Une petite brise du large a soufflé au cœur de Bruxelles l’européenne. Devant les 350 élus locaux venus de toute l’Union pour siéger au Comité des Régions, Christophe Clergeau, conseiller régional des Pays de la Loire, a plaidé pour l’économie bleue. S’appuyant sur l’expertise de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes, il a présenté un avis d’initiative, adopté quasiment sans amendements, intitulé « une nouvelle étape pour la politique européenne de croissance bleue ».
Mobiliser l'Europe sur la question maritime
Pourquoi maintenant et pourquoi devant cette assemblée, voix consultative des régions auprès des institutions européennes dirigeantes que sont la Commission, le Parlement et le Conseil ? D’abord parce que, jusqu’à début juillet prochain, Malte assure la présidence de l’Union. Un des Etats les plus maritimes d’Europe, qui a déjà manifesté des velléités de relancer la politique maritime européenne : une déclaration a ainsi été adoptée le 20 avril dernier à La Valette par l’ensemble des ministres européens compétents. Il y a ensuite la Commission européenne qui, dans un rapport du 31 mars dernier sur l’économie bleue, identifie cinq domaines d’actions (énergie marines renouvelables, aquaculture, tourisme, biotechnologie, ressources des fonds marins) et des moyens pour les favoriser (utilisation des données, planification spatiale, protection de l’environnement, développement des compétences, sécurité, recherche). Elle met également en avant la pertinence de l’approche par bassin et l’absence de fonds dédiés à l’économie bleue, nécessitant dans le cadre d’instruction de projets « l’utilisation coordonnées des fonds de cohésion ».
Mettre l'économie bleue au sommet de l'agenda européen
De l’eau au moulin de Christophe Clergeau : « les marqueurs politiques sont au vert. C’est vraiment le moment de mettre l’économie bleue au sommet de l’agenda européen. On est parti de loin, ce n’est qu’il y a cinq ans qu’on a commencé à affirmer une ambition économique pour la mer. Désormais il faut poursuivre. La mer doit être traitée au plus haut niveau, avec par exemple, la création d’un premier vice-président de la Commission européenne et une commission dédiée au Parlement européen ». L’élu appelle de ses vœux un nouveau Livre Blanc, « avec des outils concrets et une cohérence globale ». « En 2019, il y aura les élections européennes, il faut que la mer puisse d’ici là devenir un sujet majeur, pris en compte ».

(COMITE DES REGIONS)
Pour cela, Christophe Clergeau et Damien Périssé, directeur en charge des affaires maritimes à la CRPM, ont choisi d’apporter des propositions dans le cadre de ce rapport d’initiatives. Avec, comme nouveau relais de gouvernance, l’échelon régional. « Un territoire maritime organisé et cohérent est le socle de l’économie bleue », rappelle ainsi leur texte et qu’à ce titre « les régions doivent être partenaires de l’Union Européenne pour investir dans l’économie bleue ».
Les régions doivent intégrer l'économie bleue dans leur stratégie
C’est ainsi que le rapport propose, pour donner « une nouvelle impulsion à l’investissement dans l’économie bleue, que soit jointe aux stratégies de spécialisation intelligente et aux programmes opérationnels (des collectivités locales de l’Union européenne) une annexe dédiée à l’économie bleue, permettant de présenter l’impact des orientations retenues sur les questions maritimes et d’assurer le suivi des projets correspondants ». En résumé, il s’agit de rappeler aux régions européennes maritimes qu’elles ont un rôle à jouer dans l’économie bleue.
« Il faut que les régions se mobilisent elles-mêmes, qu’elles expriment à leur échelle une stratégie maritime, pas une région côtière européenne ne doit oublier l’économie bleue », souligne Christophe Clergeau. Et pour cela, l’élu sait bien que l’Union dispose de moyens pour les accompagner, notamment sur le plan financier, le nerf de la guerre pour aider les industries locales dans l’innovation et la recherche, en particulier dans les nouveaux secteurs de l’économie bleue, comme par exemple les énergies marines renouvelables.
Les régions comme relais pour identifier et financer les projets
Alors il propose que « les communautés locales des îles et territoires littoraux puissent mobiliser l’ensemble des fonds européens, dont le FEAMP pour financer dans un cadre unique leurs stratégies de développement maritime en s’inspirant du programme Leader ». Une « décentralisation » du cofinancement européen que Christophe Clergeau souhaite également voir davantage en matière d’investissement dans des projets innovants. Il préconise ainsi que les régions mettent en place des plateformes maritimes d’accompagnement et de financement de projets, notamment dans le cadre du plan Juncker. Ce dernier, qui entre dans sa deuxième phase (2017-2020), prévoit l’allocation de près de 500 milliards d’euros pour accompagner, via des garanties, des investissements privés, à commencer par les secteurs innovants.

(COMITE DES REGIONS)
« La Commission européenne, dans le cadre du plan Juncker, a besoin d’identifier de bons projets et nous, localement, nous avons plein d’acteurs industriels, PME, start-up qui peuvent y être éligibles », souligne-t-il. D’où la pertinence, selon lui, d’un relais territorial, qu’il soit régional ou interrégional, pour faciliter l’identification des projets, y compris pour les plus petites entreprises. Le rapport propose donc la mise en place de « plateformes », « dispositifs de repérage des projets, d’appuis à leur concrétisation et de mobilisation des outils financiers locaux, nationaux et européens ».
Créer un nouvel outil d'investissement dédié
Dans le cadre de ce qu’il appelle le plan Juncker 2.0, Christophe Clergeau propose également la création d’un mécanisme/fonds d’investissement européen avec deux modalités d’intervention complémentaires : le financement direct au niveau européen de projets structurants et risqués (comme par exemple les premières phases de commercialisation de projets dans les EMR) et la constitution de fonds d’investissement régionaux alimentés par les fonds européens et par les partenaires locaux.
Ces propositions du rapport, et toutes les autres du texte très complet en matière de perspectives de l’économie bleue, vont désormais être transmises aux instances dirigeantes, auprès desquelles le Comité des Régions est un lobby institutionnel respecté. Pour qu’elles deviennent concrètes, il ne faudrait, sans doute, pas de grandes modifications textuelles : les fonds de la BEI du plan Juncker peuvent, sur le papier, déjà être mobilisés au niveau régional. Sur le terrain, il est intéressant de rappeler que ce sont déjà les assemblées régionales qui arbitrent l’instruction des dossiers cofinancés par l’Union européenne. Mais, dans la parfois très terrienne Europe, il est souvent nécessaire de redonner un peu d’air du large. Et de peut-être espérer une impulsion claire, concrète et traduite dans des textes, d’une nouvelle ambition maritime commune.