Les marins français de l’état-major de l’OTAN à Norfolk, aux Etats-Unis, ont entrepris de restaurer, et du même coup sauver, un ancien appareil de l’aéronautique navale exposé sur le pont d’envol du porte-avions musée USS Intrepid, à New York. Présent depuis 20 ans à bord, cet appareil, un Etendard IV M datant de 1962, était en fait menacé de disparition et, sans l’initiative des militaires français présents aux USA, aurait terminé au rebut. « Nous sommes à l’état-major de transformation de l’OTAN à Norfolk, qui est commandé par le général Mercier, 80 Français, dont une quinzaine de marins. L’un d’eux, ancien du service technique du Charles de Gaulle, avait constaté lors d’une visite sur l’Intrepid que l’Etendard IV était vraiment en piteux état, surtout par rapport aux autres avions exposés », explique-t-on à Norfolk.

L’Intrepid Sea-Air-Space Museum à Manhattan (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Le musée à la recherche du propriétaire
Le capitaine de frégate en question contacte donc l’Intrepid Sea-Air-Space Museum (voir notre article sur ce musée) et comprend mieux la situation. Arrivé en 1997 sur l’ancien porte-avions américain, l’appareil français n’est en fait pas la propriété de l’ISAS, qui n’assure donc pas son entretien et, à ce moment-là, cherche d’ailleurs son propriétaire. Car face à la dégradation de l’Etendard, le musée compte s’en séparer : « Ils étaient en fait à la recherche du propriétaire afin d’obtenir sa signature pour évacuer l’Etendard vers un cimetière d’avions du Nevada. Ils étaient donc ravis quand nous les avons contactés car ils pensaient sur le coup solutionner ce problème. Ils ont en fait été très surpris, et heureux, quand nous leur avons expliqué que nous souhaitions en fait remettre en état cet appareil ».
Une rapide enquête des militaires français permet de déterminer que l’Etendard appartient en réalité à une association d’officiers de réserve habitant aux USA. Celle-ci avait servi de support au transfert sur l’Intrepid mais n’avait depuis plus de lien avec le musée. Compte tenu de la situation, et puisqu’elle n’a pas vocation ni les moyens nécessaires pour entretenir l’appareil, elle accepte de céder l’Etendard aux marins de Norfolk, qui après restauration l’offriront au musée. Celui-ci assurera dès lors son futur maintien en état.
Des pièces de SEM acheminées depuis Landivisiau
La restauration sera menée à bord de l’Intreprid au mois de mai. « Nous allons profiter du retrait du service du Super Etendard Modernisé l’été dernier pour récupérer des pièces, cédées par la marine. Elles sont en cours de conditionnement à Landivisiau en vue d’être expédiées à New York ». Trains, verrière, crosse, système d’élingue vont ainsi être remplacés, alors que l’avion sera repeint et arborera de nouveau de belles cocardes.
Les frais financés par des industriels
En plus des marins de Norfolk, deux techniciens de la base d’aéronautique navale de Landivisiau feront le déplacement pour participer à la remise en état de l’Etendard. Et tout cela ne coûtera pas un sou au ministère de la Défense. Les frais d’acheminement du matériel, de déplacement et d’hébergement de l’équipe, soit environ 30.000 euros, devraient être couverts grâce au mécénat de MBDA, Airbus et Dassault Aviation, qui ont ainsi apporté un soutien décisif au projet.
Après avoir bénéficié d’une belle jouvence, le vieil Etendard IV M ainsi que son acte de propriété devrait être officiellement remis fin mai à l’Intrepid Sea-Air-Space Museum. Une cérémonie sera pour l’occasion organisée à bord de l’ancien porte-avions de l’US Navy. « C’est une belle opération qui permet de sauver une pièce du patrimoine aéronautique et naval français à bord d’un musée à flot qui attire chaque année de nombreux visiteurs venus du monde entier. Cet Etendard est, en plus, le seul avion français exposé à bord ».

L'Etendard IV M sur le pont d'envol de l'Intrepid (© MER ET MARINE)
L’Intrepid Sea-Air-Space Museum à Manhattan (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
L’Etendard IV numéro 23 et non 60
Concernant l’ancien avion de la Marine nationale exposé sur le pont d’envol de l’USS Intrepid, on notera qu’il s’agit du 23ème appareil de ce type (et non le 60 comme le laisse supposer le chiffre peint sur sa carlingue) sur les 69 avions d’attaque Etendard IV M (numéros 1 à 69) livrés par Dassault Aviation entre le 9 décembre 1961 et le 26 mai 1965. S’y sont pour mémoire ajoutés 21 Etendard IV P (numéros 101 à 121), modifiés pour les missions de reconnaissance et réceptionnés par l’aéronautique navale française entre décembre 1962 et mai 1965.

Etendard IV M (© DASSAULT AVIATION)
Carrière dans la Marine nationale
L’Etendard IV M a servi dans différentes flottilles. D’abord la 15F (à partir d’octobre 1962) qui assure depuis Hyères, près de Toulon, la formation des personnels des unités de chasse jusqu'en octobre 1965, date à laquelle l'escadrille 59S reprend cette mission. Avant l'arrivée des Crusader en 1965, l'Etendard IV M était chargé de la défense aérienne autour des porte-avions Clémenceau et Foch. Pendant trois ans, on a ainsi pu le voir équipé de missiles Sidewinder, une configuration demeurée rare.
Avec l’Etendard IV M, la 15F a aussi participé à la campagne de tir nucléaire de 1966 en Polynésie au sein de la force Alfa chargée de veiller à la sûreté du centre d'essais du Pacifique (CEP). Pour cette mission, des appareils de la 16 F étaient intégrés à la 15F. A bord du porte-avions Foch, la flottille participe à la surveillance des tirs Aldébaran, Tamouré, Ganymède, Bételgeuse et enfin Sirius.

Le Foch (© MARINE NATIONALE)
Au sein des flottilles 11F et 17F, l’Etendard IV M fut utilisé en tant que chasseur d’assaut embarqué et, à ce titre, a été de tous les déploiements des porte-avions français pendant près de 30 ans. Alors que les avions de ce type sont définitivement remplacés par les Super Etendard en 1991, les Etendard IV P continuent d’assurer les missions de reconnaissance, notamment lors des interventions en ex-Yougoslavie et au Kosovo dans les années 90 (ils avaient fait de même au Liban en 1983-84). Après un ultime catapultage d’Etendard IV P depuis le Foch le 22 juin 2000, les derniers avions de ce type, alors regroupés au sein de la 16F, furent officiellement retirés du service le 27 juillet 2000.

Etendard IV P (© MARINE NATIONALE)