Transporter des marchandises à la voile entre Madagascar et la France. C’est le projet bien concret de Mathieu Brunet, dirigeant de la société Arcadie, spécialisée dans les épices bio commercialisées sous la marque Cook. « Nous sommes une société familiale et existons depuis plus d’une trentaine d’années », raconte Mathieu Brunet à Mer et Marine. « Nous avons commencé avec les plantes médicinales des Pyrénées puis avons été les premiers à importer des épices bio de Madagascar ». C’est d’ailleurs dans les années 90 que la marque Cook est inventé « un clin d’œil à la cuisine mais aussi un peu au navigateur ».
Mathieu Brunet le confesse volontiers, ni lui, ni sa société ne sont très familiers du monde de la voile. Mais il réfléchit depuis longtemps au transport de ses épices et à la manière d’en améliorer le coût environnemental. « Au début des années 2000, nous avons participé à la création d’un nouveau label de commerce équitable baptisé Biopartenaire. Nous voulions aller plus loin que ce que nous connaissions à l’époque en termes de label. Ce que nous souhaitons, c’est garantir que l’ensemble de la filière réponde à des critères communs de respect de nos valeurs. Pas seulement le producteur ». Et dans ce cadre, le transport apparaît rapidement comme un point noir.
L’idée est venue à Mathieu Brunet l’été dernier « alors que je discutais avec un ami marin en Bretagne ». Ensemble, ils évoquent l’exemple de Grain de Sail puis la possibilité d’acheter un voilier. « Au début, j’ai regardé les voiliers d’occasion, j’ai réalisé que ce n’était pas un très gros budget. Et puis ensuite je me suis dit, mais pourquoi pas construire notre voilier cargo sur lequel nous pourrions charger des conteneurs. Evidemment ce n’était plus la même gamme de prix mais cela restait dans des ordres de grandeur complètement accessibles. Cela semblait possible, alors je me suis dit que nous pouvions un peu prendre des risques ».

(© ZEPHYR ET BOREE)
Et comme la vie est parfois bien faite, Mathieu Brunet rencontre, par l’intermédiaire d’une connaissance commune, Nils Joyeux de Zéphyr et Borée. Entre les deux entrepreneurs, le courant passe immédiatement. Leurs valeurs et leurs convictions sont les mêmes, à commencer par une certaine humilité. « Nous avons vite compris qu’il allait y avoir des obstacles et de nombreuses interrogations. A commencer par la taille du bateau : transporter par conteneurs impose un certain gabarit. Nous avons 250 tonnes d’épices par an à transporter depuis Madagascar. Nous savons que plus le bateau est grand, moins le transport est cher. Mais nous ne pouvons pas remplir des énormes volumes. Alors, avec Zephyr et Borée, nous travaillons sur différentes tailles possibles pour voir leur pertinence et leur rentabilité ». Des contacts et des prospects sont en cours à Madagascar pour trouver d’autres chargeurs qui pourraient être intéressés par ce qui serait la seule ligne maritime directe entre la grande île de l'océan Indien et la France. En effet, actuellement, tout est transbordé via l’Inde et les retards sont parfois énormes. « Alors même si nous mettons plusieurs semaines à la voile, la liaison directe intéresse déjà beaucoup ».
Mathieu Brunet le répète, « nous sommes actuellement en phase d’expérimentation, nous savons que nous avons beaucoup de difficultés devant nous. Mais le projet se fera. Chez Arcadie, nous avons envie d’être plus que des chargeurs, nous voulons être des pionniers dans ce mode de transport, essayer de contribuer à cette nouvelle façon de faire ». Et il espère voir son bateau arriver d’ici deux ans.
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