Appelé notamment à assurer la succession des Rafale de l’armée de l’Air et de l’aéronautique navale françaises, mais aussi des avions de combat allemands et maintenant espagnols, le Système de Combat Aérien Futur (SCAF) a franchi hier une nouvelle étape. A l’occasion de l’inauguration du 53ème salon aéronautique du Bourget, un accord cadre a été signé par Florence Parly et ses homologues Ursula von der Leyen (Allemagne) et Margarita Robles (Espagne). Présenté par le ministère des Armées comme un « véritable engagement juridique pour la construction d'un système complet d'avions de combat et de drones, qui entrera dans les forces armées d'ici 2040 », cet accord cadre a été paraphé en présence d’Emmanuel Macron.

(© DASSAULT AVIATION - M. DOUHAIRE)
Ce fut également l’occasion de dévoiler une maquette à taille réelle du futur avion de combat européen, « présentant l'aboutissement des travaux de concept et d'architecture des industriels Dassault et Airbus. Concrétisation des premiers choix importants concernant l'avion de combat du futur, il ne s'agit pas d'une simple vue d'artiste mais du résultat des premières décisions technologiques actées entre les pays concernés ».

(© DASSAULT AVIATION - A. BOISSAYE)
Initié en 2017 par la France et l’Allemagne, le SCAF, qui vise à développer un système en réseau complet d’avions de combat et de drones de nouvelle génération avec leurs senseurs et armements associés, devient véritablement européen avec l’entrée officielle de l’Espagne. Le programme a été mis sur les rails en janvier dernier avec la notification par la Direction Générale de l’Armement (DGA) d’un tout premier contrat de 65 millions d’euros. Une étude commune de concept et d’architecture confiée à Dassault Aviation et Airbus Defence and Space.
Les deux industriels ont annoncé hier avoir remis aux gouvernements français et allemands une offre conjointe pour la Phase initiale de démonstration du Système de combat aérien futur SCAF, qu’ils espèrent voir notifiée à la fin de cette année. Cette Phase de démonstration doit s’étendre jusqu’à la mi-2021 et marquera le point de départ du développement des démonstrateurs et des technologies du chasseur de nouvelle génération (NGF), des drones d’appui (Remote Carriers) et d’un « Air Combat Cloud » (ACC), en vue d’un vol inaugural d’ici à 2026.
Au-delà d’Airbus et Dassault, de nombreux autres industriels sont associé au programme, à commencer par MBDA (qui a dévoilé hier sa vision des systèmes aériens futurs) et Thales, mais aussi Safran et MTU qui ont été chargés de développer un nouveau moteur. « L’Étude de concept commune attribuée à Dassault Aviation et Airbus en janvier 2019 a été la première étape d’une coopération fructueuse entre les deux entreprises. La phase initiale de démonstration marque un nouveau jalon décisionnel majeur dans l’organisation industrielle du Système d’armes de nouvelle génération NGWS [Next Generation Weapon System], dont le chasseur de nouvelle génération, qui sera fabriqué par Dassault et Airbus, sous la maîtrise d’oeuvre de Dassault Aviation, les drones d’appui et l’Air Combat Cloud, dont Airbus assurera la maîtrise d’oeuvre, constitueront les principales composantes du Système de combat aérien futur », a déclaré Éric Trappier, président de Dassault Aviation. « Les progrès que nous avons réalisés ces derniers mois sur ce programme sont remarquables. Le SCAF représentera le programme aéronautique militaire le plus ambitieux et structurant de l’Europe pour les décennies à venir, véritable pièce maîtresse de sa souveraineté », a-t-il ajouté.
Dirk Hoke, CEO d’Airbus Defence and Space, s’est quant à lui félicité « du niveau de confiance et de partenariat que nous sommes déjà parvenus à instaurer avec Dassault dans l’exécution de l’Étude de concept commune et aujourd’hui, dans l’offre industrielle que nous venons de soumettre à nos deux gouvernements. Les principes de notre coopération industrielle incluent un processus décisionnel commun, une structure de gouvernance très claire, des méthodes de travail transparentes ainsi qu’un mode commun de préparation et de négociation des activités de cette phase initiale de démonstration ».
Dans un contexte d’instabilité géostratégique et de retour des Etats puissance, de révolution digitale, de nouvelles menaces et de stratégies de déni d’accès de plus en plus perfectionnées, le SCAF est considéré comme un programme stratégique par la France, l’Allemagne et désormais l’Espagne. Avec un double enjeu consistant à conserver un outil militaire de premier plan et, dans le même temps, maintenir une souveraineté technologique et industrielle. Surtout quand le parapluie américain ne parait plus aussi assuré qu’il l’était depuis la seconde guerre mondiale. « Au XXIème siècle, plus encore qu’au siècle dernier, le nerf de la guerre sera vraisemblablement notre conquête et notre maîtrise des airs et de l’espace. C’est un véritable enjeu de souveraineté qui se dessine là. Protéger nos frontières, surveiller nos territoires ou projeter nos soldats en opération lorsque c’est nécessaire : rien de tout cela n’est possible sans une maîtrise complète de l’espace aérien. Comment pourrions-nous être indépendants et revendiquer pleinement notre souveraineté si nous dépendons de tiers pour sécuriser notre espace aérien ? », a interrogé hier Florence Parly lors de son discours au Bourget. Pour la ministre des Armées, « les enjeux technologiques et industriels à venir pour conserver notre supériorité opérationnelle et notre autonomie stratégique sont majeurs et nous devons en prendre toute la mesure. Il n’y a pas une minute à perdre ».
Concernant la Marine nationale, on notera que les avancées intervenues ces derniers mois sur le concept et l'architecture du SCAF sont cruciales puisqu'il s'agit d'un élément clé du projet de futur(s) porte-avions dont les premières études sont en cours.