Le ministère britannique de la Défense vient de notifier à MBDA le contrat portant sur la phase de développement et de production du missile Anti-Navire Léger/ Future Anti Surface Guided Weapon (Heavy), connu également sous l’acronyme FASGW(H)/ANL. D’un montant équivalent à 600 millions d’euros, il est financé conjointement par la France et le Royaume-Uni. Il ouvre une phase d’environ cinq ans à l’issue de laquelle les missiles FASGW(H)/ANL devraient équiper les hélicoptères Wildcat de la Royal Navy. Puis, après 2020, ceux de l’aéronavale française.

L'ANL/ FASGW(H) est conçu pour les scénarios d’attaques complexes, y compris en environnement côtier (© MBDA)
Un missile adapté aux menaces asymétriques
Le FASGW(H)/ANL a pour but de doter les hélicoptères des marines française et britannique d’un missile antinavire adapté au traitement de petites cibles de surface (des bateaux de moins de 500 tonnes, de la corvette aux vedettes rapides en passant par les embarcations détournées de leur usage par des actes terroristes ou de piraterie. Avec plusieurs avantages : traiter une menace en restant hors de portée d’une riposte éventuelle, ou encore augmenter la capacité offensive et l’allonge du bâtiment porte-hélicoptère. Le tout sans recourir à un missile antinavire lourd, comme l’Exocet, coûteux et disproportionné contre des bateaux de faible gabarit. Long de 2.5 mètres pour une masse d’environ 110 kg, le FASGW/ANL doit offrir une portée de l’ordre de 20 kilomètres et être doté d’un autodirecteur infrarouge. Le retour de l’image fourni à l’opérateur via une liaison de données devrait permettre une grande précision de tir.
Ce nouveau missile doit remplacer, au sein de la Royal Navy, le Sea Skua, qui arrive en fin de vie. Quant à l’aéronautique navale française, elle recouvrerait cette capacité, dont elle est dépourvue depuis le retrait du service en 1995 de l’AS-12, qui était dévolu aux Lynx. Au sein de la Marine national, l’ANL doit être mis en oeuvre sur une plateforme qui reste à choisir entre l’hélicoptère NH90 et, plus vraisemblablement, le Panther .
Un projet poussé par les Britanniques
Le programme FASGW(H)/ANL a été lancé en 2009 et a fait partie des rares projets d’armements retenus par les accords franco-britanniques de Lancaster House. Mis en suspens du côté français en 2012 le temps pour le nouveau gouvernement de réaliser un audit menant au Livre Blanc, il était très attendu outre-Manche, notamment en raison de l’arrivée au service actif des hélicoptères Wildcat que les Britanniques souhaitent voir équipés des nouveaux missiles. C’est finalement au sommet franco-britannique du 31 janvier dernier que le principe de la coopération, qui bénéficiait par ailleurs du soutien du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, a été acté entre les deux pays.

Essai d’installation du Missile Anti Navire Léger sur hélicoptère Panther (© EUROCOPTER)
Une coopération inter-étatique très poussée
Ce nouveau programme va également inaugurer une nouvelle organisation industrielle pour MBDA, groupe européen basé en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie . Ce nouveau plan, baptisé « one MBDA », va entraîner une spécialisation progressive des bureaux d’études du groupe.
Au démarrage de ce plan, le Royaume-Uni assumera deux activités pour le compte des deux pays : les actionneurs pour le pilotage des missiles et les liaisons de données hertzienne. Réciproquement, deux autres métiers seront localisés en France et ne seront plus maintenus outre-Manche : les bancs de test et les calculateurs embarqués pour le compte des deux pays. Progressivement, cette spécialisation pourra être étendue à d’autres métiers et d’autres pays.
(© MBDA)
« One MBDA »
Alors que dans le schéma classique de la coopération par programme, chaque pays maintient l’intégralité de ses métiers afin de pouvoir conserver son autonomie de décision pour l’avenir, le schéma de « one MBDA » est virtuellement irréversible, chaque pays prenant l’engagement de préserver pour l’avenir les capacités industrielles qu’il héberge au profit de la communauté.
Cette dépendance mutuelle consentie par la France et le Royaume-Uni, qui sont les deux premiers investisseurs en Europe dans le domaine des missiles, vise à réaliser des économies substantielles tout en préservant leur autonomie stratégique. A cet effet, un traité garantissant les obligations réciproques de la France et du Royaume-Uni devrait être signé en 2015. « One MBDA » constitue une véritable expérimentation de ce qui pourrait préfigurer la future Europe de la Défense.