Porté par Dassault Aviation, le programme de démonstrateur technologique de drone de combat européen vient de franchir une étape majeure avec le décollage du Neuron. L’engin a effectué avec succès, le 1er décembre, son premier vol depuis la base aérienne d’Istres. D’une durée de 25 minutes, ce premier vol a été mené en collaboration avec les équipes du centre DGA Essais en Vol. Dans les prochains mois, les mesures recueillies durant cet essai vont être analysées dans un site de la Direction Générale de l’Armement en Bretagne. Une nouvelle campagne d’essais en vol est ensuite prévue, normalement autour du printemps 2013. Le Neuron poursuivra ses essais en France jusqu’en 2014. Il rejoindra ensuite Vidsel, en Suède, pour une série de tests à caractère opérationnel. Puis il rejoindra le polygone de Perdadesfogu, en Italie, pour d’autres essais, notamment de tirs et de mesure de furtivité.

(© : DASSAULT AVIATION - REMI MICHELIN)

(© : DASSAULT AVIATION - PHILIPPE STROPPA)

(© : DASSAULT AVIATION - ALEXANDRE PARINGAUX)

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(© : DASSAULT AVIATION)

(© : DASSAULT AVIATION - ALEXANDRE PARINGAUX)
Premier UCAV européen
Premier drone de combat (UCAV – Unmanned Combat Aerial Vehicle) européen furtif, le Neuron mesure 10 mètres de long pour 12.5 mètres d’envergure. Affichant une masse à vide de 5 tonnes, il est propulsé par un moteur Adour de Rolls-Royce et Turbomeca. Lancé en 2005 par la DGA, qui en est le maître d’ouvrage, le programme Neuron a été rejoint par l’Italie, la Suède, l’Espagne, la Grèce et la Suisse. Industriellement, Dassault Aviation, maître d’œuvre du projet, est responsable de la conception générale et de l’architecture du système, des commandes de vol, des éléments de furtivité, de l’assemblage final, de l’intégration des systèmes, ainsi que des essais. Pour mener à bien ce programme, l’avionneur français coopère avec différents partenaires européens. L’Italien Alenia Aermacchi a fourni un concept novateur de soute interne d’armement, la SIWB (Smart Integrated Weapon Bay), un capteur interne EO/IR (électro-optique/infrarouge), les portes des soutes et leur mécanisme d’ouverture, les systèmes électriques de la plateforme, ainsi que l’anémométrie. Le groupe suédois Saab a, pour sa part, conçu et livré le fuselage principal, les trappes de train, l’avionique ainsi que le système carburant. L’Espagnol EADS/CASA a, quant à lui, apporté son expertise pour les ailes, le segment sol et l’intégration des liaisons de données, alors que le Grec Hellenic Aerospace Industry a été chargé de la section arrière du fuselage, de la tuyère, ainsi que de la fourniture de racks pour le banc d’intégration global. Enfin, la société suisse RUAG a pris en charge les essais de soufflerie basse vitesse, ainsi que les interfaces entre la plateforme et les armements. L’assemblage final du drone, ainsi que le câblage, l’installation des tuyauteries et des équipements (dont le moteur et les trains d’atterrissage), ont été réalisés par Dassault à Istres.

(© : DASSAULT AVIATION - SEBASTIEN RANDE)

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Défi technologique
Pour les industriels impliqués dans le programme, le Neuron constitue un beau défi technologique. Il s’agit, d’abord, du premier aéronef militaire au monde à être entièrement conçu et développé en plateau virtuel, nécessitant le recours à un outil informatique de type PLM (Product Lifecycle Management) et au logiciel CATIA. Cette architecture permet aux équipes partenaires de travailler simultanément et en temps réel sur la même base de données informatique, quelque soit le lieu d’exécution des travaux. Dassault Aviation explique que toute les équipes engagées dans le programme depuis son origine se connaissent très bien, non seulement grâce à la mise en œuvre quotidienne d’outils collaboratifs distants liés au PLM, mais aussi via le travail de développement mené en commun au sein d’un même plateau « physique », ce bureau d’études étant installé au siège de l’avionneur français, à Saint-Cloud. « Cette organisation spécifique et innovante permet d’atteindre la réactivité indispensable pour résoudre rapidement les faits techniques identifiés durant le développement du programme ». Les principaux challenges technologiques du Neuron ont résidé dans la forme de l’aéronef (aérodynamique, structure composite innovante, soute interne), son caractère furtif, l’insertion de ce type d’aéronef dans un espace aérien, le développement des algorithmes nécessaires aux automatismes, ou encore la place de l’humain dans la boucle de mission de cet engin sans pilote. Alors que tous les avions de combat européens utilisent aujourd’hui des points d’emport externes pour l’armement, il a également fallu développer la capacité à emporter et tirer des munitions depuis une soute interne.

