Ils ont 17 ou 18 ans, un peu plus quand ils sont en formation continue. Elèves ou stagiaires au lycée professionnel maritime Jacques Cassard de Nantes, ils sont ou vont être marins, veulent travailler à la pêche, dans l’offshore, le yachting, au commerce ou encore dans les services portuaires. Un monde fait de métiers très variés et passionnants, mais aussi des secteurs et entreprises parfois méconnus par ces jeunes qui, dans quelques mois, seront sur le marché du travail et souhaitent mieux connaître toutes les opportunités qui s’offrent à eux.
Alors ils étaient nombreux à participer, hier, à une matinée de rencontre avec des professionnels organisée par le LPM et l’association La Touline, créée en 1989 et qui, depuis, accompagne les marins dans leurs recherches d’emploi. Alors que son antenne locale développe avec succès l'opération Info Mer, avec présentation de métiers à la Maison de la Mer de Nantes - y compris les nouvelles filières comme les EMR - La Touline et le LPM Jacques Cassard ont pu mobiliser ensemble des représentants de la société de remorquage Boluda, du Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire (qui a des activités dans le dragage), du Groupement des armateurs de Services Publics Maritimes de Passages d'Eau (GASPE), de la station de pilotage de la Loire, de la compagnie Finist'Mer… Deux représentantes des Affaires maritime (DIRM NAMO) étaient également là pour répondre aux questions relatives à la réglementation ou encore au portail du marin. « Nous sommes là pour faire le lien entre élèves et employeurs. Faire venir les professionnels au sein de l’établissement permet d’initier des rencontres avec les futurs marins et améliorer leur connaissance des milieux vers lesquels ils se dirigent », explique Anne Lepage, directrice de La Touline.
« Il faut aussi savoir où l’on va »
Pour des jeunes et moins jeunes en recherche d’emploi, une bonne connaissance du secteur maritime est en effet fondamentale : « Il n’y a pas que l’apprentissage et la maîtrise de la technique, il faut aussi savoir où l’on va. Le maritime est cyclique, il y a des secteurs qui se portent bien, d’autres moins, et donc des recrutements plus ou moins importants selon les filières. Ils doivent s’y intéresser car ça bouge énormément et très vite, d’où l’intérêt de ces rencontres avec les professionnels ». Et puis il y a aussi les contraintes règlementaires, de plus en plus lourdes et qui tournent souvent au casse-tête pour les candidats à l’embauche : « La règlementation évolue beaucoup et il y a un vrai besoin d’information sur ce sujet, en particulier sur les certificats demandés et les temps de navigation. Les marins en formation sont très demandeurs car c’est complexe et, il faut le reconnaitre, parfois démobilisant pour certains ».
L’orientation est en tous cas, selon Anne Lepage, un sujet crucial : « On constate que certains jeunes s’orientent sans avoir au préalable rencontré des professionnels et, lorsqu’ils découvrent les milieux qu’ils avaient visés, cela ne correspond pas forcément à leurs attentes. D’autres vont vers des compagnies alors que celles-ci ne recrutent pas forcément à leur niveau d’étude. L’objectif est donc de mieux les informer afin de parfaire l’orientation et éviter les déceptions ».
Découvrir de nouvelles opportunités
Des rencontres comme celles d’hier offrent précisément l’opportunité aux élèves et stagiaires de découvrir en détail les entreprises dont les représentants viennent présenter les activités, mais aussi les spécificités de chaque filière, les métiers proposés et les postes à pourvoir. Ces rencontres sont d’ailleurs l’occasion, pour certains, de découvrir des opportunités dont ils n’avaient pas conscience. « Cette initiative est importante pour nos élèves, qui n’imaginent souvent pas, lorsqu’ils entrent dans nos lycées, tout le panel de métiers qui s’offrent à eux au commerce, à la pêche, dans la plaisance professionnelle, la Marine nationale, ou encore des pôles plus méconnus comme la mytiliculture. Nous travaillons pour tout le monde maritime, de la pêche au large au remorquage, en passant par les grands porte-conteneurs. Les jeunes peuvent exercer ces métiers au pont ou à la machine, cette dernière étant d’ailleurs très attractive, y compris à terre, où les mécaniciens peuvent trouver des débouchés dans les activités de maintenance navale, en construction chez les fabricants de moteurs marins ou encore sur des sites équipés de générateurs », souligne Michel Runigo, directeur du LPM Jacques Cassard. Et c’est aussi vrai pour les stagiaires, qui viennent en formation continue décrocher de nouvelles qualifications ou sont en reconversion. En tout, le lycée compte 130 élèves de 14 à 22 ans en formation initiale et accueille chaque année des centaines d'adultes en formation continue (*).

