« Cela fait très longtemps que nous n’avons pas inauguré d’usine dans le groupe Alstom. Je suis content que nous le faisions à Saint-Nazaire, là où, il y a quelques années, nous avons construit les plus beaux bateaux du monde ». Patrick Kron, président d’Alstom, ne boudait pas son plaisir, hier, lors de l’inauguration des nouvelles usines de son groupe sur le port de Montoir-de-Bretagne, en présence du premier ministre Manuel Valls, de la ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie Ségolène Royal et du secrétaire d’Etat aux Transports Alain Vidalies.

Patrick Kron, président d'Alstom, Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports, Manuel Valls, Premier ministre et Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie (MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)
19.000 m2 dédiés à l’assemblage des nacelles des futures éoliennes Haliade 150, qui équiperont notamment les champs éoliens offshore français de Guérande, Courseulles et Fécamp, remportés par le consortium mené par EDF-EN. C’est déjà à Saint-Nazaire, dans un atelier provisoire, que le prototype de la machine de 6 MW a été construit. Une version « terrestre » est en test sur le site du Carnet, juste de l’autre côté de la Loire, une « marine » subit déjà les conditions réelles au large de la Belgique.

Haliade 150 (ALSTOM)
« La production va démarrer en février 2015. Notre dimensionnement va permettre de sortir 100 machines par an ». 300 personnes vont travailler sur ces nouvelles lignes dont le fonctionnement a été particulièrement optimisé : une grande porte donne directement sur le quai de la Loire, puisque les matières premières, notamment les grosses pièces de fonderie, vont arriver par la mer. Les nacelles, qui une fois assemblées pèsent 400 tonnes, vont également repartir par la mer.

Chargement d'une nacelle (ALSTOM)
La production est organisée en deux compartiments – d’où la notion de deux usines, qui sont en fait sous le même toit. D’un côté, ce sont les moyeux et le support de la nacelle qui seront pré-assemblés, de l’autre le générateur à aimant permanent. Les composants seront ensuite amenés sur coussin d’air vers la ligne de production centrale où le générateur sera soulevé et installé dans la nacelle. Des bancs de test se trouveront en bout de chaîne permettant, entre autres, de vérifier l’étanchéité de la machine.

Une future nacelle (MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)
Moyeux d'éoliennes (MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)
Outil de levage des nacelles (MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)
Une fois assemblées, les pièces « nazairiennes » rejoindront les hubs logistiques à proximité des champs offshore de leurs clients. Elles y retrouveront les pales et les mâts qui seront, pour leur part, produits dans les futures usines Alstom de Cherbourg. L’assemblage final s’effectuera en mer.
La première machine à sortir des usines de Saint-Nazaire, en octobre 2015, ne sera pas française. Elle sera américaine, la première d’une série de cinq éoliennes commandées par la société Deepwater Wind pour être installées au large de l’Etat du Rhode Island en 2016. Avant les 270 qui équiperont les champs français.

Vue d'artiste de la future chaîne de production (ALSTOM)
« Haliade, c’est l’innovation. Et l’innovation c’est l’ADN d’Alstom », s’enthousiasme Patrick Kron. « Nous avons fait un gros effort de R&D pour la développer, à 100% en interne, pour répondre aux objectifs de fiabilité et d’amélioration de la compétitivité imposés par ce nouveau secteur ». Parti de l’éolien terrestre, l’industriel a progressivement intégré cette nouvelle culture marine en faisant des choix technologiques audacieux : « nous avons choisi, il y a quatre ans, la technologie Converteam d’aimant permanent. Cela fonctionne et pourra nous être utile pour l’avenir ». Converteam appartient désormais à General Electric, avec qui Alstom va former une co-entreprise, à 50-50, pour la gestion du marché de l’énergie éolienne. Dont le siège et la R&D se trouveront à Nantes.
En tout, entre la Loire-Atlantique et Cherbourg, près de 1000 emplois vont être crées par cette nouvelle filière. « Nous avons choisi nos implantations en raison de leur accessibilité, de la qualité de leur tissu industriel et de leur réseau de sous-traitants. Ce dernier point est décisif. Alstom achète à peu près la moitié de ce qu’il vend, il nous faut donc un vaste réseau de partenaires, de la chaudronnerie à l’électronique, pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions ».

(ALSTOM)
A Saint-Nazaire, l’industriel a trouvé un environnement très favorable. Tant d’un point de vue industriel « nous avons consulté près de 500 entreprises avec lesquelles nous pouvons travailler, des PME à STX, avec qui nous allons collaborer de très près pour les éoliennes », qu'au niveau des instances publiques. « Nous sommes ici dans un écosystème public-privé remarquable, notamment en matière de R&D avec l’IRT Jules Verne de Nantes ».
De l’optimisme, des ambitions… mais également des doléances formulées aux dirigeants politiques, nombreux dans la salle. « Nous avons besoin d’un marché pérenne pour que cette nouvelle énergie puisse monter en puissance et en volume et pour qu’elle atteigne un prix qui soit compétitif, c’est comme cela qu’elle pourra prendre sa place dans le paysage énergétique. Avec EDF EN nous sommes prêts à créer l’équipe de France de l’éolien offshore ». Et pour cela, l’industriel souhaite, au niveau national, de la visibilité : « avec le lancement du troisième appel d’offres pour l’éolien posé et le démarrage des projets sur l’éolien flottant ».

Haliade 150 (ALSTOM)
Des demandes entendues par Manuel Valls, qui a annoncé hier le financement d’un appel à manifestation d’intérêt pour l’éolien flottant à hauteur de 150 millions d’euros en juin 2015. Pour le troisième appel d’offres, il a assuré que Ségolène Royal suivait le dossier de près et qu’il devrait y avoir du neuf l’an prochain.
« La France a pris du retard dans ce secteur, notamment par rapport aux pays nordiques, nous en avons bien conscience mais nous allons le rattraper » promet Manuel Valls. Dans cette usine, « symbole de la transition énergétique », il a voulu rappeler le rôle de l’Etat : « programmer la montée en puissance des énergies nouvelles et renforcer la capacité industrielle, ce que nous faisons notamment avec les investissements d’avenir ». L’ADEME et le Commissariat Général de l’Investissement ont contribué au financement de l’usine nazairienne à hauteur de 31 millions d’euros. « Notre rôle a aussi été d’accompagner l’alliance d’Alstom avec GE, pour que cette opération ne soit pas un simple rachat ».
« L’industrie c’est l’avenir. Et, je ne sais pas si c’est le vent du large, mais ici, en Loire-Atlantique, nous retrouvons notre optimisme », a conclu Manuel Valls.