Les négociations se poursuivent entre la France et l’Egypte, qui souhaite notamment renouveler ses moyens navals et aériens. Les objectifs initiaux du Caire étaient très ambitieux puisqu’en plus de l’accord portant sur l’acquisition de quatre corvettes lance-missiles du type Gowind 2500, conclu en 2014, il était non seulement question en fin d’année d’affermir l’option portant sur deux unités supplémentaires mais aussi, en complément, de l'achat de deux frégates multi-missions (FREMM), de 24 Rafale et de nombreux missiles. Le tout, pour un montant évalué à plus de 7 milliards d’euros.
Plusieurs scénarii étudiés ces dernières semaines
Ces dernières semaines, toutefois, plusieurs sources indiquaient que ce projet butait sur le prix, l’Egypte n’ayant actuellement pas les moyens d’acquérir d'un coup l’ensemble de ces matériels. Différentes options ont donc été étudiées, avec par exemple une réduction du lot de Rafale, le renoncement aux cinquième et sixièmes corvettes ou le report, voire l’abandon, de la commande d’une seconde FREMM.
D’après Les Echos, l’hypothèse portant sur un maintien des 24 Rafale mais une réduction des commandes de missiles et, surtout, l’acquisition d’une seule FREMM, serait le scénario sur lequel Paris et Le Caire s'entendraient finalement. La facture aurait, ainsi, été ramenée à 5 milliards d’euros, couverts selon le journal économique pour moitié seulement par la Coface. Une conclusion du projet, à commencer par le bouclage du montage financier, serait attendue dans les prochaines semaines.

Gowind 2500 (© DCNS)
Livraison de la première corvette prévue en 2017
Pour mémoire, il est prévu que la première Gowind sorte du chantier DCNS de Lorient en 2017, les trois unités suivantes devant être réalisées en Egypte via un transfert de technologie (et les deux dernières en France si elles sont affermies). Ces bâtiments de 102 mètres et 2700 tonnes de déplacement en charge, capables d’atteindre la vitesse de 26 nœuds, seront dotés de solides capacités de lutte anti-sous-marine, avec un sonar de coque Kingklip et un sonar remorqué Captas 2, un hélicoptère embarqué et des torpilles. Le reste de l’armement devrait comprendre des missiles antinavire Exocet MM40 et des missiles surface-air VL Mica, complétés par une tourelle de 76mm et de l’artillerie légère.

La FREMM Normandie (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La Normandie pour inaugurer le nouveau canal de Suez ?
Quant à la FREMM, si l’Egypte souhaite toujours disposer de sa nouvelle frégate pour l’été prochain, date prévue pour l’inauguration de l’élargissement du canal de Suez, il faudra prélever la Normandie sur le stock de la marine française. C’est, en effet, la seule possibilité permettant de répondre dans les temps à cette demande émanant dit-on du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien souhaitant que sa flotte dispose de son nouveau bâtiment amiral pour conduire une revue navale dans le « nouveau » canal.
Longue de 142 mètres pour un déplacement de 6000 tonnes, la Normandie, seconde FREMM française, devait être livrée fin 2014 à la Marine nationale. Mais elle ne l’a pas été, probablement dans l’attente d’un accord avec les Egyptiens. L’un des grands enjeux de ce projet de cession réside dans le calendrier. Si cette solution est actée, il faudra en effet pouvoir, dans des délais extrêmement courts, à la formation de l’équipage égyptiejn et à certaines modifications techniques, comme le débarquement des lanceurs de missiles de croisière et l’adaptation de certains équipements électroniques et des moyens de communication.

Les quatre frégates brestoises (© MARINE NATIONALE)
La marine française va manquer de frégates
Pour la Marine nationale, la perte temporaire de cette seconde FREMM est problématique en raison des tensions pesant sur une flotte de frégates réduite et vieillissante. Avec le retrait du service du Montcalm prévu l’an prochain, il ne resterait plus à Toulon qu’une frégate anti-sous-marine (au lieu de trois ces dernières années, le Dupleix ayant été désarmé en 2014), ce qui conduirait peut-être l’état-major à faire redescendre en Méditerranée l’une des trois dernières frégates brestoises du type F70. Mais alors, il ne resterait plus à la pointe Bretagne que deux unités de ce type et la première FREMM, l’Aquitaine, ce qui est fort peu pour assurer à la fois la protection de la force océanique stratégique, la surveillance des approches maritimes, les missions dans le grand nord et les déploiements dans d’autres régions du monde. En attendant la livraison des FREMM suivantes (la Provence doit arriver en fin d'année et la Languedoc en 2016), la marine serait probablement confrontée à un beau casse-tête opérationnel. La vente de la Normandie à l’Egypte présente néanmoins un avantage considérable pour le ministère de la Défense : elle permettrait de soulager momentanément un budget particulièrement contraint.

Rafale (© ARMEE DE L'AIR)
Un premier contrat export pour le Rafale
Quant au Rafale, il décrocherait son premier contrat à l’export, en attendant que la commande géante de l’Inde (126 avions, dont 18 à réaliser en France) soit conclue. Alors que les négociations se poursuivent avec New Delhi sur les aspects liés au transfert de technologie, il n’est pas inutile de rappeler que l’Etat mise sur l’export pour maintenir la cadence de production du Rafale, qui implique 500 entreprises et 7000 emplois dans le pays. En effet, faute de moyens financiers, il a été décidé, dans le cadre de la loi de programmation militaire, de réduire le rythme des livraisons au profit des forces françaises à partir de 2016. Ainsi, l’an prochain, il est prévu que Dassault Aviation ne livre plus que 6 avions à la France, au lieu de 11 habituellement. Le différentiel, soit 5 appareils, doit être assuré par des contrats exports. Jusqu’ici, Paris tablait sur des Rafale indiens mais, les discussions ayant pris du retard, pourquoi ne pas commencer avec des appareils égyptiens ? Il est d’ailleurs permis de se demander si, en cas de conclusion des deux commandes, soit 42 appareils à réaliser en France, l’Etat ne pourra pas maintenir plus longtemps (ou accentuer) une cadence réduite pour les forces tricolores et, ainsi, se dégager des marges de manœuvre financières.