Pour la première fois depuis longtemps, un porte-avions de l’US Navy ne va pas prendre le nom d’un ancien président américain. Ainsi, le quatrième Ford sera baptisé en l’honneur d’un matelot qui s’est distingué au combat : Doris Miller (1919-1943), premier afro-américain récipiendaire de la Navy Cross. Considéré aux Etats-Unis comme un héros de la seconde guerre mondiale et symbole de la communauté noire, il s’est illustré lors de l’attaque japonaise sur Pearl Harbor. Cuisinier à bord du cuirassé USS West Virginia (BB 48), il s’occupait du linge au petit matin du 7 décembre 1941 lors que les appareils nippons surgirent à Hawaii. Après avoir mis en sécurité plusieurs marins dont le commandant du cuirassé, Mervyn Bennion, mortellement blessé, et alors que le bâtiment était durement touché par les japonais et en proie aux incendies, Doris Miller prit ensuite place derrière une mitrailleuse et tira sur les assaillants jusqu’à épuisement des munitions. Cela, alors qu’il n’avait aucune expérience de la machine. Il reste à bord jusqu’à l’ordre d’évacuation générale, alors que l’USS West Virginia, qui a encaissé 7 torpilles, est dévasté. Les dégâts sont considérables et, sur 1541 membres d’équipage, on dénombre 105 morts, dont le commandant, et une cinquantaine de blessés. Un bilan qui aurait pu être beaucoup plus lourd si le bâtiment avait explosé et chaviré, comme l’USS Arizona. Mais alors qu’il avait pris une très forte gîte sur bâbord, là où les torpilles ont frappé, l’équipage parvient à remplir les ballasts sur le côté opposé et redresse le bâtiment, qui coule droit et se pose ainsi sur le fond. C’est ce qui permettra de le réparer et lui permettre de reprendre le combat en 1944.

L'USS West Virginia et au second plan l'USS Tennessee juste après l'attaque japonaise de Pearl Harbor (© US NAVY)
En 1942, plusieurs sénateurs proposèrent de décerner à Doris Miller la Medal of Honor, la plus haute distinction militaire, mais le secrétaire à la Marine d’alors, Knox, s’y opposa, décision qui fut à l’époque vue par beaucoup comme un acte de discrimination. Face à la polémique, le président Roosevelt décide finalement d’attribuer à Doris Miller la Navy Cross, décoration la plus élevée après la Medal of Honor. Elle lui fut remise par l’amiral Nimitz le 27 mai 1942 lors d’une cérémonie sur le pont du porte-avions USS Enterprise (CV 6).

Doris Miller (© US NAVY)
Doris Miller meurt l’année suivante. Affecté sur le porte-avions d’escorte USS Liscome Bay (CVE 56), il fait partie des 644 marins disparus lors du naufrage du bâtiment, torpillé par un sous-marin japonais le 23 novembre 1943 au large des îles Gilbert. En hommage à ce marin, un bâtiment avait déjà porté son nom, en l’occurrence une frégate de la classe Knox, l’USS Miller (FF 1091) mise en service en 1973 et désarmée en 1991.
Le futur USS Doris Miller (CVN 81) sera le quatrième porte-avions nucléaire de la classe Ford. Commandé début 2019, il doit être mis en service en 2032. La tête de série de ce programme, l’USS Gerald R. Ford (CVN 78) a été officiellement livré en juillet 2017 et poursuit sa mise au point et ses essais en vue d’un premier déploiement opérationnel en 2022. Son premier sistership, l’USS John F. Kennedy (CNV 79), a été mis à l’eau et officiellement baptisé le mois dernier au chantier Huntington Ingalls Industries de Newport News. Il doit être livré en 2022. Quant à la troisième unité de cette classe, le futur USS Enterprise (CVN 80), sa construction a débuté en août 2017 en vue d’une entrée en flotte en 2028.
L’USS Gerald R. Ford va succéder à l’ancien USS Enterprise (CVN 65), premier porte-avions à propulsion nucléaire américain, mis en service en novembre 1961 et retiré en décembre 2012. Puis, avec l’USS John F. Kennedy, débutera la succession des Nimitz, le CVN 79 allant remplacer le bâtiment tête de série de cette classe, l’USS Nimitz (CVN 68), opérationnel depuis 1975. Le futur USS Enterprise succèdera quant à lui à l’USS Dwight D. Eisenhower (CVN 69), en service depuis 1977, et le futur USS Doris Miller à l'USS Carl Vinson (CVN 70), opérationnel depuis1982.
Longs de 333 mètres pour une largeur maximale de 78 mètres et un déplacement d’environ 100.000 tonnes en charge, les nouveaux porte-avions américains sont conçus pour atteindre la vitesse de 30 nœuds. Ils seront armés par 4660 marins, incluant les équipes du groupe aérien embarqué, constitué de 70 avions, hélicoptères et drones, dont le nouveau F-35C.
Très automatisés, ces bâtiments sont notamment équipés de nouveaux réacteurs nucléaires, qui n’auront pas besoin d’être rechargés au cours de leur vie, ainsi que des premières catapultes électromagnétiques (EMALS), qui vont succéder aux équipements traditionnels à vapeur.