C’est avec stupeur et beaucoup d’émotion que nous avons appris hier le décès de Michel Floch, qui depuis 12 ans enrichissait les éditions de Mer et Marine avec ses nombreuses photos et informations en provenance de la rade de Brest. Michel s’est éteint brutalement mercredi 29 mars dans sa maison de Plouzané, peu après son réveil. Trahi par son cœur, qu’il avait pourtant grand, il nous quitte alors qu’il venait de fêter, lundi, ses 73 ans. Ses obsèques auront lieu au centre funéraire du Vern, à Brest, lundi 3 avril à 14H15.
34 ans dans la Marine nationale
Ancien de la Marine nationale, où il a servi pendant 34 ans, de 1967 à 2001, le maître principal Floch a passé la moitié de sa carrière à terre et l’autre en mer. Il a notamment embarqué sur les bâtiments-bases Moselle et Maurienne, la frégate lance-missiles Suffren, le bâtiment d'essais et de mesures Henri Poincaré, le pétrolier-ravitailleur Durance et pour finir les avisos D'Estienne d'Orves et Commandant Bouan. Pas plus tard que la semaine dernière, il partageait d’ailleurs avec nous des clichés pris en 1988 sur la Durance à l’occasion d’un ravitaillement du porte-avions Clemenceau lors de l’opération Prométhée.

Michel Floch devant le phare du Minou.
En vigie au Minou armé de son appareil photo
Il y a 22 ans, Michel posait donc son baluchon mais il n’en avait pas pour autant fini avec la marine et les bateaux. Quelques années plus tard, le jeune retraité se voit offrir un petit appareil photo numérique et là, c’est le déclic. Il devient « Shipspotter » et traque tous les bateaux entrant et sortant de la rade de Brest. Son spot de prédilection ? le phare du Minou et les sentiers côtiers évidemment, avec une vue imprenable sur le goulet. Tout cela à quelques kilomètres seulement de chez lui. De quoi se régaler quotidiennement, il fait la vigie à l’aube comme au coucher du soleil. Au départ, il faut être très patient et c’est au petit bonheur la chance. Car il n’a pas connaissance des mouvements programmés dans la base navale, le port de commerce ou les chantiers de réparation. Parfois, l’attente dure des heures, sans garantie qu’un « client » intéressant pointe le bout de son étrave. En plus, il faut jongler avec la météo, souvent capricieuse au bout du monde breton.
L’arrivée de l’AIS et de Marine Traffic
Puis arrive, comme une providence, le système d’identification automatique des navires (AIS) et avec lui des sites Internet comme Marine Traffic, qui voit le jour fin 2007 et permet de suivre en temps réel les bateaux, du moins les civils. Ce qui va changer la vie de Michel. Désormais, il peut pister tout ce beau monde derrière son écran et choisir ses cibles. Navires de charge, paquebots, pêcheurs, bateaux scientifiques, vieux gréements et parfois quelques curiosités flottantes… Rien ou presque ne lui échappe. Pas même - et surtout pas - les militaires, bâtiments de surface comme sous-marins étant forcément, pour l’officier-marinier qu’il était, ses mets favoris. Pas toujours simple à chasser cela dit, car par nature ce gibier se veut discret. Mais dans la communauté des anciens marins et des passionnés, les informations circulent entre copains. Et de toute façon, Michel est presque tous les jours posté au Minou à guetter ce qui vient du large comme ce qui sort de la rade.
Les patrouilles de gendarmes et de fusiliers-marins
Il y a cependant du côté du phare, en certaines circonstances, des patrouilles de gendarmes et autres fusiliers-marins, qui n’apprécient pas toujours les appareils photos et leurs gros objectifs. Les habitués, le connaissant, ne disent généralement rien. Ils savent que Michel est attentif et ne diffusera pas n’importe quoi. Certains « bleus », en revanche, viennent lui expliquer qu’il est interdit de prendre en photo des sous-marins nucléaires. Pas de quoi impressionner l’ancien « cipal » breton, qui prend un malin plaisir à leur rappeler la loi, en leur réclamant l’arrêté fixant cette prétendue interdiction autour du Minou. Mais en réalité la présence des militaires était surtout pour lui une bonne nouvelle car, il en plaisantait régulièrement, les voir de sortie était généralement le signe annonciateur de l’arrivée d’une grosse bête noire. Et par conséquent un beau jour de pêche aux images...
Une passion qu’il aimait partager
En un peu plus de 15 ans, Michel Floch aura pris des dizaines de milliers de clichés et alimenté différents sites de passionnés, comme Marinemarchande.net, et aussi Marine Traffic qui lui était si précieux. Il a, ainsi, contribué à faire découvrir d’innombrables bateaux à un public qui allait bien au-delà des seuls initiés. Michel ne faisait pas commerce de sa passion, il la partageait simplement et avec générosité avec le plus grand nombre, avec d’autres qui, comme lui, avaient à cœur de montrer la richesse du monde maritime. Capturer de belles images et montrer des bateaux, c’était son plaisir, ce qui l’animait et l’enthousiasmait quotidiennement. Devenu une figure dans le monde des shipspotters, il avait eu le droit à plusieurs portraits dans les quotidiens bretons, notamment dans Le Télégramme, ainsi que sur France 3 Bretagne.
Correspondant de Mer et Marine depuis 2011
Il avait commencé en 2011, le 5 septembre pour être précis, à envoyer ses photos à Mer et Marine, dont il devint rapidement le correspondant attitré à Brest. Grâce à ses clichés et les informations qu’il glanait sur le terrain, Michel a attiré notre attention sur un nombre incroyable de sujets. C’est notamment de cette manière que nous avons pu écrire et publier des centaines d’articles sur l’actualité maritime locale. Jusqu’au bout, Michel aura été sur le pont, nous envoyant encore la veille de son décès des photos de chalutiers arrivant à Brest pour y être déconstruits dans le cadre du plan de sortie de flotte.
Nous tenions à lui rendre un chaleureux hommage et lui dédier cette édition de Mer et Marine, dont il fut l’un des contributeurs les plus assidus et qui lui doit beaucoup.
La rédaction et toute l’équipe de Mer et Marine s’associent à la peine de ses proches, en particulier son épouse Nicole, ses enfants Benoît, Carole, Maryse et Muriel, ainsi que toute leur famille. Qu’ils soient assurés de tout notre soutien et de toute notre amitié.
Merci pour tout Michel, nous ne t’oublierons pas.