Aller au contenu principal

Parti la veille au soir de Toulon, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre, de la Marine nationale, est arrivé hier matin à Ajaccio dans le cadre d’une opération visant à désengorger le service de réanimation de l’hôpital de la capitale corse. Ce dernier ne compte actuellement que 15 lits disponibles, 13 étant déjà occupés hier matin. Il y en aura 26 la semaine prochaine. Mais, en attendant, la rotation effectuée par le Tonnerre a permis au service de réanimation, alors que les malades du coronavirus sont de plus en plus nombreux, de pouvoir retrouver un peu de marges de manœuvre  grâce au transfert vers les hôpitaux militaires de Toulon (Sainte-Anne) et Marseille (Laveran) de 6 patients sous assistance respiratoire, ainsi que 6 autres malades atteints du Covid-19. Cela, grâce à l’adaptation de l’hôpital embarqué du Tonnerre à la prise en charge spécifique de ces patients. « La solidarité nationale a joué cette fois en faveur de la Corse. Cela va permettre à l’hôpital d’Ajaccio d’aborder cette vague de malades que nous anticipons dans les prochains jours avec un peu de répit », a dit le préfet de Corse, Franck Robine. Les douze ambulances mobilisées pour le transfert des malades entre l’hôpital et le PHA ont commencé leurs rotations en fin de matinée. Le bâtiment de la Marine nationale a appareillé d’Ajaccio en début d’après-midi, en vue de rallier Marseille dans la soirée.

 

224588 tonnerre coronavirus covid
© MARINE NATIONALE

Le PHA Tonnerre à Ajaccio hier (© MARINE NATIONALE)

 

Diaporama orphelin : container

 

224566 pha tonnerre coronavirus
© MARINE NATIONALE

L'une des salles de l'hôpital embarqué préparées pour l'accueil des malades (© MARINE NATIONALE)

 

Une opération mobilisant plusieurs administrations militaires et civiles

Son départ vers la Corse avait été annoncé vendredi par Florence Parly, la ministre des Armées. L’opération, menée en interministériel, a nécessité la préparation du bâtiment, l’adaptation de ses installations hospitalières avec notamment la mise en place de respirateurs et des procédures de confinement, ainsi que l’embarquement de personnel et de matériels spécialisés. Parmi eux, un module du Service de Santé des Armées et une équipe de l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille. Ont également embarqué sur le Tonnerre deux véhicules du bataillon des marins-pompiers de Marseille, un hélicoptère Caïman Marine, un engin de débarquement amphibie rapide (EDAR), ainsi qu’un détachement du 2ème régiment de Dragons, une unité spécialisée dans les risques nucléaires, bactériologiques et chimiques (NRBC) en charge ici des opérations de décontamination.

Pourquoi déployer un tel bâtiment pour 12 patients seulement ?  

Alors que l’hôpital embarqué du Tonnerre, comme de ses deux sisterships le Mistral et le Dixmude, compte 69 lits, des blocs opératoires et autres salles de radiologie, certains se sont étonnés que le bâtiment embarque seulement 12 patients, voire ne stationne pas à Ajaccio pour compléter les services hospitaliers locaux. Cela tient à plusieurs raisons. D’abord, le matériel nécessaire pour armer des dizaines de lits de réanimation n’est probablement pas disponible à ce stade. Le SSA et ses personnels médicaux sont notamment mobilisés actuellement sur la montée en puissance des services de réanimation des cinq hôpitaux d’instruction des armées (Bégin, Percy, Sainte-Anne, Clermont-Tonnerre et Laveran), tout en concentrant leurs moyens projetables en Alsace, où un hôpital de campagne (élément militaire de réanimation – EMR, dans le jargon) comprenant 30 lits avec respirateurs doit être opérationnel cette semaine pour soulager les centres hospitaliers de Mulhouse et Strasbourg. Par ailleurs, il n’y a pas lieu, en l’état, de déployer des hôpitaux flottants de manière statique, la priorité étant d’accroître les capacités des installations terrestres existantes. Le ministère des Armées préfère sans doute conserver cette capacité maritime mobile s’il y a lieu de dépêcher un ou plusieurs PHA dans des zones où les besoins sont plus critiques, y compris outre-mer. Le Mistral demeure ainsi en océan Indien pour pouvoir, si besoin, rejoindre rapidement La Réunion ou Mayotte. Quant au Dixmude, de retour de Méditerranée orientale, il est également disponible, pour la métropole comme le Tonnerre ou au profit d’autres territoires ultramarins, comme les Antilles, la Guyane ou même Saint-Pierre et Miquelon. En cas de nécessité, les PHA pourraient apporter non seulement un soutien médical, mais également logistique. 

 

224592 phenix a330 mrtt morphee
© MINISTERE DES ARMEES

A330 Phénix servant aux rotations aériennes avec le kit MORPHEE (© MINISTERE DES ARMEES)

 

MORPHEE ne pourra pas être partout

L’opération menée par le Tonnerre, sur un transit nécessitant une dizaine d’heures seulement de navigation entre le continent et la Corse, a permis de valider l’emploi d’un PHA pour l’accueil de malades gravement atteints du coronavirus. Et le chiffre de 12 patients n'est pas nul puisqu'il correspond à titre de comparaison à un tiers des capacités du service de réanimation de l'hôpital Saint-Anne. Cela, mis sur pied en moins de 48 heures. Le PHA constitue donc une capacité complémentaire aux moyens aériens de l’armée de l’Air, qui a gréé un A330 Phenix avec un module de réanimation pour patients à haute élongation d’évacuation (MORPHEE). L’appareil ainsi équipé a réalisé une première mission le 18 mars, transférant depuis Mulhouse 6 patients vers l’hôpital Sainte-Anne de Toulon (visa la base aérienne d’Istres). Une seconde rotation est intervenue samedi 21 mars entre Mulhouse et Bordeaux avec 6 autres personnes. Là aussi, l’objectif est de soulager les hôpitaux alsaciens saturés par l’afflux de malades. Le nombre de rotations que le Phénix peut réaliser demeure néanmoins limité dans cette mission de transport de personnes porteuses d’un virus à forte transmissibilité. En effet, l’appareil et ses équipements médicaux nécessitent après chaque voyage une longue période de décontamination. Sachant qu’avec le développement de l’épidémie, cette capacité aérienne pourrait aussi être amenée à intervenir dans les territoires ultramarins très éloignés, que l’armée française ne dispose que de quelques MORPHEE et qu’elle doit aussi tenir compte de la possibilité d’avoir à rapatrier des soldats blessés sur les théâtres d’opérations extérieurs, on comprend mieux que la marine constitue un précieux appoint. Comme d’ailleurs tout autre moyen militaire pouvant avoir une utilité dans cette crise sanitaire sans précédent. Comme le résume très bien un officier, « tout ce que nous pourrons mobiliser, nous le mobiliserons ».

© Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs. 

 

Aller plus loin

Rubriques
Défense
Dossiers
Marine nationale Coronavirus