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Si le ministère de la Défense a échappé à de nouvelles coupes budgétaires dévastatrices, la situation financière de l’armée française n’en demeure pas moins très délicate. De diverses unités, on rapporte des problèmes liés au manque d’argent dans les caisses. La chasse aux économies se poursuit donc, les activités considérées comme non essentielles étant bien entendu les premières visées. C’est ainsi que la tradition des cocktails lors des escales des bâtiments de la Marine nationale touche progressivement à sa fin. Dans un certain nombre de cas, ce sont même les escales qui sont purement et simplement annulées, histoire d’économiser un peu de carburant et de préserver le potentiel des navires.

 

 

Une grande parade pour chaque président

 

 

Dans ces conditions, l’organisation de certains évènements peut poser question. C’est le cas de la grande revue navale du 15 août, un imposant défilé maritime et aérien que l’Elysée souhaite voir mis en place à l’occasion du 70ème anniversaire du débarquement de Provence.  Très rares (il n’y en a eu que huit depuis 1958), ces impressionnantes parades, qui mobilisent l’essentiel de la flotte opérationnelle, sont devenues l’un des grands symboles de la puissance maritime de la France, mais aussi du pouvoir militaire du chef de l’Etat, chaque président ne manquant pas, au cours de son mandat, de faire organiser « sa » revue navale (De Gaulle en 1958 et 1964, Pompidou en 1971, Giscard d’Estaing en 1976, Mitterrand en 1982 et 1994, Chirac en 2004 et Sarkozy en 2009). Seulement voilà, à l’heure où le gouvernement doit redresser les comptes publics et que l’armée doit composer au plus juste avec un budget tiré au cordeau et un format réduit au minimum, mobiliser autant de moyens en dehors des opérations peu paraitre quelque peu déplacé.

 

 

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© MARINE NATIONALE

La revue navale de 2009 (© MARINE NATIONALE)

 

 

Une vingtaine de bâtiments mobilisés

 

 

Certes, les amoureux des bateaux gris sont toujours émerveillés de voir évoluer le long des côtes autant de bâtiments, et les marins sont légitimement fiers de pouvoir montrer leurs outils dans ces conditions. Evidemment, le 70ème anniversaire du débarquement de Provence, tout comme celui de Normandie, se doit d’être célébré pour rendre hommage aux soldats qui ont permis de libérer la France, d’autant que les derniers vétérans s’éteignent peu à peu. Mais il y avait peut être moyen, dans le contexte actuel, d’opter pour des cérémonies moins coûteuses et qui ne sont pas sans incidence sur les opérations. Car, avec un potentiel limité en jours de mer et du carburant calculé au plus juste, la revue navale impose de faire des choix. Il faut en effet réunir ce qui ressemble à une flotte, avec le porte-avions Charles de Gaulle, au moins un bâtiment de projection et de commandement et un sous-marin, une grosse demi-douzaine de frégates, des avisos et quelques unités complémentaires, comme un ravitailleur et des unités de guerre des mines. En tout, une vingtaine de passerelles françaises, auxquelles s’ajouteront quelques navires étrangers, ainsi que de nombreux aéronefs pour le défilé aérien, qui sera assuré par l’aéronautique navale et l’armée de l’Air. Alors que le nombre de bâtiments est réduit, à peu près tout ce qui est en état de prendre la mer sera de sortie. Non sans qu’il soit  nécessaire de reprogrammer des arrêts techniques. Certains ont été anticipés et d’autres retardés, imposant pour ces derniers cas que les unités soient économisées afin de tenir un peu plus longtemps avant leur maintenance. De là, certaines missions ont, ou vont, probablement passer à la trappe. Vient alors une question légitime : est-il normal de devoir choisir entre des besoins opérationnels et un évènement dont les retombées sont, somme toute, relativement limitées ?

 

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

La revue navale de 2004 (© MER ET MARINe - JEAN-LOUIS VENNE)

 

 

L’occasion manquée du 6 juin

 

 

A la rigueur, quitte à organiser une grande revue navale cette année, il aurait été sans doute préférable de le faire devant les côtes normandes. Car l’intérêt politique et géostratégique aurait été bien plus important, du fait d’une couverture médiatique internationale nettement plus large et, évidemment, de la présence de nombreux chefs d’Etat de premier plan, à commencer par Barack Obama et Vladimir Poutine. Ainsi, au moment où l’Europe fait face à la crise ukrainienne, une petite démonstration de force devant le président russe, sous couvert des commémorations, aurait pu avoir une certaine pertinence. Au passage, cela aurait été également l’occasion, pour les autres délégations présentes, y compris celle des Etats-Unis, de rappeler que la France dispose non seulement d’une armée de Terre et d’une aviation redoutablement efficaces, comme elles l’ont notamment démontré en Libye et au Mali, mais aussi de la plus puissante marine d’Europe. Une flotte également engagée avec succès dans de nombreuses opérations, dont la Libye, mais qui est du fait de son terrain de jeu, plus discret car éloigné des côtes, bien moins exposée médiatiquement.

La possibilité d’organiser la revue navale à l’occasion des commémorations du 6 juin a fait un temps partie des scénarios envisagés. Mais il a été jugé en hauts lieux que faire migrer la flotte depuis Toulon pendant une dizaine de jours, même en organisant au passage des exercices avec les marines d’Europe du nord pour « rentabiliser » le déplacement, était trop complexe et onéreux.

 

 

Hommage aux pays d'Afrique et du Maghreb

 

 

Par ailleurs, un argument politique a  pesé dans le choix de la Provence. En plus d'honorer la mémoire des anciens soldats et mettre en lumière un évènement historique bien moins connu que le débarquement de Normandie, le président de la République pourra montrer son intérêt pour le sud de la Méditerranée, l’une des grandes sphères d’influence de la France. Ainsi, une trentaine de chefs d’Etat, en grande partie du continent africain, sont invités à la revue navale du 15 août. Ce qui est aussi une manière de rendre hommage à ces pays, les anciennes troupes coloniales ayant constitué le gros des effectifs de l'armée française ayant débarqué en Provence.  

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