Comme cela avait déjà été annoncé par Emmanuel Macron, cette LPM doit constituer un effort financier considérable, avec en tout quelques 413 milliards d’euros, soit un socle de 400 milliards de crédits budgétaires présenté comme « sanctuarisé » et sur la base duquel les nouveaux programmes seront financés ; auquel doivent d’ajouter 13 milliards de ressources dites « extrabudgétaires », tels le produit de cessions immobilières du ministère des Armées, des redevances domaniales ou encore des loyers provenant de concessions. Le coût de l’aide militaire à l’Ukraine est par ailleurs isolé afin de ne pas impacter cet effort.
Présenté comme « inédit », du moins depuis les années 60, ce budget vise à poursuivre la modernisation des armées françaises, en particulier face à la dégradation du contexte géopolitique international et au retour des conflits de haute intensité, mais aussi les adapter à de nouvelles menaces et à des sauts technologiques, en particulier dans le domaine du numérique, du spatial, du cyberespace ou encore des grands fonds marins.
Jusqu’à 69 milliards par an en 2030
Par rapport à la précédente LPM (2019-2025) qui mobilisait 295 milliards d’euros, les ressources allouées au ministère des Armées seront donc en très nette progression. Alors que le budget annuel en 2017 était de 32 milliards d’euros, il doit atteindre quasiment 69 milliards d’euros en 2030, soit plus du double, le cap des 2% du produit intérieur brut (PIB), objectif fixé depuis des années par l’OTAN, devant être atteint par la France en 2025. Une première marche sera franchie dès 2024 avec une hausse de 3.1 milliards d’euros permettant de présenter un budget annuel de 47 milliards d’euros, contre 44 milliards cette année (auxquels le ministre des Armées a demandé une rallonge de 1.5 milliard). Une augmentation de 3 milliards est ensuite prévue pour chacune des trois années suivantes (2025, 2026 et 2027), avant d’être portée à 4.3 milliards d’euros en 2028, puis 2029 et 2030.
L’effort principal placé après l’actuelle législature
Ce qui signifie que le plus gros de l’effort budgétaire est placé après la fin de cette législature, les élections de 2027 allant probablement se traduire comme d’habitude par une remise à plat des programmes en cours et l’élaboration d’une nouvelle LPM. Rien n’est donc, en réalité, gravé dans le marbre. De plus, même si l’effort est colossal, il ne sera pas suffisant pour permettre de mener dans les temps ou les volumes prévus les programmes initiés ces dernières années. Du fait notamment que, si depuis 2018 les budgets consentis pour l’actuelle LPM ont été respectés, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, ils n’ont pas permis de financer tous les équipements qui devaient l’être. Soit en raison de surcoûts, soit d’investissements dans des capacités nouvelles non budgétées au départ et qui l’ont été au détriment d’autres programmes, ou encore à cause d’une sous-estimation du prix de certains matériels.
Le poids de la dissuasion et de l’inflation
Par ailleurs, une partie importante des moyens financiers supplémentaires sera absorbée par l’inflation, dont le poids est estimé par l’Hôtel de Brienne à 30 milliards d’euros sur l’ensemble de la LPM à venir (avec l’hypothèse d’un retour à une inflation autour de 1.75% en fin de période). La masse salariale représentera un quart des 400 milliards prévus et une part importante du reste sera consacrée au renouvellement de la dissuasion nucléaire.

Vue des futurs SNLE 3G.
Mise en chantier du premier SNLE3G
Concernant celle-ci, la LPM 2024-2030 sera marquée, pour ce qui est de la composante océanique, par la construction au chantier Naval Group de Cherbourg du premier des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération (SNLE 3G), dont la mise en service est confirmée pour 2035. Les trois autres doivent normalement suivre en 2040, 2045 et 2050 afin de remplacer les quatre actuels SNLE du type Le Triomphant, entrés en flotte entre 1996 et 2010. Le système d’armes principal de ces bâtiments, le missile balistique M51 (chaque SNLE embarquant 16 missiles de ce type), continuera d’évoluer avec la mise en service de la version M51.3 au cours de cette décennie.
- Voir notre article détaillé sur les SNLE 3G

Tir d'un M51 depuis un SNLE du type Le Triomphant.
Modernisation de la composante aérienne
Pour la composante aérienne de la dissuasion, qui est mise en œuvre par les Rafale de l’armée de l’Air depuis des bases terrestres et ceux de l’aéronautique navale à bord du porte-avions Charles de Gaulle, la LPM verra l’entrée en service du missile air-sol moyenne portée amélioré rénové (ASMPA-R) et la préparation de son successeur, l’air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G). Les travaux concernant l’intégration de l’ASN4G sur une évolution du Rafale puis sur son remplaçant, le futur NGF (new generation fighter) issu du système de combat aérien futur (SCAF), seront par ailleurs engagés. Les moyens de transmission des forces nucléaires vont enfin être modernisés.

Rafale Marine catapulté depuis le Charles de Gaulle avec un ASMPA.
Lancement de la construction d’un nouveau porte-avions
Elément crucial de la composante de dissuasion