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Alors qu’on a reparlé ces derniers jours de l’intérêt de la marine indienne pour la version navalisée de l’avion de combat français, un accord intergouvernemental a été signé entre Paris et New Delhi concernant l’acquisition de 36 Rafale pour l’armée de l’air indienne. La volonté politique des deux pays a donc été entérinée et il ne reste plus qu’à s’entendre sur les aspects financiers, ce qui demeure bien entendu une phase délicate. On espère chez Dassaut Aviation que la commande pourra être finalisée « sous quatre semaines ». Mais avec l’Inde, on sait qu’il faut être parfois très patient.

Le besoin toujours estimé à 200 nouveaux appareils

Annoncé en avril 2015, ce projet porte sur l’acquisition d’avions réalisés directement en France par Dassault Aviation, alors que le programme initial portait, lorsque le Rafale a été choisi en 2012, sur 126 appareils, dont 108 à réaliser en Inde via un transfert de technologie très poussé. Une approche extrêmement complexe dans un pays qui a certes des atouts et savoir-faire aéronautiques, mais pas toutes les compétences nécessaires pour mener à bien, dans l’immédiat, un projet technologique de cette ampleur et dans des délais courts. Or, le temps est précisément ce qui manque aux forces aériennes indiennes, qui doivent impérativement renouveler leurs vieux appareils, comme en témoignent les pertes de plus en plus importantes de MiG-21. C’est ce qui a décidé le gouvernement indien, probablement poussé par les militaires, à choisir d’acheter un premier lot d’avions sur étagère. Ce qui ne remet pas en cause l’objectif global de renouvellement de la flotte aérienne, avec un besoin final estimé à environ 200 avions (le projet de contrat négocié en 2012 comptait d’ailleurs une option pour plus de 60 avions supplémentaires). Si l’accord intergouvernemental annoncé hier, à l’occasion de la visite en Inde de François Hollande, se transforme bien en commande, cela ne devrait donc être qu’un début. Restera ensuite à voir comment se dérouleront les étapes suivantes et quels montages industriels et partenariats pourraient être mis en place pour parvenir au souhait des Indiens de pouvoir eux-mêmes réaliser leurs avions à l’avenir.

Déjà deux contrats engrangés à l’export

Côté français, on peut en tous cas estimer que Dassault Aviation pourrait livrer les premiers Rafale indiens vers 2018/2019, sachant que la cadence de production de l’avionneur français va être portée d’ici deux ans à 3 Rafale par mois, contre 11 par an avant les commandes enregistrées à l’export en 2015. Celles-ci comprennent pour le moment 24 avions pour l’Egypte (les 3 premiers ont été livrés en juillet dernier et les 3 suivants le seront dans les prochaines semaines) et 24 autres pour le Qatar, qui devrait toucher son premier Rafale en 2018.  En plus de ces contrats, les négociations se poursuivent avec d’autres prospects, à commencer par les Emirats Arabes Unis, qui ont besoin d’une soixantaine de nouveaux avions.

 

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© DASSAULT AVIATION - A. PECCHI

 

Une pause dans la production des Rafale français

Concernant les forces françaises, sur les 225 avions prévus par le dernier Livre Blanc, 130 avaient été livrés au 30 juin 2015 à l’armée de l’Air et la Marine nationale. Cela, sur un total de 180 commandés au titre des quatre premières tranches du programme. L’aéronautique navale devait toucher cet hiver son 44ème Rafale Marine, 2 autres au mieux attendus cette année (48 sont normalement prévus à la fin de la quatrième tranche mais le sort des 2 derniers parait incertain). Il est en tous cas prévu qu’à partir du printemps 2016 et jusqu’en 2020, Dassault Aviation se concentre sur la production destinée à l’export, à l’exception sans doute des 6 premiers appareils livrés à l’Egypte, prélevés sur le stock de l’armée de l’Air et que celle-ci va devoir récupérer.

