Le chantier public Istanbul Naval Shipyard, qui a livré le 26 septembre à la marine turque sa seconde corvette du type Milgem, a gagné son bras de fer contre son concurrent privé RMK de Tuzla. Le gouvernement turc a, en effet, décidé maintenir chez INS la réalisation des deux prochains bâtiments de la série, que RMK Marine pensait obtenir. Cela, sur fond de polémique quant au coût des premières Milgem, que le chantier privé entendait produire pour un prix inférieur, ce qui n’était pas démontré. L’Etat a néanmoins fait le choix de ses chantiers publics, notamment pour des raisons politiques. Alors que RMK est une filiale du groupe Koç, un industriel turc de premier plan actif dans les domaines civils et militaires, le premier ministre Erdogan semble avoir voulu éviter de renforcer encore plus un géant national déjà très présent dans les différents secteurs de l’économie. Le choix de RMK aurait, de plus, fragilisé INS.
Ce dernier se voit donc offrir une nouvelle chance, bien qu’il n’ait pour le moment emporté qu’une bataille. Les Milgem doivent en effet être construites à huit exemplaires, les quatre dernières allant faire l’objet d’un nouvel appel d’offres. INS et RMK vont donc de nouveau fourbir leurs armes pour autour de ce marché.

La première corvette du type Milgem (© MARINE TURQUE)
On notera, par ailleurs, que le choix du gouvernement turc repose également sur des considérations techniques et stratégiques. Avec les Milgem, le chantier d’Istanbul est, en effet, parvenu à concevoir et réaliser la première corvette de conception nationale. Un beau bâtiment, apparemment réussis, qui symbolise l’indépendance technologique nationale recherchée par le pouvoir et ouvre de nouvelles perspectives à l’export pour l’industrie turque. Dans le même temps, les Milgem constituent un socle indispensable pour mener à bien le développement du projet des quatre frégates de défense aérienne du type TF2000, dont la marine turque souhaite se doter depuis longtemps. Grâce aux nouvelles corvettes, INS, qui a réalisé en transfert de technologie, entre 1993 et 2000, deux frégates du type allemand Meko 200, a acquis un important savoir-faire dans le domaine des bâtiments de surface. Cette expérience doit permettre à la Turquie de s’affranchir des designs et de l’aide technique de pays étrangers pour concevoir et réaliser ses propres bâtiments.

Longues de 99 mètres pour une largeur de 14.4 mètres, les Milgem présentent un déplacement de 2000 tonnes en charge. D’un coût de 200 à 250 millions de dollars, ces corvettes, capables d’atteindre la vitesse de 29 nœuds grâce à une turbine à gaz GE LM2500 et deux moteurs MTU (puissance totale de 31.6 MW), sont mises en œuvre par un équipage de 80 marins, auquel s’ajoute un détachement aéronautique de 13 hommes. Dotées d’une plateforme et d’un hangar pour un hélicoptère, les nouvelles unités turques disposent, côté armement, de huit missiles antinavire Harpoon, un système surface-air RAM, une tourelle de 76mm et quatre tubes lance-torpilles. Le radar de surveillance principal est un SMART-S, les corvettes disposant également d’un sonar de coque et de lance-leurres (anti-missiles et anti-torpilles).
La tête de série, l’Heybeliada, a été livrée en 2011, son premier sistership s’appelant Büyükada.