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C’est demain, à Nantes, que débute la 10ème édition des Assises de l’Economie de la mer. Pendant deux jours, rencontres, conférences et discours vont s’enchainer en présence de tous les grands acteurs du secteur. Avec une participation record attendue, puisque plus de 1600 participants devraient être réunis. La présence gouvernementale sera assurée, notamment, par le premier ministre. Manuel Valls, qui inaugurera mardi matin la nouvelle usine de production d’éoliennes offshore à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, fera à la mi-journée un grand discours à la cité des Congrès de Nantes. Une intervention au cours de laquelle différentes annonces devraient intervenir. L’espoir est d’autant plus grand qu’un important travail a été réalisé ces derniers mois entre les ministères et les professionnels de la mer, comme le confie le président du Cluster Maritime Français : « Le travail avec le gouvernement, et en particulier avec Matignon, a été très intense depuis l’été. Le premier ministre, qui coordonne via le Secrétariat général de la mer la politique maritime de la France, semble avoir personnellement à cœur que les choses se fassent et, pour cela, de descendre en profondeur et de façon très professionnelle dans les dossiers. Nous avons, ces dernières semaines, multiplié les séances de travail et il y a eu de nombreuses réunions interministérielles sur les sujets maritimes. En fait, nous avons eu l’équivalent d’un Comité ministériel de la mer, voire plus. Dans ces conditions, on peut espérer que la montagne n’accouchera pas d’une souris ». Francis Vallat se dit « confiant », mais reste vigilant et attend des actes. « Nous avons été très clairs avec les politiques. Les annonces qui ne sont pas suivies d’effet ça ne marche plus. C’est pourquoi nous attendons des engagements et des décisions concrètes, ainsi qu’une accélération du rythme car certains dossiers n’ont que trop trainé ».

 

Application des lois sur la piraterie et le transport pétrolier

 

De nombreux sujets sont, ainsi, sur la table. Dans le domaine du transport maritime, les armateurs attendent par exemple la finalisation de l’application des lois autorisant l’embarquement de gardes privés pour protéger les navires contre les pirates. Idem, pour les textes réformant la loi de 1992, qui réserve une partie du transport de pétrole brut au pavillon national et va être étendue au transport de produits raffinés. « Ces mesures, réclamées depuis longtemps, doivent rapidement être mises en œuvre, ce qui signifie qu’une fois les lois votées, il ne faut pas tarder à publier les décrets et arrêtés d’application. Avec les armateurs et les pêcheurs, nous souhaitons une mise en œuvre des nouveaux dispositifs début 2015 pour la piraterie et à l’été 2015 pour la réforme de la loi de 92 », précise Francis Vallat.

 

Financement des navires et exonération des plus-values de cession

 

Toujours dans le domaine du transport maritime, des discussions sont en cours pour soutenir le financement des nouveaux navires. « C’est une question délicate car les banques se sont peu ou prou retirées du shipping, qu’elles considèrent depuis la crise comme un investissement risqué. Nous attendons notamment une sensibilisation aux particularités du transport maritime de la Banque Publique d’Investissement, avec des instruments adaptés, ainsi que par exemple la mis en place d’un fonds spécialisé ».

Sur le plan fiscal, les professionnels du transport maritime demandent le retour à la non taxation des plus-values sur les cessions de navires. « Ce régime existe dans la quasi-totalité des grands pays maritimes. Dans le shipping, l’évolution de la valeur des actifs est très importante, très fluctuante et il faut aider les armateurs à gérer au mieux leur activité en supprimant la taxation sur les plus-values de cession, une mesure pour laquelle le Cluster soutient activement Armateurs de France ».

 

Le casse-tête de la taxe portuaire

 

Concernant les ports, le sujet brûlant du moment est celui de la taxe foncière. Pour faire simple, suite à une loi datant de 1942, les ports en étaient dans les faits exonérés, avantage fiscal que le Conseil d’Etat a récemment remis en cause. « C’est un énorme problème car, même si les situations sont différentes suivant les ports, cela peut représenter des sommes considérables et, tout bonnement, remettre en cause le modèle économique portuaire », assure le président du CMF, qui reconnait que « ce dossier  est extrêmement complexe ». « Il faut soit modifier la loi, soit trouver un moyen de compenser le manque à gagner pour les acteurs portuaires concernés ».

