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L’achèvement du premier des quatre nouveaux bâtiments ravitailleurs de forces (BRF) de la Marine nationale est l’occasion de se replonger dans les archives, notamment de Jean-Claude Bellonne, Giorgio Arra, Michel Floch et Bernard Prézelin, pour évoquer les différents pétroliers et navires logistiques dont la flotte française a disposé depuis la seconde guerre mondiale.

Depuis la fin de la marine à voile et l’avènement de la machine à vapeur sur les navires, dans la seconde moitié du XIXème siècle, les flottes militaires ont développé progressivement des capacités d’avitaillement de leurs unités de combat. Initialement, le combustible employé étant du charbon, les approvisionnements se font essentiellement dans les ports ou au mouillage. C’est le passage à la chauffe au mazout puis au gasoil, d’abord sur des unités légères et sous-marins et ensuite sur les grands bâtiments, qui va permettre d’imaginer de nouvelles méthodes de soutien logistique.

La Royal Navy fait un premier essai en marche en 1906

Le recours à des combustibles liquides permet en effet d’envisager des ravitaillements à la mer, y compris en navigation, ce qui est impossible avec du charbon. Les premiers tests en marche sont effectués au début du XXème siècle et l’intérêt s’accroît pendant la première guerre mondiale. Les anglo-saxons ont été pionniers dans ce domaine, la Royal Navy d’abord, dès 1906, en testant la technique du ravitaillement en remorque, qui voit le pétrolier se placer derrière le navire à ravitailler, en l’occurrence dans ce cas un cuirassé. Ce dernier déploie vers sa nourrice une remorque sur laquelle est accrochée une conduite par où va transiter le combustible. Après cette première expérimentation, l’amirauté britannique ne va cependant pas plus avant, cette capacité n’étant pas jugée importante puisque les adversaires potentiels de la Royal Navy sont situés en Europe, proches donc de ses bases.  

Les Américains développent le ravitaillement par le travers

Poussée par un besoin opérationnel autrement plus évident, c’est l’US Navy qui va franchir une étape majeure dans ce domaine en faisant construire, dès 1915, ses deux premiers pétroliers spécialement conçus pour le ravitaillement à la mer, les USS Kanawha (AO-1) et USS Maumee (AO-2) de 145 mètres et 15.000 tonnes en charge. Avec cette fois des mâts permettant de déployer latéralement des manches et, ainsi, approvisionner en combustible un bâtiment de combat par le travers. Une technique très efficace qui fait ses preuves après l’entrée en guerre des Etats-Unis, en 1917, lorsqu’il s’agit de regarnir les soutes des destroyers américains qui n’ont pas une autonomie suffisante pour traverser l’Atlantique. L'USS Maumee se positionne ainsi à 300 nautiques au sud du Groenland, où il fait office de station-service.  

 

© Hubert C. Rickert. U.S. Naval History and Heritage Command

L'USS Maumee. © NAVAL HISTORY AND HERITAGE COMMAND. 

 

© Naval History and Heritage Command

Mi-1917, dans l'Atlantique, l'USS Maumee (AO-2) , l'un des premiers ravitailleurs américains, transfère du combustible au destroyer USS McCall (DD-28). © NAVAL HISTORY AND HERITAGE COMMAND. 

 

Pendant l’entre-deux guerre, cette technique est peaufinée par les Américains, qui au-delà de l'Atlantique y voient le moyen d’accroître le rayon d’action et la liberté d’action de leurs escadres dans les vastes étendues de l’océan Pacifique. Les pétroliers de l’US Navy peuvent désormais servir deux unités en même temps par le travers, soit une de chaque côté. Ce qui constitue une manœuvre délicate car les bâtiments doivent naviguer à la même vitesse (une douzaine de nœuds) et à une distance de quelques dizaines de mètres seulement les uns des autres. Le procédé permet de gagner sensiblement en rapidité mais nécessite une grande maîtrise, alors que les risques d’abordage sont importants en cas d’erreur ou d’avarie.

C’est pourquoi la marine britannique lui préfère dans un premier temps celle du ravitaillement en flèche, qu’elle a initiée en 1906 et qui est considérée comme moins dangereuse. La doctrine de la Royal Navy évolue brusquement suite à la proclamation de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo en 1936. Trente ans après ses premiers essais restés sans lendemain, elle se réintéresse de manière urgente au ravitaillement à la mer. Car la menace n’est plus uniquement en Europe, elle concerne aussi désormais les possessions du Royaume-Uni en Extrême-Orient, alors que la conquête italienne de l’Ethiopie, la même année, étend la zone de conflit potentielle à l’océan Indien. Il faut aussi tenir compte de la montée en puissance des porte-avions qui, en cas de guerre, seront de gros consommateurs en combustible. Le ravitaillement en flèche est donc relancé en 1937 et rapidement généralisé dans la flotte britannique, mais la méthode change puisque cette fois, c’est le pétrolier qui se place devant le bâtiment à servir.

Première tentative en France en 1936

La marine française, elle, ne commence à expérimenter les ravitaillements à la mer qu’en 1936, dans un premier temps entre unités de combat. Il s’agit alors surtout de pouvoir regarnir les soutes des torpilleurs et contre-torpilleurs chargés d'accompagner les grosses unités de combat. Des escorteurs très rapides mais dont l’autonomie est insuffisante pour de longues opérations. Puis, suite au déclenchement de la guerre contre l’Allemagne le 3 septembre 1939, la Marine nationale se tourne vers la Royal Navy pour l’aider à adopter le ravitaillement en marche d’unités de combat à partir d’un pétrolier. La première manœuvre de ce type est finalement réalisée en mars 1940 entre Le Mékong et le contre-torpilleur Le Fantasque. La flotte française, qui commence par la technique en flèche, se laisse rapidement convaincre par le ravitaillement par le travers. A cet effet, ses pétroliers, initialement conçus comme de simples

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