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Malgré la contraction de ses moyens, la flotte française connait depuis plus d’un an une activité extrêmement soutenue. Engagée dans toutes les grandes opérations militaires menées par la France et continuant dans le même temps à assurer ses nombreuses missions permanentes, la Marine nationale jongle avec des capacités réduites et doit parfois faire des choix difficiles. Mais elle parvient malgré tout à remplir son contrat opérationnel, ce qui constitue quand on observe de plus près les besoins et enjeux, un vrai tour de force. Au point que l’on peut objectivement considérer les forces maritimes et aéronavales françaises comme faisant partie des plus efficientes au monde.

 

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© MARINE NATIONALE

Le groupe aéronaval dans le golfe Persique (© MARINE NATIONALE)

 

40 à 50 bâtiments à la mer

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder la composition de la flotte et de l’aéronautique navale, y superposer la carte des déploiements (nous y reviendrons en détail plus loin) et constater qu’elles sont engagées sur tous les fronts. De la Méditerranée au Pacifique, en passant par l’océan Indien, le Golfe Persique, la mer de Chine, les Caraïbes, l’Atlantique, le Grand Nord, l’océan Austral, la mer Noire et les côtes africaines, les bateaux français sont partout. En 2015, 40 à 50 bâtiments de surface étaient en permanence à la mer, soit plus de la moitié des forces et la quasi-intégralité des unités disponibles, le reste étant en maintenance ou en réparation. Il en allait de même pour les avions et hélicoptères, sollicités comme jamais. En somme, il n’y a guère de réserve puisque tout ce qui est capable de naviguer ou de voler est mobilisé.

 

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© DASSAULT AVIATION

Falcon 200 Gardian Outre-mer (© MARINE NATIONALE)

 

11 millions de km² de territoire national à protéger

Encore assez méconnue du grand public, l’action de la marine, basée sur le triptyque dissuasion/protection/intervention, est souvent peu visible et pourtant essentielle, surtout que les enjeux maritimes prennent une place de plus en plus importante sur l’échiquier géostratégique mondial. Or, la France, on ne cessera jamais de le rappeler, dispose du second espace marin du la planète, avec 11 millions de km² de zones économiques exclusives (20 fois la superficie de la France métropolitaine), doublées récemment d’une extension de 579.000 km2 de son domaine sous-marin. Concernant les ZEE, le moindre îlot possédé par le pays lui donne droit à un territoire d’un rayon de 200 milles. C’est ainsi que la Polynésie apporte 4.8 millions de km² d’espace maritime à la France, les Terres australes et antarctiques françaises 2.15 millions, la Nouvelle-Calédonie 1.36 million, La Réunion, Mayotte et les îles Eparses (canal du Mozambique) 1 million, Clipperton (au large du Mexique) 434.000, les Antilles 344.000, Saint-Pierre et Miquelon 10.000… Des territoires souvent riches en ressources halieutiques et dont les sous-sols renferment des richesses naturelles (minerais, terres rares, hydrocarbures…) potentiellement considérables et en attente d’être un jour exploitées. Il faut donc les protéger, y compris les plus isolées, et y faire respecter la souveraineté du pays face aux actes illicites (pêche, trafics) comme aux convoitises de certains Etats voisins car ces possessions sont aussi des atouts stratégiques contribuant à la présence et au rayonnement de la France comme puissance mondiale.

 

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© MARINE NATIONALE

Frégate de surveillance Outre-mer (© MARINE NATIONALE)

 

Sécuriser les approvisionnements du pays

Dans cette perspective, la marine est chargée de la surveillance et de la protection de ces vastes espaces océaniques, mais aussi des approches maritimes du territoire national, tout en contribuant à garantir la libre circulation des flux commerciaux. Un rôle crucial puisque 90% des marchandises échangées dans le monde transitent à un moment ou à un autre par la mer, qu’il s’agisse de matières premières, de produits agricoles ou manufacturés. Toute perturbation sur les grandes voies de communication aurait un impact direct sur les importations et exportations, avec des conséquences directes sur la population et l’activité économique, par exemple via les approvisionnements en hydrocarbures ou la fourniture des magasins en biens de consommation.

 

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© MARINE NATIONALE

Escorte d'un vraquier au large de la Somalie (© MARINE NATIONALE)

 

Les yeux et les oreilles du pouvoir politique

Dans le même temps, la marine profite de l’endurance de ses bâtiments, qui peuvent rester plusieurs mois en mer et de la liberté de naviguer dans les eaux internationales pour surveiller au plus près la situation dans les zones de crise ou de tension. Les navires et aéronefs constituent ainsi les yeux et les oreilles du pouvoir politique, recueillant de nombreux renseignements et contribuant grandement à l’autonomie décisionnelle du gouvernement.