Le Plateau de Saint-Cloud (© : DASSAULT AVIATION - SEBASTIEN RANDE)
Conception virtuelle du Neuron sous CATIA (© : DASSAULT AVIATION)

Essais en soufflerie (© : ONERA)
Une coopération axée sur les compétences des partenaires
Le programme Neuron se distingue également par la mise en place d’une nouvelle relation entre partenaires européens. Jusqu’ici, nombre de programmes en coopération ont, en effet, été marqués par des retards, des problèmes techniques et des surcoûts, en partie liés au fait que la répartition des tâches entre Etats participant était décidée politiquement en imposant une part précise de retombées industrielles sur chaque pays, sans forcément se préoccuper des réelles capacités des sociétés imposées à mener à bien le travail qui leur était confié. Des risques supplémentaires apparaissent de surcroît, lorsque certains veulent en profiter pour développer sur leur sol des capacités technologiques dont ils ne disposent pas. Cette fois, le principe de « retour sur investissement géographique » n’a pas été appliqué, offrant ainsi une véritable souplesse au programme et, surtout, la possibilité pour Dassault Aviation de s’appuyer sur les meilleurs partenaires en fonction de la qualité de leur savoir-faire. « L’objectif de ce projet n’est pas de créer de nouvelles capacités technologiques en Europe mais de tirer le meilleur bénéficie des niches existantes », rappelle d’ailleurs le groupe français. En fonction des objectifs fixés par la DGA, qui a dès le départ clairement inscrit Neuron dans la perspective de l’Europe de la Défense, Dassault a confié environ 50% de la valeur des travaux à des partenaires européens, choisis à l’issue d’une sélection sévère, basée sur l’excellence des compétences, la compétitivité et l’engagement budgétaire de chaque gouvernement participant au financement du programme. Neuron constitue donc, en plus de ses aspects technologiques, l’expérimentation d’une nouvelle forme de gestion de programme plus optimisée au sein d’une coopération internationale. Avec aussi une forte notion de compétitivité, chaque partenaire étant invité à participer au projet en apportant le meilleur rapport coût-efficacité.

Le Rafale et le Neudon (© : DASSAULT AVIATION - ALEXANDRE PARINGAUX)
Les objectifs du programme
Neuron s’inscrit dans un contexte général marqué notamment par la nécessité, pour l’industrie européenne des avions de combat, de développer dans les 20 prochaines années des technologies stratégiques et de maintenir des pôles d’excellence. Les avions européens de nouvelle génération, comme le Rafale, le Gripen ou l’Eurofighter, en sont en effet au stade de la livraison et, avant que leur succession prenne leur relève, il s’écoulera de nombreuses années. Il convient donc, dans l’intervalle, de maintenir le plan de charge des bureaux d’études afin de conserver les compétences et développer les technologies qui permettront à l’Europe de pouvoir concevoir les appareils de demain. C’est, exactement, ce que la France, l’Italie, la Suède, l’Espagne et la Suisse font avec Neuron, qui a également pour vocation de développer les capacités européennes dans le domaine des avions de combat sans pilote et, ainsi, faire en sorte que l’Europe ne se laisse pas distancer sur cette technologie d’avenir.

(© : DASSAULT AVIATION - PHILIPPE STROPPA)
Le Neuron devra, ainsi, pouvoir au terme de ses essais en vol exécuter de manière autonome une mission air-sol subsonique basée sur la détection, la localisation et la reconnaissance de cibles terrestres. L’objectif est, en parallèle, de réaliser des tirs d’armements à partir d’une soute interne, dans des délais de réactivité très courts. Enfin, le démonstrateur servira à évaluer la détectabilité d’une plateforme furtive face à des menaces sol-air, tant dans le domaine de la signature radar que dans celui de la signature infrarouge.
Pour l’heure, ce programme porte seulement sur un UCAV basé à terre mais, à l’avenir, il pourrait servir de base au développement d’un drone de combat embarqué, à l’image de ce que les Etats-Unis réalisent actuellement avec le X-47B, qui doit effectuer ses premiers catapultages et appontages sur un porte-avions américain en 2013.

(© : DASSAULT AVIATION - REMI MICHELIN)