 

EMR : une indispensable simplification administrative

 

Dans le domaine des énergies marines renouvelables, qui doit se traduire par l’émergence d’une nouvelle filière industrielle innovante et pourvoyeuse de nombreux emplois, les revendications du secteur quant à la simplification des procédures administratives demeurent inchangées. Elles sont portées par le Syndicat des Energies Renouvelables (SER). « Il faut absolument aboutir au concept d’autorisation unique pour simplifier le parcours administratif, sans oublier la question cruciale des recours, qu’il s’agisse des délais ou de l’intérêt pour agir des personnes qui les formulent. Les procédures sont aujourd’hui extrêmement longues et un recours peut, dans certains cas, tout bloquer pendant des années, de l’ordre de 7 ans, ce qui est insupportable pour les industriels. En effet, quand on investit plusieurs milliards d’euros dans un parc éolien, il est impossible d’avancer sans visibilité. Comme cela a été fait dans d’autre filières, comme le nucléaire, il est donc nécessaire de réduire le nombre de niveaux judiciaires et de mieux encadrer les recours ».

 

Evolution du cahier des charges pour les projets éoliens

 

Les professionnels attendent, par ailleurs, des annonces officielles quant au troisième appel d’offres sur l’éolien offshore. « Il faudrait une visibilité sur son déroulé : quand il sera lancé, quels sites seront concernés et quelles modifications seront apportées par rapport aux cahiers des charges des deux premiers appels d’offres », précise Francis Vallat. Les évolutions envisagées pour les futurs cahiers des charges portent, notamment, sur l’amélioration de la phase préliminaire, celle qui permet en amont d’analyser les risques inhérents à de tels projets, de réduire l’impact de ces risques. Des études qui pourraient être confiées à des experts compétents, qu’il s’agisse d’établissements publics ou d’acteurs privés, afin d’évaluer au plus juste le coût réel des futures installations. Avec, comme objectif, de réduire le coût du kw/h.

 

Lancement de sites expérimentaux pour l’hydrolien et l’éolien flottant

 

Toujours au chapitre des énergies marines renouvelables, alors que des annonces imminentes sont attendues concernant le résultat des appels à manifestation d’intérêt portant sur l’implantation de fermes hydroliennes pilotes dans les zones du Fromveur (Finistère) et du Raz Blanchard (Cotentin), les acteurs de l’éolien flottant espèrent qu’un calendrier de développement de sites expérimentaux sera annoncé au premier semestre 2015.

 

Exploitation des grands fonds : des choix à faire ?

 

Parmi les autres grands dossiers maritimes en suspens, il y a également celui de la mise en valeur des grands fonds. Un sujet complexe mais stratégique à terme pour la France, qui  a « réservé » une parcelle sur la dorsale atlantique et dispose à la fois du second espace maritime mondial (avec, à la clé, un fort potentiel en matière de ressources naturelles) et de leaders professionnels mondiaux et reconnus dans tous les métiers concernés. « Nous avons besoin au minimum qu’un décret précisant les règles de recherche et d’exploration pour les grands fonds sorte au plus tard au premier trimestre », souligne le président du Cluster. Ce décret ouvrirait la voie à l’attribution des premiers permis. Plusieurs projets sont actuellement à l’étude. Si l’exploitation des richesses potentielles de la dorsale atlantique constitue un projet à long terme, celle des mélanges sulfurés autour de Wallis et Futuna, ainsi que des nodules polymétalliques dans les fonds marins de Clipperton sont envisageables plus rapidement. Mais tout cela réclamera de forts investissements et il faudra peut être faire des choix. « Pour être honnête, nous croyons plus aujourd’hui aux mélanges sulfurés qu’aux nodules et, comme les moyens de l’Etat sont limités, s’il le faut, il conviendra d’envisager de concentrer les efforts sur les ménages sulfurés ». L’engagement aussi bien règlementaire que financier des pouvoirs publics est, en tous cas, présenté comme crucial par le patron du CMF. « La prochaine campagne d’exploration à Wallis et Futunua est estimée à 21 millions d’euros. Les industriels français sont prêts à prendre à leur charge la moitié de cet investissement. La question est maintenant de savoir si l’Etat voudra prendre sa part, sous forme financière et/ou au moins partiellement, par la mise à disposition de moyens, par exemple au travers de prestations de l’Ifremer. Si ce n’est pas le cas, les porteurs de ce projet écouteront peut être des sirènes étrangères, les Allemands nous ayant par exemple déjà fait part de leur intérêt ».

