Cent dix ans après sa création, la sous-marinade britannique ouvre une nouvelle page de son histoire en intégrant ses trois premières femmes. Celles-ci ont réalisé leur premier déploiement sur l’un des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Vanguard. Longs de 149.8 mètres et présentant un déplacement en plongée de près de 16.000 tonnes, ces bâtiments, qui constituent les plus gros sous-marins réalisés jusqu’ici en Europe (mis en service entre 1993 et 1999), sont le socle de la force de dissuasion du Royaume-Uni. Armés par un équipage de 135 marins, ils peuvent embarquer 16 missiles balistiques Trident 2 D-5 emportant chacun 6 à 8 têtes nucléaires d’une puissance de 150 kilotonnes.

SNLE du type Vanguard (© ROYAL NAVY)
Premier déploiement sur le HMS Vigilant
A l’issue d’une formation spécialisée de plusieurs mois, les lieutenants Maxine Stiles, Alex Olsson et Penny Thackray ont récemment fait leurs preuves sur le HMS Vigilant. « Au cours d’un entrainement rigoureux, qui était auparavant uniquement réservé aux hommes, les trois officiers féminins ont conduit des opérations sur le HMS Vigilant, apprenant à faire fonctionner les systèmes complexes embarqués qui assurent la sécurité de notre pays. L’obstacle final était un programme d’examen poussé avec le commandant, qu’elles ont toutes passé brillamment. Ces trois femmes vont maintenant poursuivre leur carrière au sein du Service sous-marin, contribuant à la permanence à la mer de la dissuasion, qui constitue la garantie suprême de la sécurité de notre nation », souligne la Royal Navy.

Sarah West, première femme pacha d'une frégate britannique (© ROYAL NAVY)
Vingt ans après les bâtiments de surface
C’est en 2011, année où le commander Sarah West est devenue la première femme commandant d’une frégate de la Royal Navy, que le secrétaire britannique à la Défense, Philip Hammond, a levé l’interdiction faite aux femmes de servir à bord des sous-marins. Depuis, la marine, qui progressivement féminisé les équipages de ses bâtiments de surface à compter des années 90, a mené un long processus pour sélectionner les premières candidates, assurer leur formation et veiller à ce que l’arrivée de femmes dans un milieu jusqu’ici exclusivement masculin se passe au mieux. Ce qui fut le cas, selon le commander Matt Dennis, pacha du HMS Vigilant : « J’ai été impressionné par la manière dont ces trois femmes se sont intégrées sans problème à bord. Comme je l’espérais, elles ont été acceptées comme des membres à part entière de l’équipage par les autres marins et ont vraiment ouvert la voie pour que la présence de femmes sur les sous-marins devienne une chose courante ».

Le lieutenant Penny Thackray (© ROYAL NAVY)
Un nouveau vivier
Saluant « un énorme accomplissement personnel pour ces trois officiers remarquables », Philip Hammond a, pour sa part, évoqué « un moment historique » et rappelé que la sous-marinade, comme le reste de la société, suivait une évolution naturelle. « Nos forces armées offre une vaste gamme d’opportunités et de carrière, peu importe votre sexe. Ceci est un nouveau pas important dans notre effort visant à nous assurer que nos forces armées représentent mieux la société qu’elles servent ». Une position que partage pleinement le numéro 2 de la Royal Navy : « Les femmes servent sur des bâtiments à la mer depuis plus de 20 ans et les intégrer dans le service sous-marin complète leur présence dans toutes les branches maritimes. Cette étape significative illustre la détermination de la Royal Navy à saisir chaque opportunité permettant d’employer l’immense réservoir de talents et de compétences de tous nos personnels », a déclaré le Second Sea Lord, le vice-amiral David Steel. Au-delà des considérations politiques et de l’évolution sociétale, la Navy entend donc utiliser au mieux les qualités de l’ensemble de son personnel. Avec sous-jacent l’intérêt d’élargir le vivier des candidats à l’embarquement sur sous-marins, à l’heure où les vocations pour ce métier si particulier, qui implique pour chaque patrouille de rester en plongée durant plusieurs mois, sont devenues plus rares. En ouvrant cet ultime bastion masculin aux femmes, l’amirauté espère probablement faciliter les recrutements et, pourquoi pas, en relever le niveau général.

SNLE du type Vanguard (© ROYAL NAVY)
« Je n’oublierai jamais mon premier déploiement en mer »
Quant aux principales intéressées, elles se disent évidemment très fières de porteur leurs « Dolphins », l’insigne des sous-mariniers britanniques comprenant deux dauphins. « Je n’oublierai jamais mon premier déploiement en mer sur un sous-marin nucléaire. Ce fut un challenge mais une expérience extrêmement enrichissante. J’ai profité à fond de mon temps à bord et voudrais remercier l’équipage, aux côtés duquel j’ai eu le privilège de servir », confie le lieutenant Stiles, qui espère que cette « expérience unique » deviendra à l’avenir « habituelle pour beaucoup de sous-mariniers féminins ». Alors qu’elle va continuer d’exercer la fonction d’officier logistique sur SNLE, le lieutenant Olsson ambitionne, pour sa part, de devenir chef adjoint du service armes, le lieutenant Thackray étant appelé à devenir officier de formation.
L’expérience acquise par ces trois pionnières va, évidemment, être très précieuse pour assurer la montée en puissance de la féminisation des sous-marins de la Royal Navy. Alors que les SNLE se prêtent bien à la mixité compte tenu de leur taille plus importante, ce qui permet de réserver des cabines et sanitaires aux femmes, les sous-marins nucléaires d’attaque pourraient connaître, dans les prochaines années, la même évolution.
En dehors de la flotte anglaise, l’US Navy a également entrepris de féminiser certains équipages de ses sous-marins nucléaires. Quant à la marine française, elle a annoncé le mois dernier le lancement d’une expérimentation devant conduire à l’embarquement de trois premiers officiers féminins sur un SNLE du type Le Triomphant d’ici 2017.