L'archipel français de Saint-Pierre-et-Miquelon, en Atlantique Nord, a suivi un calendrier un peu différent de la métropole dans le cadre de la pandémie du Covid-19, qui n'a touché pour le moment qu'une seule personne (guérie) sur ce territoire comptant un peu plus de 6200 habitants. Mer et Marine a fait le point avec Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre.
MER ET MARINE : Comment s’est passé le confinement et sa sortie progressive sur l'archipel ?
KARINE CLAIREAUX: C’est à partir du 16 mars, comme partout ailleurs que la population a été confinée et les déplacements extrêmement limités (travail, achats indispensables et santé). Les commerces, les entreprises et les administrations ont été fermés sauf les commerces d’alimentation, le centre hospitalier, les services d'eau et de gestion des déchets. Les attestations sont indispensables pour se déplacer. Les liaisons inter-îles (entre Saint-Pierre et Miquelon), que ce soit par bateau ou par avion, diminuent et sont strictement limitées aux déplacements professionnels indispensables.
A partir du 21 mars, l’archipel est « dans une bulle », il s’isole du reste du monde avec des vols très limités (les personnes ne sont autorisées à voyager que pour des raisons de santé, les personnes parties de l’archipel avant la crise peuvent également revenir) et un avion à mi-capacité. Il n’y a, à ce moment-là, plus aucune liaison maritime de passagers avec le Canada. Et toute personne arrivant sur l’archipel doit effectuer une quatorzaine en confinement strict soit dans une chambre d’hôtel, soit à domicile si elle vit seule. Le Canada rend obligatoire le port du masque le 20 avril dans les transports donc toute personne quittant l’archipel se verra refuser l’embarquement au départ de l’avion si elle n’a pas de masque.
Un déconfinement individuel « séquencé et prudent » est annoncé par la préfecture le 26 avril pour la période du 27 avril au 7 mai : il se traduit par une réouverture progressive des commerces, entreprises et administrations à partir du 4 mai et la reprise de l’écoles les 4, 5 et 6 mai selon le niveau. A partir du 8 mai, la plaisance peut reprendre et les bateaux passagers inter-îles aussi.
La deuxième phase du déconfinement intervient du 11 au 31 mai, donc est en cours avec la réouverture progressive des bibliothèques, musées, établissements de plein air, restaurants puis, début juin, salle de spectacle, bars et établissements sportifs si aucun cas n'est découvert d'ici là. Jusqu’au 22 mai les bateaux ne peuvent prendre que la moitié des passagers autorisés en temps normal.
La pandémie a-t-elle eu un Impact sur le ravitaillement de l'archipel et le déplacement des personnes?
Aucun sur le transport des marchandises par bateau pour le ravitaillement. En ce qui concerne le transport aérien, il y eu une diminution du nombre de vols, ce qui a entraîné des difficultés sur le trafic postal compte tenue de la diminution des vols entre Saint-Pierre-et-Miquelon vers le Canada mais aussi des vols internationaux entre l’Europe et l’Amérique du Nord.
Pour les personnes, il n' y a aucune possibilité de se rendre au Canada par bateau. Par avion, les voyages sont drastiquement limités aux « évacuations sanitaires » et aux retours des personnes parties avant la crise. Un avion ATR 42 effectue une rotation seulement tous les 15 jours et vole à la moitié de sa capacité de remplissage pour la distanciation sociale.
Quelles sont les perspectives pour les semaines à venir? Y-a-t-il des difficultés à attendre notamment en raison de la continuation du confinement au Canada ?
A priori non, nous sommes encore en train d'organiser le rapatriement de nos étudiants. Ceux qui étaient au Canada sont arrivés mardi et sont tous en quatorzaine stricte dans un hôtel de la ville, sous surveillance. Ceux qui sont en métropole, pour une première « vague » feront leur quatorzaine regroupés dans un hôtel à Roissy et seront rapatriés avec l’organisation d’un « couloir sanitaire » qui les ramènera ici par un vol direct entre Paris et Saint-Pierre. Il n’y a normalement pas de risque d’interruption du transport des personnes, car à partir du moment où les passagers aériens restent en transit à l’aéroport de Montréal (moins de 8 heures), la liaison est possible vers l’archipel.
Pour le fret maritime, l’équipage ne débarque pas à Saint-Pierre lors de l’escale, donc il ne devrait pas y avoir de risque à ce niveau là non plus.
Le fait d’avoir isolé l’archipel a porté ses fruits mais nous savons tous que ce n’est que temporaire. L’important était de protéger la population jusqu'à ce que, soit la métropole d’un côté, soit le Canada de l’autre, soient en mesure de prendre le relais du centre hospitalier local en cas d’affluence de malades et de besoins importants en réanimation.
Propos recueillis par Caroline Britz, mai 2020 © Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs.