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Pour la première fois depuis cinq ans et la neuvième fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une grande revue navale se déroule le vendredi 15 août au large des côtes varoises. Un évènement destiné à commémorer le 70ème anniversaire du débarquement de Provence. Connue sous le nom d’Anvil, puis Dragoon, cette opération permit aux alliés d’ouvrir, deux mois après la Normandie, un nouveau front au sud de l’Hexagone, obligeant les Allemands à refluer et prenant en tenaille la partie nord de l’Italie, encore aux mains du Reich et des vestiges du régime fasciste. Churchill souhaitait initialement voir le second front ouvert en Adriatique, afin d’attaquer directement l’Autriche et l'Allemagne par le Danube et stopper l’avancée soviétique à l’Est de l’Europe. Mais cette option, stratégiquement la meilleure à court et long terme, fut repoussée par Roosevelt qui, pour plaire à un Staline parvenu à manipuler les Américains lors de la conférence de Téhéran, fin 1943, accepta le débarquement de Normandie, doublé d’une seconde invasion dans le sud de la France. Celle-ci devait intervenir dans la foulée d’Overlord mais elle fut finalement retardée faute de moyens suffisants, notamment en chalands de débarquement.

Lancé le 15 août 1944, le débarquement de Provence a mobilisé 2000 avions et 2250 bateaux (dont 1370 engins de débarquement), les troupes étant déployées sur les plages de Miramar, Saint-Raphaël, Fréjus, Sainte-Maxime, dans la baie de Cavalaire. Armée B française, 7ème armée américaine, 1ère division aéroportée anglo-américaine... Près de 100.000 hommes et plus de 10.000 véhicules furent débarqués dès le premier jour, 350.000 en tout (dont 230.000 Français, pour moitié originaires du continent africain) dans les semaines qui suivirent.  

 

 

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Le débarquement de Provence (© DR)

 

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Le débarquement de Provence (© DR)

 

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Le débarquement de Provence (© DR)

 

 

Le débarquement des Français pour libérer la France

 

 

Contrairement à Overlord sur les côtes normandes, où la présence française fut très faible (le commando Kieffer et une vingtaine de bâtiments de la Marine nationale, dont les croiseurs Georges Leygues et Montcalm), la participation des forces armées tricolores sera très importante en Provence. Le gros des troupes débarquées était constitué de la 1ère armée (qui s’appelait alors armée B) commandée par le général de Lattre de Tassigny et composée aux trois quarts d’unités de l’armée d’Afrique. Une grande partie des soldats servant dans les régiments étaient maghrébins, complétés par des métropolitains, des hommes originaires d’Afrique subsaharienne mais aussi de nombreux « pieds noirs », Européens nés ou installés dans les colonies d'alors ou ayant fui leur pays occupé pour poursuivre la lutte. La plupart n'avaient d'ailleurs, jusqu'en août 1944, jamais vu la France. 

En mer, également, la France put pour la première fois depuis 1940 réunir une force navale conséquente. Au sein des 500 bâtiments de combat mobilisés pour Dragoon, on trouvait, ainsi, le cuirassé Lorraine, les croiseurs Montcalm, Gloire, Georges Leygues, Emile Bertin, Duguay Trouin et Jeanne d’Arc, les croiseurs légers (ex-contre-torpilleurs) Le Terrible, Le Fantasque et Le Malin, les torpilleurs Fortuné, Forbin, Tempête, Simoun, Alcyon, les destroyers d’escorte Marocain, Tunisien, Algérien, Somali et Hova, ainsi que les avisos Gracieuse, Boudeuse, Moqueuse, Commandant Delage, Commandant Bory et Commandant Dominé.

 

Ces unités, en complément des forces navales anglo-saxonnes, dont les cuirassés USS Nevada, USS Arkansas, USS Texas et HMS Ramillies, ainsi qu'une quinzaine de croiseurs, avaient pour mission de couvrir le débarquement en pilonnant les défenses côtières allemandes. La supériorité aérienne des alliés est assurée par des appareils basés en Corse (libérée en octobre 1943) mais aussi la task force (TF 88) forte de 9 porte-avions d'escorte embarquant 216 appareils (Seafire, Hellcat et Wildcat) chargés d’assurer le soutien aérien rapproché de la flotte.

 

 

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A bord d'un porte-avions d'escorte britannique (© DR)

 

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Le cuirassé USS Nevada (© DR)

 

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Le cuirassé HMS Ramillies (© DR)

 

 

Véritable réussite, du fait notamment qu’une partie des effectifs allemands avaient été redéployés vers le nord de la France, Dragoon permit de libérer la Provence en seulement deux semaines, avec l’aide précieuse de la résistance. Les troupes remontèrent ensuite le Rhône pour faire leur jonction dès septembre avec les armées débarquées en Normandie et, dès lors, il fut possible de faire route vers l’Allemagne, désormais prise entre le marteau anglo-saxon et l’enclume soviétique.

