Nous vous proposons aujourd'hui de revenir sur une série de navires exceptionnels construits en France pour le compte de l’Union soviétique durant les années 1960 et dont le dernier exemplaire était encore à flot il y a moins de cinq ans. C’est aux Ateliers et Chantiers de Nantes (Bretagne-Loire), qu’ils sont réalisés entre 1964 et 1967. La classe s’appelle Natalia Kovshova, du nom du premier des trois bateaux de ce type réalisés sur les bords de Loire. L’histoire de ces chalutiers-usines, les plus modernes et performants au monde à l’époque, s’avère riche et passionnante.

Le Natalia Kovshova en mer dans les années 1960 (@ Association Histoire de la Construction navale à Nantes)
Un contexte socio-économique difficile
Pour comprendre l’importance de ces navires, il faut s’attarder un peu sur le contexte de l’époque. La décennie des années 1950 est souvent représentée comme l’âge d’or de la construction navale moderne à Nantes. Il faut nuancer cette idée. En effet, si le renouvellement de la flotte marchande après-guerre, conjuguée à la reprise du trafic international, est particulièrement sensible dans la cité des ducs de Bretagne, il n’en reste pas moins que ce mouvement n’est qu’éphémère. En 1955, une importante grève, émaillée du drame de la mort d’un manifestant, paralyse la ville de Nantes. Dès 1957, le développement rapide et puissant de l’industrie japonaise vient créer une nouvelle concurrence pour les constructeurs européens, qui s’accompagne d’un agrandissement croissant des gabarits moyens au sein des flottes de commerce mondiales contre lesquels les chantiers nantais peuvent difficilement lutter.
Dans le même temps, la Marine nationale décide de ne plus accorder de commandes de bâtiments de combat à des entreprises privées, comme c’était le cas depuis le dernier quart du XIXe siècle. Pour l’État, il n’est plus question de subventionner à perte une industrie qui fait pourtant vivre plusieurs dizaines de milliers de personnes dans tout l’Hexagone. De même, la naissance du Marché commun européen rend le protectionnisme beaucoup plus hasardeux pour les États. En France, le gouvernement décide de prendre les devants avec le Livre blanc de 1959, qui accentue de manière plus poussée une politique déjà préconisée à la fin des années 1930, le maintien des aides publiques en échange de la consolidation du secteur. Le nombre d’entreprises françaises de construction navale est divisé par deux.
D’importantes mutations dans la navale Nantaise
La réforme profite surtout aux entreprises géographiquement proches qui peuvent se regrouper sur un seul site, comme c’est le cas des Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire (dès 1955) avec la fusion du site nazairien des Ateliers et Chantiers de la Loire et de celui des Ateliers et Chantiers de Saint-Nazaire Penhoët. En échange de leur établissement nazairien, les ACL prennent le contrôle de la filiale de Penhoët basée à Petit-Quevilly et deviennent officiellement « Chantiers Réunis Loire-Normandie », tout en conservant leur filiale historique de Dubigeon