Alors que la France et la Grande-Bretagne ont affirmé hier soir, dans une déclaration commune, que « Khadafi et sa clique doivent partir », deux importantes réunions sont prévues aujourd'hui à Bruxelles. La première rassemble les ministres des Affaires étrangères de l'UE, à la veille d'un sommet européen sur la situation en Libye, alors que la seconde regroupe les ministres de la Défense de l'OTAN. Dans les deux cas, les pays membres vont se pencher sur les mesures à prendre à l'encontre du régime de Tripoli et les réponses à apporter à la crise humanitaire en Libye. Sur le plan diplomatique, Paris a donné un coup d'accélérateur hier. Deux représentants du Conseil National de Transition, créé par les opposants libyens, ont été reçus à l'Elysée, et la France a été le premier pays occidental à reconnaitre le CNT, dont les émissaires auraient demandé à Nicolas Sarkozy l'aide tricolore. Paris envisage des bombardements ciblés Selon Bernard Henri Levy, qui a participé à la rencontre et s'est exprimé sur Europe 1, le chef de l'Etat a évoqué la possibilité de mener des frappes ciblées sur les aérodromes libyens d'où décollent les forces aériennes de Kadhafi. Mais il aurait également insisté sur le fait que le pays se libère lui-même et sur la nécessité d'obtenir un mandat des Nations Unies pour mener ces opérations. Dans la soirée, la France et la Grande-Bretagne ont annoncé travailler à l'élaboration d'un projet de résolution qu'elles soumettraient au Conseil de sécurité de l'ONU. « Depuis que le peuple libyen a commencé à se soulever contre le régime brutal de Mouammar Kadhafi, le monde est témoin quotidiennement d'une poursuite inacceptable de la violence et de la répression en Libye. Ignorant les exigences de la résolution 1970 du CSNU, les appels des organisations régionales et de toute la communauté internationale, le régime de Kadhafi continue à attaquer sa population, y compris avec des avions et des hélicoptères. Cet usage délibéré de la force militaire contre des civils est absolument inacceptable », ont expliqué Nicolas Sarkozy et David Cameron dans une lettre adressée à Herman Van Rompuy, président du Conseil européen. Aujourd'hui et demain, Londres et Paris tenteront de convaincre leurs partenaires européens de mener une opération commune. Mais ce n'est pas gagné, loin s'en faut, car plusieurs pays, comme l'Allemagne,sont opposés à une intervention militaire. Divergences Au sein de l'OTAN également, les divergences semblent profondes. Pour l'heure, l'Alliance aurait simplement accepté un « repositionnement » des forces navales présentes en Méditerranée, sans que l'on sache exactement ce que cela signifie. En revanche, la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne fait toujours débat. Une telle opération est en effet très lourde, complexe et onéreuse. Destinée à contrôler l'espace aérien libyen et à interdire l'intervention de l'aviation de Kadhafi contre les rebelles, la « no-fly zone » impliquerait nécessairement de neutraliser les capacités antiaériennes du régime de Tripoli. En clair, mener des bombardements préventifs. Tout cela, bien évidemment, ne peut se faire sans le feu vert de l'ONU. Or, la Russie et la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité, ne sont pas favorables à une interdiction aérienne. Quant aux Etats-Unis, l'opinion publique, très échaudée par l'intervention en Irak, se montre inquiète. Washington est très prudent avec l'option militaire, craignant les conséquences d'un engagement, et notamment les répercussions dans le monde arabe. Hillary Clinton doit néanmoins rencontrer des représentants du CNT. Toujours sur le plan diplomatique, un signe intéressant est venu hier en Arabie Saoudite. Depuis Riyad, les monarchies du Golfe (Bahreïn, Oman, Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar et Koweït) ont estimé que le régime de Kadhafi était illégitime et que des contacts devaient être établis avec les insurgés. Ces Etats demandent, en outre, que les ministres des Affaires Etrangères de la Ligue Arabe, qui doivent se réunir demain au Caire, « assum(ent) leurs responsabilités en prenant des mesures pour faire cesser l'effusion de sang ». Enfin, Moscou a, de son côté, annoncé la suspension des ventes d'armes à la Libye. Des frappes depuis la mer ou la terre La situation diplomatique est donc très complexe et il ne sera pas évident d'obtenir un consensus sur les modalités d'une intervention éventuelle en Libye. Pourtant, le temps presse pour les Etats soutenant les insurgés libyens. Car, sur le terrain, les troupes du colonel Kadhafi, mieux équipées et soutenues par des raids aériens, ont lancé une vaste contre-offensive qui semble faire reculer les rebelles. Si une intervention militaire est actée, qu'il s'agisse de l'instauration d'une no-fly zone ou de bombardements ciblés (ou les deux) il faudra donc faire vite. Dans ce cas, deux types de moyens peuvent être engagés. Il peut s'agir de forces navales avec, notamment, l'emploi de groupes aériens embarqués sur porte-avions et de frégates de défense aériennes capables d'assurer le contrôle du ciel dans une vaste zone. Le recours aux missiles de croisière, qui permettraient de frapper des cibles stratégiques à distance de sécurité, est aussi possible (depuis bâtiments de surface US et sous-marins américains et britanniques, ainsi qu'à partir d'avions). En dehors des forces aéronavales, l'aviation à terre peut aussi intervenir, mais il faut, pour qu'elle soit efficace, la positionner le plus près possible de la zone, par exemple à Malte ou en Italie (par exemple en Sicile), ou encore dans l'un des pays voisins, comme l'Egypte. Mais cela suppose, bien évidemment, que ces pays soient favorables à une telle opération, condition dont n'ont pas à se soucier les porte-avions, qui profitent de la liberté de manoeuvre dans les eaux internationales.

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