 

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© EMA

Rafale Marine sur le Charles de Gaulle (© EMA)

 

Un avion qui intéresse depuis longtemps la marine indienne

Cela étant, le maintien dans la chaîne industrielle de quelques Rafale Marine, ce qui sera le cas au moins jusqu’en 2017 (date de fin de retrofit du dernier des 10 ex-Rafale F1 porté au standard F3) est intéressante. Car la version embarquée sur porte-avions de l’appareil pourrait lui aussi trouver des débouchés à l’export. Certes, les clients potentiels sont très peu nombreux et se résument à la vérité à deux marines pour le moment. Le Brésil, qui comptait construire deux nouveaux porte-avions, a pour le moment mis ce projet en sommeil en raison des difficultés économiques qu’il rencontre. L’Inde, en revanche, semble toujours regarder de près le Rafale M. La marine indienne s’y intéresse en fait depuis assez longtemps car, à terme, elle souhaite se doter de porte-avions dotés de catapultes. Pour l’heure, ce n’est pas le cas, le Vikramaditya (ex-Gorshkov), livré en 2013 par la Russie, étant certes doté d’une piste oblique avec brins d’arrêt pour l’appontage, mais d’un tremplin pour le lancement de ses avions. Et il en sera de même pour le Vikrant, premier bâtiment de ce type réalisé en Inde, mis à flot en 2013 et qui ne rejoindra pas la marine indienne avant 2017. Pour la suite, alors que New Delhi comptait réaliser un second Vikrant, un nouveau projet, connu sous le nom de Vishal, a été initié. Attendu vers 2022, ce nouveau bâtiment serait plus grand et sa conception pourrait faire l’objet d’une aide apportée par un pays étranger. DCNS, seul industriel au monde à avoir étudié un nouveau design de porte-avions à catapultes et brins d’arrêt (CATOBAR) avec une propulsion conventionnelle, s’est dit comme nous l’écrivions en juillet 2015 « très intéressé » pour aider la marine indienne dans ce projet.

 

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© INDIAN NAVY

Le Vikramaditya (© MARINE INDIENNE)

 

Techniquement possible même sans catapulte

Un tandem avec le Rafale Marine serait alors naturel mais Dassault Aviation peut aussi jouer sa partie même si aucune coopération ne voit le jour avec DCNS. Et l’avion embarqué français aurait encore ses chances au cas où le modèle CATOBAR est écarté par l’Inde. Il faudra en effet compter avec l’évolution technologique des catapultes, que seuls les Américains fabriquent. Or, l’US Navy passe pour ses nouveaux porte-avions de la traditionnelle vapeur aux catapultes électromagnétiques, ce qui pose d’importants problèmes d’intégration sur les plateformes, avec une production électrique nettement supérieure et de véritables défis en matière d’interférences. Dans ces conditions, un éventuel recours à la solution déjà en vigueur, le tremplin, ne serait pas rédhibitoire pour le Rafale Marine. Dassault Aviation avait en effet mené des études il y a quelques années démontrant que son avion était techniquement capable de décoller sur un pont dépourvu de catapultes ou doté d’un tremplin. L’avionneur français ne l’avait alors pas précisé mais on se doute cependant que, dans ce cas, le Rafale comme les autres avions utilisables ainsi aurait une capacité d’emport plus faible.  

 

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© MARINE NATIONALE

 

Des questions autour du MiG-29K

Enfin, concernant l’aéronautique navale indienne, on rappellera que celle-ci met depuis peu en œuvre le MiG-29K, dont le 45ème et dernier exemplaire commandé à la Russie devrait être livré cette année. Entré officiellement en service en 2010 dans la marine russe, cet appareil, prévu pour équiper le Vikramaditya et le Vikrant, peut sur le papier constituer le cœur de l’aviation embarquée indienne au cours des prochaines décennies. Mais il y a des doutes. On ne sait en effet pas à quel point ce chasseur-bombardier, développé à la fin des années 80 sur la base du MiG-29M des forces aériennes russes, a été conçu en amont pour pouvoir être mis en œuvre sur porte-avions. Une question cruciale puisqu’il est avéré que les contraintes spécifiques à un tel emploi, en particulier les efforts considérables subis par les trains et la cellule, doivent être prises en compte dès le développement initial d’un appareil. Ce fut le cas avec le Rafale, Dassault ayant auparavant compris la leçon avec les projets avortés de navalisation du Mirage 2000 et du Jaguar, pour lesquels les ingénieurs en sont venus à la conclusion qu’il aurait fallu refaire la quasi-totalité des avions.

A la question d’un éventuel vieillissement prématuré des MiG-29K, se pose aussi celle de la maintenance, les retours quant au taux de disponibilité des avions russes étant loin d’être excellents.

Homogénéisation du parc entre les forces aériennes et la marine

Alors que le développement d’un avion embarqué indien à hautes performances ne semble pas encore envisageable à court terme, le Rafale Marine peut donc constituer une solution très intéressante pour l’Inde. Surtout qu’elle permettrait, si l’avion français équipe son armée de l’Air, de bénéficier des effets de mutualisation sur la maintenance, les pièces détachées ou encore l’armement. Sans oublier une parfaite interopérabilité entre des forces homogénéisées. 

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