Le bâtiment de projection et de commandement Dixmude, qui a achevé le 29 janvier un déploiement de deux mois en Afrique de l’ouest dans le cadre de la mission Corymbe, a accueilli le mois dernier, sur son pont d’envol, un convertible américain MV-22 Osprey. Cet appareil de l’US Marine Corps présente la particularité de disposer de deux turbines orientables, grâce auxquelles il se pose et décolle comme un hélicoptère, mais vole comme un avion. Une configuration unique qui lui permet d’opérer depuis des plateformes navales de relativement faibles dimensions et de projeter des hommes et du matériel avec une capacité de vol stationnaire, le tout en bénéficiant de vitesses de transit bien plus élevées que celles d’un hélicoptère. Conçu notamment pour le transport opérationnel, le MV-22 est mis en œuvre par l’USMC sur les porte-hélicoptères d’assaut de la marine américaine où à partir de bases terrestres. Aucun gros bâtiment de l’US Navy n’étant à priori présent ces temps-ci au large de l’Afrique de l’ouest, on peut d’ailleurs en déduire que l’appareil qui a manœuvré avec les militaires français appartient à l’une des unités d’intervention mises à disposition du commandement américain en Afrique. A ce titre, on sait que des MV-22 sont pré-positionnés au sud de l’Espagne et à Djibouti, notamment dans le cadre de la lutte contre les terroristes.

MV-22 Osprey sur le BPC Dixmude (© : MARINE NATIONALE)
Manœuvres réussies
La présence d’un engin de ce type sur un BPC français constitue une grande première pour la Marine nationale, mais pas une manœuvre inédite pour les Américains sur un bâtiment étranger. Ainsi, en juin 2013, un Osprey avait été déployé sur le porte-hélicoptères japonais Hyuga, d’un gabarit équivalent au Dixmude. Les manœuvres du MV-22 sur le BPC sont, en tous cas, qualifiées de succès. On ne sait pas si le revêtement de pont a apprécié la très forte chaleur dégagée par les turbines mais le spot avant, le seul capable d’accueillir des machines très lourdes (les cinq autres sont conçus pour des hélicoptères d’une dizaine de tonnes comme le NH90 ou le Tigre), a parfaitement supporté les 22 tonnes de l’appareil américain. Ce qui n’a rien d’étonnant vu que le même spot avait reçu en avril 2012 un hélicoptère du type CH-53 Sea Stallion, une bête pesant jusqu’à 38 tonnes. L’opération a, quoiqu’il en soit, permis de renforcer l’interopérabilité des BPC avec les moyens mis en œuvre par les unités de projection de l’US Navy. S’il n’est pas question de baser des MV-22 sur les bâtiments français, ni même d’en acheter car la Marine nationale n’en a évidemment pas les moyens, une option supplémentaire a été ouverte pour répondre à d’éventuels besoins opérationnels (par exemple la projection d’une force américaine à partir d’un bâtiment français pré-positionné au large d’un objectif et servant alors de base arrière, ou encore récupération d’urgence…)

CH-53 Sea Stallion sur le Dixmude, en 2012 (© : MARINE NATIONALE)
Toujours bon pour l’affichage politique
Même si les cas de figure semblent limités, de telles opérations sont toujours bonnes pour l’affichage, surtout lorsque la nouvelle est annoncée le jour de l’arrivée aux Etats-Unis du président français pour une visite d’Etat de trois jours. Cela vient renforcer la communication façonnée autour de la coopération très étroite menée dans la région du Golfe, en décembre et janvier, par le groupe aéronaval du Charles de Gaulle et celui de l’USS Harry S. Truman. Des manœuvres conjointes au cours desquelles les appareils des deux porte-avions ont réalisés des échanges, un F/A-18 Super Hornet réalisant même ses premiers appontages et catapultages sur le Charles de Gaulle.

LCAC américain (© : US NAVY)
« Interopérabilité complète », ou presque…
Pour en revenir au Dixmude, on notera que la rencontre du BPC et du MV-22 Osprey a été annoncée via le nouveau site Internet de Cols Bleus, le « journal du parti » comme on dit chez les marins. Un vénérable outil de communication au service de la marine qui s’est tout de même un peu enflammé sur le sujet. Ainsi, après avoir rappelé les embarquements réussis d’engins américains sur coussin d’air (LCAC) à bord de BPC, l’article claironne fièrement, suite aux tests avec le MV-22 : « Le succès remporté par cette expérimentation confirme l’interopérabilité complète des bâtiments de la classe Mistral avec les moyens mis en œuvre par les groupes expéditionnaires américains ». A ceci près qu’un moyen majeur des ESG (Expeditionary Strike Group) de l’US Navy et de l’USMC est oublié : les avions à décollage court et appontage vertical, aujourd’hui l’AV-8B Harrier et bientôt le F-35B, que les Mistral sont incapables de recevoir. C’est d’ailleurs l’une des grandes raisons qui ont empêché la vente de BPC à l’Australie et la Turquie, deux pays ayant préféré le BPE espagnol, qui contrairement à son homologue français, est conçu pour embarquer les avions américains.

Un Harrier de l'USMC sur un porte-hélicoptères d'assaut américain (© : US NAVY)