Intervenir partout dans le monde

Et puis la marine, c’est bien entendu l’intervention. Au quotidien la lutte contre les trafiquants de drogue, la pêche illicite ou l’immigration clandestine, mais aussi les grandes opérations dans lesquelles l’armée française est engagée, à commencer par celles au Proche et Moyen-Orient. Grâce à son groupe aéronaval, emmené par le porte-avions Charles de Gaulle et qu’elle peut employer sans problématique de pré-positionnement sur des bases étrangères, la marine renforce ainsi significativement les moyens de l’armée de l’Air pour bombarder les positions de Daech en Irak et en Syrie dans le cadre de l’opération Chammal. Et on notera que le dernier déploiement du GAN, survenu quelques jours après les attentats de Paris, a été marqué par une participation européenne inédite, jusqu'à trois frégates allemande, belge et britannique étant durablement intégré dans le dispositif. 

 

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© MARINE NATIONALE

Rafale Marine et SEM sur le Charles de Gaulle (© MARINE NATIONALE)

 

Clé de voûte de la dissuasion nucléaire

Le Charles de Gaulle est également l’un des éléments de la dissuasion nucléaire française puisque les Rafale Marine de son groupe aérien embarqué peuvent mettre en œuvre le missile ASMPA, complétant les escadrons de l’armée de l’Air également dotés de cette capacité. Mais ce sont les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Force océanique stratégique (FOST) qui assurent le socle de la dissuasion française en garantissant depuis 1972 la possibilité pour le chef de l’Etat, en cas d’attaque ou de menace majeure, d’effectuer à tout moment des frappes nucléaires, aujourd’hui avec une portée intercontinentale.

 

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© MARINE NATIONALE - ALAIN MONOT

SNLE du type Le Triomphant (© MARINE NATIONALE)

 

Un outil que seuls trois pays dans le monde maîtrisent en toute autonomie et à ce niveau technologique (Etats-Unis, Russie et France), asseyant leur statut de grande puissance et justifiant notamment d’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies. A elle seule, la dissuasion offerte par les SNLE dimensionne la marine française car, pour assurer la crédibilité de cette force de frappe, il faut garantir sa sécurité, ce qui passe par des moyens de lutte anti-sous-marine et de guerre des mines extrêmement performants  (frégates, avions de patrouille maritime, hélicoptères, chasseurs de mines, sous-marins nucléaires d’attaque…) L’ensemble permet de s’assurer que les SNLE ne puissent être suivis lorsqu’ils partent  en patrouille.

 

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© MARINE NATIONALE

Opération de sauvetage du Modern Express (© MARINE NATIONALE)

 

Secours en mer

Enfin, la marine a un rôle majeur en matière de sauvetage en mer. Le long du littoral et en pleine mer, en coopération avec d’autres moyens de l’Etat et la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), elle mobilise pour cette mission de nombreux moyens. Huit remorqueurs de haute mer et bâtiments de lutte contre la pollution sont ainsi affrétés et positionnés à Boulogne, Cherbourg, Brest et Toulon, alors que des hélicoptères Caïman Marine (NH90), EC225 et Dauphin sont en alerte permanente au Touquet, à Maupertus, Lanvéoc-Poulmic, La Rochelle et Hyères. Les avions Falcon 50 et Atlantique 2 concourent également à cette mission, pour laquelle toute unité de la flotte peut être mobilisée si besoin. Il s’agit en particulier d’assister des navires en difficulté, comme ce fut le cas dernièrement avec le roulier Modern Express, pour lequel l’Abeille Bourbon, l’Argonaute, la frégate Primauguet et des hélicoptères Lynx et Caïman (une trentaine de treuillage effectués) ont été mobilisés. Mais ces missions recouvrent aussi les évacuations médicales et le sauvetage des naufragés (en 2015 300 personnes ont été directement secourues par la marine) ou encore la lutte contre les pollutions maritimes qui menacent le littoral.

 

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© MARINE NATIONALE

Pétardage d'une mine (© MARINE NATIONALE)

 

Neutralisation des munitions historiques

La composante de guerre des mines voit, par ailleurs, un part importante de son activité consacrée à la neutralisation d’engins explosifs historiques découverts le long du littoral français (3800 munitions traitées l’an dernier). On estime en effet qu’à peine un tiers des bombes, mines et obus déversés en mer au cours de la seconde guerre mondiale ont, à ce jour, été retrouvés. Parfois profondément enfouis, ils remontent régulièrement à la surface, par exemple à la faveur de tempêtes, occasionnant un danger pour les usagers de la mer et des plages.