 

 

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© MARINE NATIONALE

 

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7 heures de défilé naval entre le cap d'Antibes et Toulon

 

 

Soixante-dix ans plus tard, la France a décidé de rendre hommage aux soldats qui se sont battus en Provence, notamment les Maghrébins et Africains, sans lesquels l’armée française n’aurait eu une telle importance dans l’opération. C’est la raison pour laquelle 30 chefs d’Etat et de gouvernements, venant essentiellement du continent africain, ont été invités par François Hollande pour assister à la revue navale du 15 août. Aux côtés du président français, ils assisteront au défilé aérien et maritime à bord du Charles de Gaulle, mouillé en rade des Vignettes (Grande rade), à Toulon. Avant le passage des bâtiments devant le porte-avions français, à partir de 19 heures, la flotte, emmenée par la frégate Forbin (seule unité présente à reprendre le nom d’un navire ayant participé au débarquement), défilera le long des côtes et notamment des plages ayant servi au débarquement de Provence.  Depuis le cap d’Antibes, le long défilé de coques grises s’ébranlera peu avant midi pour parcourir 78 milles, ce qui lui prendra 7 heures. En tout, 20 bâtiments, 13 Français et 7 étrangers, sont mobilisés. Une fois arrivés devant Toulon, ils se répartiront en quatre groupes, représentant chacun l’une des grandes composantes de l’action navale, un défilé aérien étant intégré au dispositif. Ce dernier doit comprendre une vingtaine d’avions et d’hélicoptères de l’aéronautique navale, des aéronefs de l’armée de l’Air et de l’armée de Terre, ainsi que trois avions historiques, en l’occurrence un Spitfire, un Seafire et un Morane-Saulnier 70.

 

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

Répétition de la revue navale le 13 août (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

 

Le groupe aéronaval et la composante nucléaire aéroportée

 

 

La première composante sera dédiée au groupe aéronaval, l’outil de projection de puissance majeur de la Marine nationale. Devant le Charles de Gaulle, qui sera donc au mouillage avec les officiels et vétérans, défileront la frégate de défense aérienne Forbin, la frégate antiaérienne Jean Bart, la frégate anti-sous-marine Jean de Vienne, la frégate Aconit, le pétrolier-ravitailleur Meuse et le sous-marin nucléaire d’attaque Perle. Pour ce tableau, les bâtiments seront survolés par quatre avions de combat Rafale Marine, ainsi que deux Super Etendard Modernisés et un avion de guet aérien Hawkeye du groupe aérien embarqué du Charles de Gaulle. Il y aura également un avion de patrouille maritime Atlantique 2 et un hélicoptère Caïman Marine, alors que ce tableau s’achèvera avec la composante nucléaire aéroportée, constituée de Rafale Marine et de Mirage 2000N de la Force d’action navale nucléaire (FANU) et des Forces aériennes stratégiques (FAS).  

 

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

Répétition de la revue navale le 13 août (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

 

Le groupe amphibie

 

 

Le second tableau de la revue navale sera consacré au groupe amphibie, permettant de réaliser des opérations aéromobiles et de débarquement de troupes et de matériel. Cette composante sera emmenée par le bâtiment de projection et de commandement Tonnerre, suivi d’un engin de débarquement amphibie rapide (EDAR). Viendront ensuite le transport de chalands de débarquement Siroco, la frégate de défense aérienne Chevalier Paul, le bâtiment océanographique britannique HMS Echo, puis le bâtiment de commandement américain USS Mount Whitney. La partie aérienne de ce tableau comprendra un Caïman Marine, un hélicoptère  de combat Tigre de l’aviation légère de l’armée de Terre (pouvant être mis en œuvre sur BPC) et deux Rafale Marine, rappelant que le groupe amphibie bénéficie d’une couverture aérienne pouvant notamment être fournie par le groupe aéronaval.

 

 

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L'USS Mount Whitney (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

 

La sauvegarde maritime

 

 

Viendra ensuite la troisième composante de la revue navale, dédiée à la sauvegarde maritime. Il s’agit de toutes les missions de surveillance et de protection effectuées dans les eaux nationales ou les zones d’intérêt stratégique, comme la lutte contre le terrorisme, le narcotrafic, la piraterie, l’immigration clandestine ou encore la pêche illicite. Ce tableau verra défiler devant le Charles de Gaulle la frégate Guépratte, l’aviso Commandant Birot (que la marine appelle de nouveau patrouilleur de haute mer), le bâtiment école algérien Soummam, la corvette marocaine Tariq ben Ziad et le patrouilleur tunisien La Galite. Ces unités seront survolées par un avion de surveillance maritime Falcon 50M, un avion de patrouille maritime Atlantique 2, ainsi que des hélicoptères Panther et Dauphin.

 

 

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© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE

Le Soummam et le La Galite (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

 

 

La guerre des mines

 

 

La quatrième et dernière composante de la revue navale s’axera sur la guerre des mines, un domaine de lutte essentiel pour assurer la libre circulation des navires dans les détroits et les chenaux de navigation. Ce savoir-faire est aussi mis à profit pour neutraliser les engins explosifs historiques, seuls 20% des 635 à 700.000 mines ou munitions immergées dans les eaux européennes durant la seconde guerre mondiale ayant été détruites. Quatre unités formeront cette composante, avec le bâtiment base de plongeurs démineurs Pluton, le chasseur de mines Capricorne, ainsi que les chasseurs de mines britanniques HMS Quorn et HMS Ramsey.

Enfin, la revue navale sera clôturée par le passage de la Patrouille de France, avec huit Alphajet.

 

 

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Répétition en grande rade de Toulon (© MARINE NATIONALE)

 

 

En tout, cet évènement mobilise quelques 4600 militaires, dont un millier pour assurer la sûreté de cette grande commémoration, qui sera probablement la dernière à accueillir des vétérans du débarquement de Provence.

Enfin, on notera qu’un arrêté du préfet maritime de la Méditerranée réglemente la navigation le long des côtes varoises pour prévenir tout incident avec les usagers de la mer. Ces derniers sont, en effet toujours très nombreux sur le plan d’eau pour le 15 août et le défilé aéronaval va attirer de nombreux curieux (voir l'arrêté du préfet maritime)

 

 

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