La Royal Navy a commémoré le week-end dernier, à Douvres et Ramsgate, le 70ème anniversaire de la tentative britannique de faire échec à l'opération allemande Cerberus. Lancée en février 1942, cette manoeuvre audacieuse de la Kriegsmarine visait à faire rentrer en Allemagne les grands bâtiments positionnés à Brest. Les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau, ainsi que le croiseur lourd Prinz Eugen, avaient rejoint la pointe Bretagne en mars et mai 1941. Ils étaient alors idéalement placés pour attaquer le trafic commercial en Atlantique et, ainsi, faire peser une lourde menace sur la Grande-Bretagne. C'est la raison pour laquelle les Britanniques ont lancé de nombreux raids aériens sur Brest afin de neutraliser les bâtiments allemands. Face aux attaques qui se multiplient et à la nécessité de protéger les côtes de la Norvège, l'état-major allemand décide début 1942 de rapatrier l'escadre en Allemagne. Préparée dans le plus grand secret, l'opération Cerberus projette de faire rentrer les bâtiments en empruntant le chemin le plus court, mais aussi le plus dangereux : Par la Manche, en forçant le détroit du Pas-de-Calais. Le Gneisenau (© : BUNDESARCHIVES) Le Prinz Eugen (© : BUNDESARCHIVES) L'escadre allemande lors de l'opération Cerberus (© : BUNDESARCHIVES) L'escadre allemande lors de l'opération Cerberus (© : BUNDESARCHIVES) L'effet de surprise, primordial, va jouer en faveur des Allemands. Dans la nuit du 11 au 12 février, le Scharnhorst, le Gneisenau et le Prinz Eugen, escortés par 6 destroyers, appareillent de Brest. Le groupe, commandé par l'amiral Ciliax, remonte la Manche, couvert au fil de sa progression par 300 chasseurs de la Luftwaffe. Côté anglais, l'alerte n'est donnée que très tardivement, au moment où les bâtiments de Ciliax s'approchent du Pas-de-Calais, franchi en plein jour. La Royal Air Force tentera d'intervenir, sans succès. La Royal Navy, qui n'a aucun grand bâtiment à opposer aux Allemands dans ce secteur, tente d'intervenir avec les batteries côtières et les petites unités qui protègent le détroit. Mais l'artillerie à terre ne parvient pas à ajuster son tir et les bâtiments envoyés au devant des Allemands malgré la disproportion des forces, sont repoussés par une puissance de feu bien supérieure. Ainsi, le destroyer HMS Worcester est mis hors de combat, déplorant 24 morts parmi son équipage. De son côté, l'aéronavale britannique parvient à lancer un raid avec 6 avions torpilleurs Swordfish du 825 Naval Air Squadron basés à Ramsgate. Mais les vieux biplans, très lents, ne parviennent pas, en raison de la présence de la chasse allemande et de la concentration des pièces antiaériennes, à récidiver leur exploit contre le cuirassé Bismarck, en mai 1941 (une torpille lancée par un Swordfish du porte-avions HMS Ark Royal détruisit l'appareil à gouverner du cuirassé, permettant à la Home Fleet de le rejoindre et le détruire). Ils sont tous abattus, 13 des 18 marins trouvant la mort. Le commandant de la formation, Eugene Esmonde, sera décoré de la Victoria Cross à titre posthume. Le dernier des 5 survivants de ce raid, le commandant Edgar Lee, s'est éteint en 2009 à l'âge de 88 ans. Un Swordfish, aujourd'hui avion de collection (© : ROYAL NAVY) Au final, l'escadre allemande parvient à quitter le Chanel indemne, ce qui constitue un véritable tour de force. Mais les bâtiments allemands ne s'en sortent pas pour autant. Le Scharnhorst heurte deux mines au large de l'embouchure du Rhin et de la Frise. L'amiral Ciliax, qui est à bord, transfère sa marque sur le destroyer Z29, alors que le Gneisenau est également touché par une mine dans la soirée du 12 février. Les deux croiseurs de bataille sont sauvés mais seul le Scharnhorst reprendra l'offensive depuis la Norvège, au large de laquelle il sera coulé en décembre 1943 par le cuirassé HMS Duke of York. Quant au Gneisenau, il gagnera Kiel, où il sera gravement endommagé par un raid de la RAF. Envoyé après réparation en Norvège, il devait être équipé de trois tourelles doubles de 380mm, en lieu et place des trois tourelles triples de 280mm dont il disposait. La refonte ne sera toutefois jamais effectuée et les canons du Gneisenau seront débarqués pour équiper les batteries côtières. Le navire, qui ne reprit pas la mer, fut sabordé en mars 1945 à Gotenhafen. Le Scharnhorst lors de l'opération Cerberus (© : BUNDESARCHIVES)
Quand les Swordfish britanniques tentaient de couler les cuirassés allemands en Manche
Par
Vincent Groizeleau
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13/02/2012

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