Irak, Syrie : Frapper Daech et surveiller la région

Après cette remise en perspective, voyons concrètement où a agi la marine l’an dernier. D’abord, elle a été engagée sur tous les théâtres d’opérations majeurs, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique. Le groupe aéronaval a été déployé à deux reprises. La première, entre le 18 janvier et le 19 mars, a notamment permis de fournir un appui aérien aux troupes irakiennes engagées contre Daech dans la région de Tikrit. Les avions du Charles de Gaulle ont réalisé quelques 420 sorties opérationnelles, permettant en plus des raids de constituer près de 1200 dossiers images ayant servi à planifier des frappes sur des objectifs terroristes. En complément des opérations menées depuis le Golfe, la marine a assuré, comme elle le fait depuis 2012 pour évaluer la situation en Syrie, une présence permanente en Méditerranée orientale. Avec au moins un bâtiment et jusqu’à deux frégates et un SNA à l’automne. Ces moyens ont permis de suivre les combats et mouvements en territoire syrien, mais aussi de tenir le gouvernement informé du déploiement de l’armée russe dans le pays, tant au niveau des manoeuvres navales qu’aériennes et les renforts militaires acheminés depuis la mer Noire par des bâtiments de débarquement et des cargos.

 

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© EMA

Le Charles de Gaulle dans le Golfe avec un porte-avions américain (© MARINE NATIONALE)

 

Les Atlantique 2 sur tous les fronts

Complémentaires des unités de surface, les avions de patrouille maritime continuent de jouer un rôle crucial dans la zone. Au moins un Atlantique 2 est ainsi présent au Levant depuis septembre 2014, une centaine de vols ayant été effectués l’an dernier au profit de Chammal. Bénéficiant d’une autonomie très importantes (une dizaine d’heures), ces « frégates volantes », comme on les appelle dans la marine, opèrent depuis les Emirats Arabes Unis, la Jordanie ou le bassin méditerranéen. Les appareils utilisent leurs capteurs pour collecter des renseignements, évaluer l’efficacité des frappes de la chasse et diriger les moyens d’attaque vers leurs cibles. En coordination avec des unités à terre, ils peuvent même servir de bombardiers, étant gréés depuis plusieurs années pour embarquer des GBU12, une bombe de ce type ayant été tirée l’an dernier en Irak par un ATL2.

 

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© MARINE NATIONALE

Atlantique 2 tirant une bombe (© MARINE NATIONALE)

 

Intervenant traditionnellement en Océan indien depuis Djibouti et en Afrique depuis Dakar, les Atlantique 2 ont été par ailleurs très sollicités sur le théâtre africain au profit de l’opération Barkhane contre les djihadistes au Sahel. Des opérations extérieures qui s’ajoutent aux missions principales de ces avions, conçus d’abord pour assurer la couverture des approches maritimes, la lutte anti-sous-marine et antinavire, ainsi que la protection des SNLE et du groupe aéronaval. Dans le cadre de la coopération franco-britannique, la Marine nationale est aussi amenée à mettre à disposition de la Royal Navy un ATL2 afin de compenser le retrait du service des Nimrod en attendant leur remplacement par des P-8. A ce titre, deux campagnes de 15 jours ont été effectuées en 2015 au profit des Britanniques.

L’activité des ATL2 est donc très intense et variée. Or, sur les 22 avions dont dispose encore l’aéronautique navale sur le papier (27 livrés entre 1989 et 1997), seuls 18 sont officiellement en ligne dans les flottilles 21F et 23F. Sauf que celles-ci ne peuvent en réalité aligner qu’une demi-douzaine d’avions « les bons jours », pour reprendre les propos d’un officier. Une situation liée au vieillissement des ATL2, dont la rénovation a été retardée trop longtemps et qui posent de vrais problèmes de maintien en condition opérationnelle. La refonte de 15 d’entre eux doit offrir une bouffée d’oxygène en termes de disponibilité mais ses effets ne seront pas réellement palpables avant le début de la prochaine décennie. En attendant, les ATL2 peuvent être réclamés sur cinq théâtres en même temps et, compte tenu du faible nombre d’avions disponibles, il faut de plus en plus souvent faire des choix, parfois difficiles. Ainsi, l’an dernier, la marine a été obligée de retirer ses deux ATL2 engagés dans Chammal et Barkhane pour les rapatrier en métropole afin de remplir une mission « prioritaire ».