Anne Lepage et Michel Runigo (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
L’importance de l’humain
Ces rencontres visent par ailleurs à souligner une dimension humaine très importante que les professionnels mettent souvent en avant, en particulier auprès de ceux qui connaissent peu, ou pas encore, la vie embarquée : « Le métier de marin est très particulier et ne se base pas uniquement sur les compétences. C’est aussi une affaire de comportement, de savoir-être, de capacité à s’intégrer dans une équipe et vivre en équipage. En seconde, quand on commence à les mariniser, on les voit d’ailleurs clairement changer à l’issue des premiers stages ». Un aspect humain que l’on retrouve aussi dans ces rencontres entre jeunes et professionnels : « Il faut vivre avec son temps mais on ne peut pas tout faire par Internet, surtout dans ce milieu où les relations humaines sont fondamentales. C’est pourquoi nous faisons venir les professionnels dans le lycée, de manière à favoriser les échanges et nouer les premiers liens. C’est vraiment important car les jeunes cherchent du contact ».
Des élèves très demandeurs
Et les élèves sont clairement très demandeurs. Hier matin, ils étaient des dizaines à se presser dans la salle où la rencontre était organisée. C’était le cas par exemple de Théo et Antonin, qui achèvent leurs trois années de formation initiale. Bac pro bientôt en poche, ils arrivent sur le marché du travail avec des envies parfois très variées. Le premier, qui a déjà eu un emploi saisonnier chez Finist’Mer, aimerait faire carrière dans le transport de passagers ou l’offshore, mais la présence ce matin de Boluda a également piqué sa curiosité envers le monde du remorquage portuaire. Le second vise plutôt le yachting, mais avoue qu’il aimerait aussi tester l’offshore. « Des journées comme celle-ci sont l’occasion de rencontrer des armateurs, qui seront peut-être nos futurs employeurs. On découvre aussi des compagnies qu’on ne connait pas et c’est intéressant d’en savoir plus et de voir comment elles fonctionnent ». Un peu plus loin, un autre groupe de jeunes, un peu plus âgés, est constitué de stagiaires achevant bientôt deux mois et demi au LPM en formation continue. Il y a là Ophélie, Charlotte, Mohammed et Laurent, qui se destinent à différents métiers, comme la pêche ou skipper. « On vient apprendre à mieux connaître les gens du métier, rencontrer des armateurs et aussi les représentants des Affaires maritimes avec lesquels on va pouvoir se renseigner sur les questions liées à la règlementation ».

(© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Un moment important pour les professionnels
Beaucoup d’intérêt donc de la part des élèves et stagiaires. Et le son de cloche est le même du côté des professionnels. « Ces rencontres sont intéressantes car nous pouvons présenter aux jeunes nos entreprises et les métiers que nous offrons. C’est en fait une première rencontre avec nos futurs salariés », explique Arnaud Tisseront, responsable armement de Boluda au port de Nantes Saint-Nazaire. Ce dernier souligne, par ailleurs, que c’est aussi un moment pour dialoguer avec les enseignants, qui ont besoin de maintenir les relations avec les professionnels, notamment pour trouver des stages aux élèves, mais pas seulement : « Ces rencontres nous permettent d’échanger avec les équipes pédagogiques du lycée pour nous mettre à niveau sur les formations dispensées, sachant qu’il y a eu beaucoup de changements ces dernières années ».
Tout le monde y trouve donc son compte et, dans un secteur maritime dont certaines filières sont actuellement très chahutées, professionnels, enseignants et associatifs font front. Devant les dizaines de jeunes rassemblés devant elle, Anne Lepage se veut directe, mais aussi rassurante : « La conjoncture n’est pas simple, les aspects règlementaires non plus, les parcours sont parfois chaotiques mais il y a des gens pour vous informer et vous aider. Alors soyeux curieux et intéressez-vous à toutes les opportunités qu’offrent les différents secteurs ». Devant la directrice de La Touline, l'assistance est attentive, les rangs serrés et la motivation palpable. Lui-même ancien marin, Michel Runigo sait que malgré les difficultés, la relève est bien là et prête à prendre la mer.
(*) Le Lycée Professionnel Maritime Jacques Cassard de Nantes prépare ses élèves au BEP, BAC PRO des filières EMM, CGEM Commerce et Pêche. L’établissement assure une préparation au concours Officier Pont Chef de Quart Machine. La formation continue des adultes accueille ses stagiaires pour différentes formations diplômantes (CMP, C200, C500, Mécanicien 750kW) ainsi que la revalidation de brevets.