Pêche, réparation navale, commerce... les ports bretons ont une activité diversifiée qui forme un pilier fondamental de l'économie régionale. La région Bretagne, désormais propriétaire des ports de sa côte, entend désormais mettre en place une gouvernance unifiée pour éviter les concurrences inutiles et standardiser certaines procédures.
Pierre Karleskind, vice-président de la Région en charge de la mer, revient sur cette nouvelle donne que la Région est en train de mettre en oeuvre.
MER ET MARINE : Suite à l’entrée en application, le 1er janvier dernier, de la loi NOTRe , la région Bretagne est désormais propriétaire de 22 ports. Qu’est ce que cela implique pour l’échelon politique régional ?
PIERRE KARLESKIND : En Bretagne, 19 ports ont été transférés des départements vers la Région, qui était déjà responsable des ports de Brest, Saint-Malo et Lorient. Ces nouveaux ports apportent avec eux des activités diverses : pêche, commerce, construction et réparation navale. A la Région, il nous a donc semblé pertinent d’entamer une réflexion, par typologie de port, pour savoir comment nous pouvions envisager l’avenir de manière concertée. En tant qu’autorité portuaire régionale, nous voulons avoir vocation à coordonner le développement des territoires et à éviter, notamment, que les ports entrent dans des concurrences inutiles entre eux. Les ports bretons doivent au maximum travailler ensemble.
Comment cela se traduit-il concrètement ? Pour le trafic de commerce par exemple, où la Bretagne possède trois ports principaux (Brest, Lorient, Saint-Malo) et des ports de plus petites tailles (Roscoff, Le Légué) ?
Chacun de ces ports a des spécificités. Roscoff est central pour le trafic transmanche, et doit être coordonné avec Saint-Malo. Le Legué connaît un développement intéressant de son trafic « bois ». Partout, l’idée est de pouvoir proposer une « offre bretonne » aux chargeurs et aux clients. Que chacun qui veuille importer ou exporter depuis la Bretagne puisse trouver facilement une solution logistique qui transite par un de nos ports, au plus près ou au plus pratique. Il faut absolument rétablir davantage de flux maritime de cabotage et réduire le nombre de marchandises qui sont acheminées par camions depuis ou vers les ports comme Anvers ou Le Havre. Il faut donc que les ports bretons puissent présenter une offre solide et cohérente qui corresponde aux besoins de l’économie de notre territoire.
La Région Bretagne n’est que propriétaire, et non pas opérateur de ces ports, comment, dès lors, comptez vous agir ?
La question n’est pas celle de la propriété, mais du rôle d’autorité portuaire de la Région, à ce titre responsable de la stratégie de long terme de chacun de port. Cette stratégie prend corps dans les investissements, dans la gestion du domaine et dans les contrats signés avec les futurs concessionnaires des ports de commerce. Nous l’avons déjà fait avec Saint-Malo il y a quelques semaines. Le contrat de concession va fixer des objectifs, notamment commerciaux aux ports. Nous allons y inscrire la nécessité pour les concessionnaires de mettre en place une stratégie d’attrait, précisément pour capter davantage de trafics maritimes. Les contrats de concessions sont actuellement en cours de renouvellement, c’est donc le moment idéal pour mettre en place ces nouvelles dispositions « commerciales ».
La Bretagne compte également un grand nombre de ports de pêche, avec chacun ses spécificités de flottilles et de pêcheries. Six d’entre eux possèdent des halls à marée et on compte près d’une trentaine de points de débarque. Comment, dès lors, la Région peut-elle envisager une politique qui puisse embrasser, voire coordonner, des économies locales qui paraissent différentes ?
En effet, la pêche bretonne est diversifiée et c’est aussi ce qui en fait sa richesse. Il n’est pas question pour nous d’uniformiser l’économie de la pêche ou de la rationaliser. Avec les conseils départementaux des Côtes d’Armor et du Finistère, qui gèrent respectivement les ports de Saint-Quay-Portrieux, d’Erquy et ceux de Cornouaille, nous souhaitons bien entendu maintenir l’ensemble des points de débarque et les halles à marée. Ce sont des outils d’économie territoriale indispensables.
Ce que nous pouvons, en revanche faire, c’est travailler sur une mise en réseau et une uniformisation des bonnes pratiques. Un rapport de France Agrimer de 2016 pointait de nombreux points d’amélioration dans le traitement et la valorisation des produits de la mer. L’échelon régional peut servir à une mise en commun puis une standardisation de méthodes de valorisation à la pointe. Il faut également que les criées puissent fonctionner en réseau, de manière à pouvoir facilement faire circuler les produits entre les ports bretons. Pour ces chantiers et pour les autres, nous avons choisi de créer un groupement d’intérêt public (GIP) baptisé « Pêche de Bretagne ». Ce sera l’enceinte dans laquelle nous allons mettre en œuvre, aux côtés des acteurs locaux, ces nouvelles méthodes.
La Bretagne, c’est aussi la réparation et la construction navale. On connaît la rivalité de certaines places portuaires entre elles à ce sujet. Peut-on réellement envisager une politique de coordination dans ce domaine ?
Il le faut. Nous ne pouvons continuer à voir nos ports se faire la guerre entre eux. Les enjeux sont européens voire mondiaux dans ce domaine et, la Bretagne a démontré son savoir-faire. Pour être plus forts encore, , nous devons être capables de présenter une offre cohérente. La Région a beaucoup investi dans la réparation navale, à Concarneau, à Brest et à Lorient pour doter ces places de moyens de manutention appropriés. L’enjeu est maintenant de poursuivre ces efforts de modernisation, dans le cadre de partenariat avec les entreprises elles-mêmes, pour renforcer la compétitivité de nos chantiers. Pour cela, il faudra jouer la carte de la complémentarité des capacités et des savoir-faire. Le mouvement est déjà engagé, à l’image de la future Interprofession Bretagne Sud, qui voient les professionnels de Lorient et de Concarneau unir leurs forces. Il faut continuer dans ce sens et la Région s’y emploiera.
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Propos recueillis par Caroline Britz, © Mer et Marine, juin 2017