 

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© EMA

Atlantique 2 (© MARINE NATIONALE)

 

Contrer les trafics qui alimentent les caisses djihadistes

Alors que le groupe aéronaval a de nouveau été déployé fin novembre et poursuit depuis ses opérations contre Daech, actuellement depuis le Golfe (où pour la première fois le Charles de Gaulle a assuré la permanence entre deux porte-avions américains, prouvant le degré d’interopérabilité et de confiance inédit avec l’US Navy), la Marine nationale maintient sa participation à la Task Force 150. Cette force multinationale de lutte contre le terrorisme et les trafics illicites opère en océan Indien et mer Rouge. Créée suite aux attentats du 11 septembre 2001 dans le cadre de l’opération Enduring Freedom, la TF 150 mobilise six mois dans l’année une unité de la flotte française, un engagement accentué en 2015 puisque la France a pris pour la 9ème fois le commandement à la mer de cette force (le BCR Var accueillant l’état-major). La TF 150 agit en particulier contre les trafics d’armes ou de drogue qui servent à alimenter les caisses du terrorisme. Des actions sont par exemple menées contre la « route de l’héroïne », qui voit la drogue produite par les talibans afghans acheminée par l’océan Indien jusqu’en Tanzanie et au Kenya, où elle irrigue ensuite les réseaux africains et remonte vers l’Europe (8 saisies pour près de 2 tonnes d’héroïne ont été réalisées en 2015). On notera par ailleurs qu’en plus du terrorisme et des trafics illicites, la TF 150 (et sa subdivision TF 151 dans le Golfe) sert également à assurer la libre circulation du trafic commercial dans les détroits d’Ormuz et de Bab el-Mandeb.

 

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© EMA

Evacuation de ressortissants au Yémen l'an dernier (© MARINE NATIONALE)

 

Evacuation de ressortissants sous le feu au Yémen

Ce dernier, qui relie l’océan Indien et la mer Rouge, voit en effet transiter l’essentiel des navires marchands assurant les liaisons entre l’Asie, la Méditerranée et l’Europe du nord. Or, cet étroit passage est une zone dangereuse. Outre la menace pirate, sur laquelle nous reviendrons ensuite, la zone est devenue très sensible avec la guerre civile qui déchire le Yémen. Une situation qui a d’ailleurs obligé la marine française, en avril 2015, à procéder en urgence à l’évacuation de 109 ressortissants (dont 39 Français) à Aden et Bal’haf. Le patrouilleur hauturier L’Adroit, mais aussi le bâtiment de projection et de commandement Dixmude et la frégate Aconit, présents dans le secteur dans le cadre de la mission Jeanne d’Arc, ont été mobilisés avec des commandos marine. Une opération à hauts risques qui s’est d’ailleurs traduite par une extraction des civils sous le feu de tirs adverses. L’Adroit a ensuite assuré l’escorte vers Djibouti de plusieurs bateaux transportant des centaines de réfugiés fuyant les combats au Yémen.

 

Interception de pirates somaliens en 2010 (© MARINE NATIONALE)

 

Eviter une résurgence de la piraterie en Somalie

En ce qui concerne la piraterie au large de la corne d’Afrique, le phénomène a été endigué grâce à l’adoption par les navires civils de pratiques permettant de déjouer les assauts ou empêcher les assaillants de se rendre maîtres des bateaux. Des mesures qui ont parachevé l’action des forces navales internationales engagées contre les pirates. La France, à l’initiative sur ce dossier après le détournement du Ponant en 2008, a porté des résolutions onusiennes permettant d’agir militairement en Somalie et poussé la création de l’opération européenne Atalante, à laquelle sa marine continue de participer (bâtiments et aéronefs), même si c’est aujourd’hui plus épisodique. L’Union Européenne, ainsi que d’autres acteurs (opération Ocean Shield de l’OTAN, TF152 emmenée par les Américains, marines chinoise, japonaise, coréenne…) maintient néanmoins des moyens sur zone (actuellement la frégate italienne Carabiniere, la corvette allemande Erfurt et le patrouilleur espagnol Tornado) car les militaires redoutent que tout relâchement de la pression navale entraine une résurgence de la piraterie.

 

BPC et aviso en Afrique de l'ouest (© MARINE NATIONALE)

 

