La loi Littoral a freiné le bétonnage de nos côtes. Mais ces dernières pâtissent « d'un affrontement stérile entre protection et aménagement ». Odette Herviaux, sénatrice socialiste du Morbihan, préconise de toiletter la loi. Et surtout de redonner le pouvoir aux élus locaux. Explications.
Décentraliser la loi Littoral, redonner le pouvoir aux élus locaux et régionaux : c'est ce que préconisent, dans un rapport rendu public hier, deux sénateurs, Odette Herviaux, élue socialiste du Morbihan, et Jean Bizet, élu UMP de la Manche.
Tous deux mettent en avant leur mesure phare : la création de chartes régionales d'aménagement du littoral (Cral), ce qui permettrait de confier l'interprétation de la loi aux élus locaux. Ils rédigeraient « un document simple », déclinant l'interprétation des dispositions particulières au littoral du code de l'urbanisme.
« Aujourd'hui, l'administration refuse toujours de faire confiance aux élus locaux », déplorent Odette Herviaux et Jean Bizet. Attention, pas question de faire n'importe quoi. La charte, basée sur le volontariat, ne serait adoptée qu'après avoir reçu la bénédiction du Conservatoire national de la mer et du littoral, « un garde-fou impartial ». « La charte permettrait de ne pas laisser les élus face au pouvoir du juge qui est devenu, de fait, le législateur des lacunes de la loi », estime Jean Bizet.
« Elle souffre de l'imprécision de ses dispositions »
C'est clair : il ne s'agit pas de faire exploser la loi Littoral, mais de la « toiletter ». « Nous ne voulons pas être taxés de jeter la loi aux orties ! » insiste Odette Herviaux. La loi Littoral, votée il y a près de 30 ans, a « incontestablement et heureusement freiné le bétonnage de nos côtes », soulignent les rapporteurs mais « elle souffre de l'imprécision de ses dispositions ». Ce qui a généré de multiples contentieux « dans lesquels le juge s'écarte parfois de la volonté du législateur et fait prévaloir la dimension environnementale sur toute autre considération », souligne le rapport. La vision de développement durable du littoral a disparu. « Le littoral pâtit d'un affrontement stérile entre protection et aménagement, qui fige le développement des territoires concernés », selon les sénateurs. D'après eux, les problèmes restent concentrés sur quelques départements comme la Manche et le Var. En Bretagne aussi, il y a quelques soucis.
Selon les rapporteurs, la population de départements littoraux devrait croître de 19 % entre 2007 et 2040, contre 13 % dans le reste de la métropole. « Il est donc nécessaire de poursuivre intelligemment le développement du littoral, disent-ils, ne serait-ce que pour accueillir les touristes dans de bonnes conditions. »
Les déséquilibres ne manquent pas entre communes du même littoral, les unes se sont beaucoup urbanisées, les autres ont choisi de préserver le littoral. Odette Herviaux aime à citer un maire corse : « Les grosses grossissent et les maigres maigrissent ».
Renforcer le volet économique de la loi
C'est aussi pour cela que les deux sénateurs préconisent de renforcer le volet économique de la loi. Cela passe par la mise en place d'un lissage de la rente foncière, et surtout l'introduction de la solidarité financière et fiscale entre les communes littorales.
Que vont devenir ces propositions ? « Il faut les transcrire dans la loi. On attend l'acte 3 de la décentralisation. C'est la solution », selon Odette Herviaux. Elle espère trouver des alliés à l'Assemblée. Elle sait que la partie n'est pas gagnée.
Un article de Catherine Magueur, de la rédaction du Télégramme