des obsolescences et, grâce au retour d’expérience, nous avons tenu compte des corrections et évolutions demandées par la marine », explique-t-on chez DCNS.

 

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Le Captas 4 vu de la plateforme (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Toutes les capacités validées

Parmi les grandes capacités validées sur FREMM, on retiendra le premier tir de missiles surface-air Aster 15 en février 2013, celui du nouveau missile de croisière naval (MdCN) en mai 2015, ou encore la mise en œuvre de la torpille MU90 en octobre dernier. Entretemps, de nombreux autres systèmes ont été qualifiés, comme le radar multifonctions Herakles, la guerre électronique, les moyens de détection sous-marine (sonar remorqué Captas 4 et antenne de coque), missiles antinavire Exocet MM40 Block3, canon de 76mm, affûts télé-opérés de 20mm, embarquement de l’hélicoptère Caïman Marine, qui forme avec la frégate un redoutable tandem ASM, ainsi que l’ECUME…

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Caïman Marine (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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ECUME (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

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Avec également l’intégration de l’ensemble des senseurs et de l’armement au sein d’un système de combat de nouvelle génération, le SETIS, sans oublier les moyens de communication, notamment les liaisons de données (L16, L22), qui font de la FREMM un bâtiment répondant aux standards OTAN parfaitement interopérable avec les unités alliées. « C’est l’un des outils les plus complexes que l’on peut imaginer. Il s’agit d’un bâtiment extrêmement performant et moderne, parmi les meilleurs au monde, d’une grande polyvalence et capable de répondre tous types de menaces, notamment face à des stratégies de déni d’accès. Les FREMM constituent vraiment une évolution majeure en termes de capacités pour la marine », rappelle le vice-amiral Jean-Louis Lozier, président de la commission permanente des programmes et des essais de la Marine nationale.

 

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© MARINE NATIONALE

FREMM avec le Charles de Gaulle dans le golfe Persique (© MARINE NATIONALE)

 

Des capacités déjà démontrées en opérations

Et l’amiral Lozier, comme bien d’autres officiers français, ne cache pas sa satisfaction de voir arriver ces nouvelles frégates au sein de la flotte. « L’Aquitaine et la Provence ont montré des capacités remarquables en termes de lutte anti-sous-marine, antisurface et de défense aérienne, notamment lors de leur intégration cet hiver au sein du groupe aéronaval et avec un porte-avions américain. Les FREMM sont des bateaux endurants, ils se comportent très bien dans des environnements très divers et sont particulièrement discrets, tant au niveau de l’acoustique que de la discrétion électromagnétique et infrarouge ». Alors que les FREMM apportent aussi à la France un nouvel outil de puissance avec le MdCN, qui permettra de frapper des cibles terrestres à longue distance, elles se révèlent par ailleurs comme d’excellentes plateformes pour les opérations spéciales. Quant à la lutte ASM, mission principale de ces nouvelles frégates chargées entre autres de protéger les SNLE et le porte-avions, l’amiral Lozier, en tant qu’ancien sous-marinier, regarde évidemment avec un œil d’expert les performances des FREMM : « Les F70 qu’elles remplacent ont toujours d’indéniables qualités, notamment anti-sous-marines, mais il clair que nous faisons là un véritable saut capacitaire ».

 

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© MARINE NATIONALE

La Provence (© MARINE NATIONALE)

 

La Provence et le Languedoc en service d’ici la fin de l’année

Alors que le programme est désormais bien rôdé, les livraisons et admissions au service actif vont s’enchainer à un rythme régulier. Très confiant dans les progrès de la Provence, qui réalise actuellement son déploiement de longue durée la conduisant jusqu’en Asie,  le président de la commission permanente des programmes et des essais de la marine envisage de proposer son ASA début juin. Quant au Languedoc, qui débute son évaluation opérationnelle et débutera cet été sa DLD, au cours de laquelle elle devrait participer à un important exercice au Canada, son admission au service actif est envisagé dès la fin de l’année. Et en France, où ce processus est extrêmement rigoureux et différent de ce que l’on observe dans d’autres marines, où des unités mises en service ne sont pas forcément encore opérationnels, une ASA signifie que le bâtiment est prêt au combat.  

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

Le Languedoc à Toulon (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

Auvergne, Bretagne et Normandie seront livrées d’ici la mi-2019

D’ici là, DCNS va poursuivre l’achèvement et la construction des FREMM suivantes. Un an après sa mise à l’eau à Lorient, l’Auvergne doit débuter ses essais en mer au mois de septembre en vue d’une livraison à la Marine nationale en 2017. Suivra en 2018 la Bretagne, en cours d’assemblage, puis au premier semestre 2019 la sixième frégate de ce type. Celle-ci devait initialement être baptisée Alsace mais l’état-major a finalement choisi de lui donner le nom de Normandie, qui a pour mémoire été déjà attribué deux fois à des bâtiments finalement vendus à l’export (Mohammed VI et Tahya Misr). Si la logique est respectée, les deux dernières FREMM devraient s’appeler Alsace et Lorraine, noms initialement retenus parmi ceux des huit premières frégates de ce type, du temps où le programme comptait encore 11 unités (17 à l’origine du contrat, signé en 2005). Les septième et huitième FREMM adopteront la même plateforme avec des moyens de lutte ASM et antinavire identiques, mais disposeront de capacités renforcées en matière de défense aérienne. Ces FREMM DA, livrables en 2021 et 2022, auront un radar plus puissant et mettront en œuvre des Aster 30, peut être avec de nouveaux lanceurs, des réflexions étant en cours pour développer des cellules hybrides capables d’accueillir l’Aster 30 mais aussi le MdCN. Suite à son premier tir réussi l’an dernier, on notera que le premier missile de croisière européen, après la livraison des premiers lots par MBDA, pourra en cas de besoin être utilisé à partir des FREMM très prochainement. Il équipera par ailleurs les six nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque du type Barracuda dont la tête de série, le Suffren, sera livrée par DCNS en 2017.