Présence permanente dans le golfe de Guinée

Si la situation s’est calmée dans le bassin somalien, la piraterie s’est en revanche développée ces dernières années en Afrique de l’ouest, où de nombreux assauts et enlèvements ont été menés contre des tankers et navires travaillant pour les champs offshore. Dans cette zone, la Marine nationale maintient depuis 1990 une présence permanente via la mission Corymbe. BPC et avisos s’y relaient, une frégate de surveillance basée aux Antilles (le Germinal) ayant même assuré une rotation en 2015 compte tenu du manque de disponibilité des unités toulonnaises, engagées sur d’autres fronts. Avec Corymbe, la flotte française se tient prête, ce qu’elle a déjà été amenée à faire par le passé, à assurer des effectuations de ressortissants (80.000 Français vivent dans la région) et soutenir les unités de l’armée de Terre pré-positionnées au Gabon, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. L’essor de la piraterie et du brigandage a également entrainé un renforcement des liens historiques avec les marines riveraines du golfe de Guinée, que les Français forment et entrainent, tout en soutenant le développement de la coopération régionale en matière de sécurité maritime. Les unités déployées en Corymbe participent aussi à la lutte contre le narcotrafic, en particulier la drogue qui transite depuis les Caraïbes par l’Atlantique pour rejoindre ensuite l’Europe via l’Afrique. En 2015, l’aéronautique navale, en plus des ATL2, a par ailleurs continué de positionner un Falcon 50 à Dakar pour effectuer des missions de surveillance et de sauvetage en mer (déploiement qui se poursuit en 2016).

 

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© MARINE NATIONALE

Lutte contre le narcotrafic (© MARINE NATIONALE)

 

Plus de 7 tonnes de drogue saisies

La chasse aux trafiquants est également l’une des missions principales des unités basées aux Antilles. En coopération avec les services spécialisés de l’Etat, à commencer par la Douane, ainsi que d’autres pays, comme les Etats-Unis, les bâtiments et aéronefs interviennent depuis Fort-de-France et ont permis d’effectuer de nombreuses saisies. En y ajoutant les opérations réalisées dans d’autres zones, le bilan des saisies effectuées en 2015 par la marine dépasse les 7 tonnes de drogue, portant le bilan total à plus de 40 tonnes en quatre ans. Quant aux unités basées en Guyane, elles ont également été très actives, avec dans cette zone de nombreuses interventions contre la pêche illicite et la particularité de voir les patrouilleurs de la Marine nationale, renforcés par un Falcon 50 en cas de tir de fusée, participer à la protection du centre spatial de Kourou.

 

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© MARINE NATIONALE

Sauvetage de migrants sur le Courbet en octobre (© MARINE NATIONALE)

 

En première ligne face aux flux de réfugiés en Méditerranée

En Méditerranée, l’explosion des flux de réfugiés constitue une nouvelle mission pour les forces aéronavales françaises. Si les côtes métropolitaines sont éloignées des routes migratoires, la marine, dans le cadre de l’action européenne, a significativement renforcé l’an dernier les moyens consacrés à cette mission. La participation aux actions maritimes de l’agence Frontex a, ainsi, été triplée, permettant de sauver des centaines de migrants tentant de rejoindre la Grèce et l’Italie. La frégate Courbet, complétée par des vols de Falcon 50, a également été engagée dès le lancement de l’opération Sophia, en octobre. Celle-ci a pour objectif de s’en prendre aux passeurs qui agissent depuis les côtes libyennes. Jusqu’à 11 bâtiments européens ont été mobilisés simultanément en octobre et novembre (dont le porte-aéronefs italien Cavour, la frégate et le bâtiment océanographique britanniques Richmond et Enterprise, la frégate et les ravitailleurs allemands Schleswig-Holstein, Werra et Berlin, la frégate belge Léopold Ier, la frégate espagnole Canarias et le patrouilleur slovène Triglav), permettant notamment d’interpeler une quarantaine de passeurs, transférés en Italie pour être jugés.

 

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© MARINE NATIONALE

La frégate Courbet (© MARINE NATIONALE)

 

Quant à leurs embarcations, elles sont désormais coulées (au motif légal qu’elles représentent un danger pour la navigation). Cependant, les militaires n’ont toujours pas le droit d’entrer dans les eaux territoriales libyennes et encore moins d’agir à terre (ce qui relève d’un feu vert des autorités du pays - mais il n’y a pas d’interlocuteur - ou d’une résolution  de l’ONU - où le dossier s’enlise). Les trafiquants, qui ont bien conscience de ces contraintes, ont donc rapidement fait évoluer leur mode opératoire pour ne pas se faire prendre. Alors que le Courbet (qui a secouru 80 migrants le 7 octobre) a été obligé de quitter Sophia fin novembre afin de rallier la Méditerranée orientale pour surveiller la situation en Syrie, l’arrivée de l’hiver a vu se tarir momentanément les tentatives de traversées, qui devraient reprendre massivement au printemps. Une demi-douzaine de bâtiments européens demeure néanmoins sur zone, ne serait-ce que pour continuer de surveiller le secteur et l’activité des réseaux.

