Le célèbre patrouilleur austral de la Marine nationale a appareillé de La Réunion fin janvier pour son ultime mission. Comme il le fait depuis 1984, l’Albatros a mis le cap vers le grand sud pour assurer la surveillance et la police des pêches dans les eaux des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Il devrait être de retour mi-mars à La Réunion, où il bénéficiera d’une maintenance en vue de son retour en métropole. Après avoir fait ses adieux à l’île, où il est basé depuis 31 ans, le patrouilleur mettra le cap sur Brest. Son arrivée à la pointe Bretagne est pour le moment prévue mi-juillet. L’Albatros sera, dans la foulée, retiré du service actif. Le bâtiment sera ensuite démilitarisé et vidé de ses fluides ainsi que de tout ce qui peut être récupéré à bord. Sa coque devrait alors servir de brise-lames, potentiellement à Lorient afin de remplacer l’ex-bâtiment de soutien mobile Rhône, désarmé en 1997 et qui doit rejoindre prochainement la filière de déconstruction.

L'Albatros (© MARINE NATIONALE)
Un ancien chalutier lancé en 1966 en Normandie
Avec la mise en retraite de l’Albatros, c’est une page de l’histoire de la marine et des TAAF qui va se tourner. Doyen de la flotte française, le vieux patrouilleur a une longue et originale histoire. C’est en tant que chalutier congélateur et sous le nom de Névé qu’il a été mis sur cale en 1966 au chantier normand du Trait. Livré l’année suivante à la Société navale caennaise, le bateau a pêché en Atlantique nord jusqu’en 1983. La Marine nationale en fait alors l’acquisition, le rebaptise Albatros et, après transformation, le remet en service en 1984. Depuis La Réunion, il a pour mission de patrouiller dans les TAAF afin de protéger la zone économique exclusive française autour de Kerguelen, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam. L’ancien chalutier de 85 mètres de long, conçu pour affronter les rigueurs de l’Atlantique nord, se mesure cette fois aux conditions extrêmes du grand sud. Des navigations longues et souvent éprouvantes pour l’équipage et le matériel, qui affrontent les caprices des quarantièmes rugissants, avec leur lot de tempêtes, de mers démontées et d’icebergs. Un environnement très dur pour une présence essentielle, consistant à affirmer la souveraineté de la France dans cet immense espace, avec une ZEE riche en langouste et légine, deux produits dont le poids économique est très important à La Réunion. Seuls quelques bateaux de pêche français sont autorisés à exploiter cette ressource, dont le prix de vente très élevé suscite des convoitises et oblige l’Etat à surveiller la zone pour éviter le pillage des stocks.

L'Albatros dans l'océan Austral (© MARINE NATIONALE)
Pas de remplaçant faute d’argent
Ce fut durant trois décennies la vocation principale de l’Albatros, dont la présence a été renforcée à partir des années 90 par des frégates de surveillance, dont deux exemplaires (Floréal et Nivôse) sont basés à La Réunion, ainsi que par l’Osiris. Cet ancien palangrier mauricien, surpris en flagrant délit de pêche illicite dans la ZEE française de l’océan Austral en janvier 2003, a été saisi, transformé en patrouilleur et remis en service en décembre de la même année pour le compte des Affaires maritimes. Si le remplacement de l’Osiris est prévu en 2016, la succession de l’Albatros n’a pas pu être assurée pour des questions budgétaires. Les moyens de surveillance des eaux françaises dépendant des TAAF vont donc être sérieusement amoindris. Et la Marine nationale va, en plus, devoir jusqu’à la fin de l’année se passer de la frégate Nivôse, gravement endommagée en octobre dernier par un incendie. Entrée en cale sèche début janvier à l’île Maurice, elle ne devrait pas être de nouveau opérationnelle avant l’automne. C’est pourquoi il avait été un temps envisagé de prolonger une nouvelle fois l’Albatros mais à l'aube de son jubilé, la marine a décidé qu'il était temps de le mettre en retraite.