 

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© MARINE NATIONALE - L. BERNARDIN

Tir d'un MdCN depuis l'Aquitaine en mai 2015 (© MBDA)

 

142 mètres pour 6000 tonnes de haute technologie

Pour mémoire, les Aquitaine mesurent 142 mètres de long pour 20 mètres de large et affichent un déplacement de 6000 tonnes en charge. Leur armement est constitué de 16 MdCN, 16 Aster 15 et 8 Exocet MM40 Block3 fournis par MBDA, une tourelle de 76mm OTO-Melara, deux canons télé-opérés de 20mm Narwhal (Nexter), ainsi que des torpilles MU90 (Eurotorp) lancées au moyen de deux tubes ou via l’hélicoptère, également doté d’un sonar trempé FLASH et de bouées acoustiques, développés comme les antennes de la frégates par Thales. L’électronicien a également fourni le radar Herakles et d’autres systèmes, comme les communications et la guerre électronique. En plus des deux brouilleurs, développés avec les Italiens, les FREMM disposent de différents équipements, dont des lance-leurres anti-missile et anti-torpille.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

(© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

La propulsion

Très souple d’emploi, leur propulsion de type CODLOG comprend quatre diesels-générateurs MTU de 2.2 MW chacun, assurant les besoins du bord en électricité et alimentant jusqu’à 17/18 nœuds des moteurs électriques de propulsion Jeumont. Une formule qui permet au bâtiment d’évoluer en silence, en particulier lors des opérations de lutte ASM. Puis, pour les vitesses élevées, jusqu’à 27 nœuds, la propulsion bascule sur une turbine à gaz GE Avio de 32 MW. Les machines sont réparties en deux compartiments physiquement séparés, un à l’arrière avec deux diesels et la turbine, et un à l’avant avec les deux autres diesels (les échappements du premiers partent par la cheminée alors que ceux du second sont évacués au niveau de la ligne de flottaison, ce qui explique la présence de vapeur, en particulier lorsque la température est basse). Les FREMM disposent également d’un petit propulseur rétractable Brunvoll qui peut servir de propulsion de secours mais est surtout utilisé par les marins pour faciliter les manœuvres portuaires. Quant aux capacités manœuvrières, elles sont dit-on excellentes, les FREMM étant capables, comme les frégates de défense aérienne du type Horizon, de réaliser en cas de nécessité d’impressionnantes embardées, impossibles à réaliser avec les anciennes F70.

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

Le Languedoc à Toulon (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

La gestion de la propulsion et de la production d’énergie, ainsi que la sécurité du bord, est gérée depuis un PC d’où l’on peut surveiller et commander l’ensemble avec seulement deux opérateurs grâce à des automates et des consoles multifonctions. La conduite de la plateforme et la sécurité peuvent même être gérées directement depuis la passerelle. « C’est un vrai changement par rapport aux frégates de la génération précédente. Grâce à l’automatisation, on peut réduire le personnel de quart et tout gérer à distance », précise un officier du Languedoc.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

La passerelle du Languedoc (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Une forte automatisation pour un équipage réduit

L’automatisation, qui suppose aussi une architecture très robuste et d’importantes redondances afin de conserver ces fonctions malgré des accidents ou avaries de combat, est omniprésente sur le bateau. Y compris au Central Opération et en passerelle, où des consoles multifonctions permettent là aussi de gérer l’ensemble des équipements avec un minimum d’opérateurs. Au final, il est possible de mettre en œuvre une FREMM avec 94 marins seulement, contre 200 sur les précédentes frégates. Une dotation en personnel qui a été validée par la Marine nationale, même si celle-ci a décidé de gonfler un peu les effectifs, aujourd’hui de 105 membres d’équipage.

 

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© MARINE NATIONALE

CO de l'Aquitaine (© MARINE NATIONALE)

 

Un renfort qui permet de faire face à des situations de crise dans la durée mais qui est en fait surtout constitué de fonctions « logistiques ». S’y ajoute le détachement hélicoptère, comprenant une quinzaine de marins pour la mise en œuvre du Caïman. Et il reste encore 25 couchages à bord pour accueillir par exemple un petit état-major de force ou des commandos, les niches situées de chaque côté du bâtiment pouvant loger chacune une ECUME. On notera à ce propos que la nouvelle embarcation rapide des commandos marine français a été déployée cet hiver sur l’Aquitaine et la Provence.

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

(© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

Quatre à Brest et quatre autres à Toulon

En ce qui concerne le positionnement des nouvelles frégates françaises, on rappellera que l’Aquitaine et la Provence sont basées à Brest, le Languedoc étant la première FREMM à prendre ses quartiers à Toulon, où la rejoindra l’an prochain l’Auvergne afin de succéder aux frégates anti-sous-marines Montcalm (1982) et Jean de Vienne (1984), du type F70. Alors que la Bretagne et la Normandie sont aussi destinées à Brest, où elles permettront d’achever la succession des Primauguet (1986), La Motte-Picquet (1988) et Latouche-Tréville (1990), les FREMM DA remplaceront sur la façade méditerranéenne les frégates antiaériennes Cassard (1988) et Jean Bart (1991). Elles s’ajouteront aux frégates de défense aérienne Forbin (2010) et Chevalier Paul (2011), permettant ainsi de compenser l’abandon dans les années 2000, pour raisons budgétaires, des troisième et quatrième FDA.   

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

Le Languedoc à Toulon (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

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