 

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© MICHEL FLOCH

Le bâtiment de renseignement Dupuy de Lôme (© MICHEL FLOCH)

 

La Libye sous haute surveillance

Plus globalement, la Marine nationale continue également, comme elle le fait en Syrie, d’être les yeux et les oreilles de la France en Libye. Le pays, qui s’est enfoncé dans la crise après l’intervention de 2011 est en effet confronté à l’avancée des groupes djihadistes. Daech s’est ainsi emparé le mois dernier de Syrte, le groupe terroriste s’offrant ainsi, pour la première fois, une façade maritime, et cela juste en face de l’Europe. En 2015, différents moyens, dont le bâtiment de collecte de renseignements Dupuy de Lôme et des sous-marins, se sont relayés au large de la Libye pour recueillir des informations et suivre l’évolution de la situation. Des vols de reconnaissance ont également été effectués, par exemple lorsque le Charles de Gaulle a transité vers la Méditerranée orientale fin novembre.

 

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© MARINE NATIONALE - CHRISTIAN CAVALLO

Sémaphore (© MARINE NATIONALE)

 

La menace d’une action terroriste par la mer

L’utilisation de la mer par les terroristes est, en tous cas, une éventualité très sérieusement prise en compte par les militaires. Les attentats de Paris, en novembre, n’ont d’ailleurs fait qu’accentuer une prise de conscience sur la nécessité de mieux maîtriser la sécurité du territoire, y compris dans sa dimension maritime. A cet effet, l’Etat-major des Armées et la Marine nationale ont remis à plat la doctrine qui était en vigueur afin de reconfigurer les couches de surveillance et de protection, des plus éloignées aux plus proches. Il s’agit de prévenir toute infiltration par la mer et, bien entendu, une éventuelle attaque contre des navires, installations portuaires ou sites stratégiques. A cet effet, les dispositifs ont été renforcés, pas moins de 3500 hommes et femmes, soit 10% des effectifs de la Marine nationale, étant mobilisés en 2015 pour la sûreté des approches maritimes et portuaires.

 

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© MARINE NATIONALE

(© MARINE NATIONALE)

 

Les moyens ont ainsi été musclés autour des emprises terrestres de la marine, dont les 59 sémaphores ainsi que les CROSS, qui veillent sur l’ensemble du littoral et font désormais l’objet d’une protection armée. Grâce au récent déploiement du nouveau système Spationav et à la modernisation des moyens électroniques (radars, caméras…), on rappellera que tous les systèmes de détection des sites côtiers, compilés à d’autres sources d’information, y compris des bâtiments et aéronefs au large, sont mis en réseau afin d’offrir une situation tactique en temps réel de l’ensemble du littoral et de ses approches.

 

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© MARINE NATIONALE

Les commandos marine servent aussi sur les théâtres terrestres (© MARINE NATIONALE)

 

Commandos et fusiliers-marins très sollicités

Les commandos marine ont, de leur côté, continué de s’entrainer au contre-terrorisme maritime, tout en étant largement employés sur les théâtres d’opérations extérieurs. A titre d’exemple, en avril 2015, sur 6300 marins en mission à travers le monde (dont les équipages de 48 bâtiments), on comptait quelques 350 fusiliers-marins et commandos, soit plus de 20% des effectifs de la FORFUSCO.

 

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© MARINE NATIONALE

(© MARINE NATIONALE)

 

Au-delà des opérations spéciales, qui sont par nature secrètes et pour lesquelles on ne s’entendra donc pas, il convient de noter que les hommes de la Force des fusiliers-marins et commandos sont, en plus de la sécurisation des emprises terrestres métropolitaines et Outre-mer, employés à partir des bâtiments pour mener des interventions depuis la mer (par exemple dans la lutte contre le narcotrafic ou la piraterie) et assurent également la protection de navires civils battant pavillon français.

Les équipes de protection embarquée toujours d’actualité

Ce sont les fameuses équipes de protection embarquée (EPE), qui ont mobilisé en 2015 jusqu’à une centaine de personnels simultanément. Ceux-ci sont généralement répartis en équipes d’une demi-douzaine d’hommes à bord des navires de commerce, unités scientifiques ou bateaux de pêche français. Au printemps, pas moins de 16 EPE de la Marine nationale étaient ainsi à l’œuvre, sur des navires sismiques travaillant dans le golfe de Guinée et, surtout, à bord de thoniers opérant en océan Indien.

 

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© MARINE NATIONALE

Sur un navire sismique (© MARINE NATIONALE)

 

Malgré l’entrée en vigueur l’année dernière de la loi autorisant le recours à des sociétés de protection privées, la marine demeure très sollicitée par les armateurs hexagonaux, qui pour la plupart continuent de faire appel à ses services. Ainsi, cette mission mobilise toujours une soixantaine d’hommes. Un poids pour la FORFUSCO mais aussi un moyen, pour les militaires, de continuer à maintenir des liens étroits avec les armements civils et aussi d’utiliser au passage leurs bateaux pour disposer d’autant d’ « yeux » supplémentaires dans des zones où tout renseignement est bon à prendre.