 

Augmenter les efforts de R&D pour la construction navale

 

Au niveau de la construction navale, la filière appelle quant à elle à accroître les efforts de recherche et de développement, qui seront l’une des clés du maintien de la compétitivité du secteur. En plus des crédits qui seront dégagés dans le cadre notamment des investissements d’avenir, « les grands organismes de recherche publics doivent s’approprier les feuilles de route du CORICAN et consacrer une partie de leurs moyens à la construction navale ».

 

Développer une filière de l’aquaculture

 

Les professionnels de l’Aquaculture, eux-aussi, attendent que le gouvernement passe à l’action. « 80% des produits de l’aquaculture consommés en France sont importés. Ce n’est pas normal car la France est merveilleusement placée et peut s’appuyer sur des professionnels de qualité. Et cela peut représenter beaucoup d’emplois. Le problème est qu’il y a des conflits d’usage à n’en plus finir et surtout un manque de vision et de vision et d’engagement de l’Etat. Nous n’avons pas eu l’ombre d’un commencement de réalisation des annonces politiques intervenues depuis 10 ans sur le sujet. Cela ne peut plus durer et il faut avancer sur ce dossier maintenant, par exemple en adoptant des schémas d’aménagement régionaux et d’autres mesures connues depuis longtemps », ajoute Francis Vallat.

 

Le CNML et l’Agence des aires marines protégées

 

Sur le plan institutionnel, plusieurs dossiers sont à l’ordre du jour. Le CMF réclame notamment que le Conseil national de la mer et du Littoral se réunisse plus souvent et que ses avis soient considérés et pris en compte. « Le CNML ne s’était par exemple pas montré favorable à la fusion de l’Agence des aires marines protégées avec l’Agence pour la biodiversité car l’expérience a montré que lorsque l’on mélangeait la mer et la terre, la mer n’était jamais suffisamment prise en compte. Mais la fusion a quand même été décidée ». A ce sujet, après avoir perdu cette première bataille, les acteurs maritimes continuent de se battre pour que la nouvelle agence ait un caractère et une spécificité maritimes affirmés. « Nous demandons que les enjeux maritimes soient bien identifiés et qu’un directeur général délégué soit nommé pour gérer ces sujets, avec bien entendu des moyens à la hauteur de sa charge ».

 

Eviter la disparition du BP2S

 

Le Cluster Maritime Français et ses adhérents sont également mobilisés pour sauver le bureau de promotion du short sea shipping (BP2S), menacé de disparition pour cause de restrictions budgétaires. « Ce bureau de promotion du transport maritime à courte distance a été créé sous l’impulsion des pouvoirs publics, qui devaient financer la moitié de son coût de fonctionnement. Mais cela fait longtemps que ce n’est plus le cas. C’est un outil très utile que nous espérons sauver. Pour cela, l’Etat doit apporter un soutien financier minimum afin que le BP2S puisse poursuivre son action ».

 

Maintenir l’aide des collectivités à la SNSM

 

Enfin, parmi les autres combats majeurs du moment, on évoquera celui de la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM). Cette association de loi 1901, forte de 7000 bénévoles, assure une grande part des opérations de sauvetage le long du littoral français, avec plus de 7600 personnes secourues en mer et 19.000 autres soignées sur les plages en 2013. La SNSM tire une grande partie de ses revenus de fonds privés (dons, legs, mécénat). Mais le soutien public demeure indispensable pour renouveler ses moyens matériels. Or, avec la disparition de la clause de compétence générale des collectivités locales, envisagée dans le cadre de la réforme territoriale, les subventions, notamment celles des Conseil généraux, pourraient se tarir. « Même si la part des subventions publiques a baissé dans son budget ces dernières années, ces aides sont vitales pour la SNSM afin que celle-ci puisse financer ses équipements et la formation des sauveteurs. C’est pourquoi nous souhaitons une exception pour que les collectivités locales puissent continuer de donner à la SNSM. Et, en plus, il fait dégager quelques petits millions d’euros chaque année, moins de deux millions en fait, pour sauver près de 8000 personnes, ce n’est vraiment pas grand-chose. Surtout que, si la SNSM n’était plus en mesure de remplir ses missions, l’Etat devrait y remédier avec ses propres moyens, ce qui coûterait beaucoup plus cher », conclue le président du CMF. 

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