 

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© MARINE NATIONALE

La frégate Nivôse à Kerguelen (© MARINE NATIONALE)

 

De l’océan austral au cercle arctique

Comme évoqué plus haut, la flotte continue également de surveiller le plus étroitement possible les territoires ultramarins. C’est le cas en particulier autour des îles Eparses et dans le grand sud, vers les TAAF. Une activité australe complétée de plus en plus par des navigations arctiques. 2015 a, ainsi, vu le déploiement dans le grand nord d’un nombre conséquent d’unités, dont des frégates, SNA, remorqueurs et Atlantique 2. Ces missions, désormais très régulières, ont pour but d’améliorer la connaissance des zones polaires, dans la perspective de l’ouverture de nouvelles routes maritimes. Mais il y a aussi des enjeux militaires, les tensions avec la Russie ayant nécessité des mesures de réassurance vis-à-vis des pays européens les plus proches, non seulement en Baltique et mer Noire, où des unités françaises ont été déployées sous contrôle national ou au sein de l’OTAN, mais aussi en Norvège, qui a semble-t-il fortement apprécié la présence de moyens français de lutte anti-sous-marine.

 

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© MARINE NATIONALE - L. RAPUZZI

Le Chevalier Paul au large du Groenland, ici en 2010  (© MARINE NATIONALE)

 

La zone tendue de la mer de Chine

De l’autre côté de la planète, l’Asie du sud-est, compte tenu de son rôle croissant comme centre de gravité économique et géostratégique, est également dans le scope de la Marine nationale. En tant que nation riveraine du Pacifique et de l’Océanie, avec la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, et compte tenu des enjeux commerciaux, la France marque sa présence navale jusqu’en mer de Chine, où les tensions demeurent vives en raison des revendications territoriales. Après le passage en mai 2015 du groupe Jeanne d’Arc (Dixmude et Aconit) près des îles Senkaku, que se disputent Pékin et Tokyo, la frégate de surveillance Vendémiaire (basée à Nouméa) a évolué en novembre à proximité de l’archipel des Spratleys, revendiqué par la Chine, le Vietnam, la Malaisie et les Philippines. Comme elles le font pour tout navire entrant en mer de Chine, qu’elles considèrent tout simplement comme leurs eaux intérieures, les autorités chinoises ont demandé aux bâtiments français de suivre une route donnée et de ne pas mettre en œuvre leurs hélicoptères, tout en envoyant des unités à leur rencontre. Comme à son habitude, la Marine nationale - à l’instar de ses homologues américaine et australienne en particulier - a refusé les exigences chinoises, montrant ainsi son ferme attachement au droit maritime et à la liberté de naviguer dans les eaux internationales. Une attitude connue de Pékin qu’il convient sans cesse de réaffirmer mais qui n’empêche pas les manœuvres communes, un Helix chinois s’étant par exemple posé sur le Dixmude lors de son passage.

 

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© MARINE NATIONALE

L'Aconit et le Dixmude  (© MARINE NATIONALE)

 

Une tâche considérable

Assurer la permanence de la dissuasion nucléaire, la présence de la France sur tous les océans, faire respecter sa souveraineté sur ses territoires ultramarins, pré-positionner des moyens et recueillir de précieux renseignements au plus près des zones de conflit, offrir des capacités d’action souples et une palette d’outils militaires très variée, allant des forces spéciales au groupe aéronaval, renforcer la coopération militaire avec les pays alliés, garantir les approvisionnements maritimes, lutter contre les trafics, gérer le secours en mer 24h/24 et 7 jours sur 7… C’est une tâche considérable qui incombe à la Marine nationale, seule flotte globale européenne et l’une des très rares au monde à offrir des capacités d’action aussi larges.

 

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© MARINE NATIONALE - C. LUU

SNA et Caïman Marine (© MARINE NATIONALE)

 

Des missions remplies mais cela devient « très difficile »

Avec, on l’a vu, des moyens pourtant limités mais, malgré tout, des missions assurées, ce qui force le respect et la confiance, voire l’admiration, de nombreuses forces navales, à commencer par la première d’entre elles, l’US Navy. Les difficultés sont pourtant bien réelles. Alors qu’au niveau des aéronefs, la situation est très tendue, pour les ATL2 mais aussi dans le domaine des hélicoptères, où les nouveaux Caïman souffrent encore de soucis de disponibilité, la chasse embarquée ne dispose que du strict minimum (18 des 30 Rafale Marine en ligne et les 8 derniers SEM opérationnels sont actuellement sur le Charles de Gaulle). Quant aux bâtiments de surface, il manque clairement des passerelles pour répondre correctement à toutes les missions et les avaries non programmées peuvent rapidement avoir des conséquences importantes sur le planning opérationnel. Chez les marins, on ne joue toutefois pas aux « pleureuses », car ce n’est pas le genre de la maison, où l’on ne grogne généralement pas en public. A l’état-major, on se contente de souligner, non sans une certaine fierté, que malgré les problèmes les missions sont assurées grâce à l’engagement du personnel et aux efforts réalisés par les industriels pour améliorer la disponibilité du matériel. Cela étant, à un moment, on ne peut pas non plus faire des miracles et on reconnait en hauts lieux que dans un contexte durable de « sollicitation extrême », répondre aux besoins devient « très difficile » et a déjà conduit à faire face à des dilemnes dont les opérationnels se seraient bien passés. Et puis il faut aussi compter avec les effectifs, qui tournent à flux tendu et, si on dit traditionnellement que les marins sont heureux de partir en opération, il faut veiller à ne pas non plus atteindre un point de rupture. 

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

(© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

Le Livre Blanc à côté de la plaque

Cette situation délicate, on la doit au dernier Livre Blanc sur la défense, qui a entériné en 2013 une nouvelle réduction du format des armées. Et la Marine nationale, dont on considérait déjà qu’elle était « à l’os », y a encore laissé de nombreuses plumes. Fixé à 2025 mais déjà quasiment atteint, ce nouveau format voit le nombre de frégates de premier rang passer de 18 à 15 (21 en 2008), celui des bâtiments de projection de 4 à 3, les patrouilleurs de 23 à « une quinzaine » (29 en 2008), les unités logistiques de 4 à 3, les Rafale Marine de 58 à une quarantaine… Il faut dire que les stratèges du Livre Blanc, manifestement plus comptables que visionnaires (et contraints d'entrer dans les clous budgétaires du ministère de la Défense), estimaient que la flotte serait amenée à intervenir sur un à deux théâtres d’opérations de manière permanente, au lieu de deux à trois jusque-là. Une analyse qui s’est rapidement trouvée contredite par la réalité puisque la marine est, maintenant, engagée sur cinq à six théâtres… Ce qui mériterait de réviser les conclusions capacitaires émises il y a seulement trois ans et qui ont servi de base à l’élaboration de la loi de programmation militaire 2014-2019.

 

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© MARINE NATIONALE

La FREMM Provence (© MARINE NATIONALE)

 

Les nouveaux bâtiments offrent un peu d’oxygène

Evidemment, ce n’est pas à l’ordre du jour. Heureusement, les grands programmes de bâtiments neufs, après de sérieux retards et coupes sombres, commencent enfin à monter en puissance. Ainsi, dans le domaine des frégates, la troisième FREMM française sera livrée le mois prochain et la sixième en 2019, permettant de retirer du service les F70, âgées de plus de 30 ans. Alors que les La Fayette doivent être succinctement modernisées, leurs remplaçantes seront construites avec deux ans d’avance, cinq FTI devant être livrées à partir de 2023. Outre-mer, la situation des moyens navals, critique dans certaines zones, va s’améliorer avec l’arrivée des quatre bâtiments multi-missions (B2M), dont les trois premiers dans l’année qui vient, pour succéder aux Batral à Nouméa, Papeete, La Réunion et Fort-de-France.

 

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© MICHEL FLOCH

Le B2M D'Entrecasteaux (© MICHEL FLOCH)

 

S’y ajouteront les deux PLG pour remplacer en 2016 et 2017 les vieux patrouilleurs du type P400 basés en Guyane. Mais cela ne suffira pas à compenser le manque criant de patrouilleurs. Dans le domaine des sous-marins, où les Rubis sont poussés au-delà des 30 ans, le remplacement débutera l’an prochain avec la livraison du premier des six nouveaux SNA du type Barracuda. Ces derniers, comme les FREMM, pourront mettre en œuvre le premier missile de croisière naval européen. Cette nouvelle arme, permettant de traiter depuis la mer des cibles terrestres durcies à très grande distance, sera opérationnelle à partir de cette année sur les frégates et offrira une redoutable capacité de dissuasion et d’action.

Le porte-avions indisponible en 2017/2018

Enfin, alors que la flotte logistique, très sollicitée et vieillissante, ne sera renouvelée avant le début des années 2020, on rappellera que le Charles de Gaulle entrera début 2017 en cale sèche pour son second arrêt technique majeur, doublé d’une modernisation. Un chantier colossal qui rendra le bâtiment indisponible pendant au moins 18 mois. Ce qui aura pour effet de priver la France, faute de second porte-avions, d’une capacité extrêmement précieuse en cette période troublée.

 

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