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C'est l’impasse. A Roscoff, siège de Brittany Ferries, plus personne ne risque de prévisions sur un éventuel redémarrage des navires de la compagnie, à quai depuis une semaine. Les négociations entre la direction et les syndicats des personnels d’exécution et hôteliers sur l’application du plan d’austérité s’éternisent. « On a passé une bonne partie de la nuit pour aboutir à un accord dont on savait déjà qu’il ne serait pas acceptable pour les personnels », soupire Stéphane Leverger, de la CGT des marins. Dans la journée d’hier, les représentants syndicaux se sont rendus à bord des navires pour présenter ce texte. « Il a été rejeté à plus de 75% par les employés ».  Alors qu’un terrain d’entente semblait en passe d’être trouvé dimanche, la formalisation de l’accord-cadre n’a pas suivi. « Il y a eu un retour en arrière sur plusieurs points, notamment le temps de travail ».

 

Le cercle vicieux du Lock-out 

 

Du côté des salariés, c’est l’inquiétude. Depuis près d’une semaine, plus personne n’est payé. « Alors que nous ne sommes même pas grévistes, puisque la reprise du travail a été voté après les 24 heures de grève de la semaine dernière. Ca commence à faire long pour beaucoup d’entre nous », explique l’un d’entre eux. Cette situation, relativement rare, est dû au fait que la direction de l’armement utilise un « lock-out ». Une notion qui n’existe pas en tant que telle dans le code du travail, mais qui a été progressivement codifiée par la jurisprudence. Le lock-out est une sorte de fermeture du lieu de travail, décidée par la direction dans un contexte de grève, pour des motifs relevant de ce qu’on pourrait appeler la « force majeure ».  Les tribunaux ont accepté de le considérer comme licite quand il a été prouvé que l’instrument de travail pouvait être menacé par le mouvement de grève. La direction de Brittany Ferries a pris cette décision le vendredi 21 dernier et ne l’a pas levée depuis. Craignant le déclenchement de mouvements de grève sur les navires, elle a préféré immobiliser la flotte.

Et, depuis, c’est un peu le cercle vicieux. Sans l’aboutissement des négociations, le risque d’une grève existe toujours pour la direction, qui pourrait justifier de cette manière le maintien du lock-out. A bord des navires, l’ambiance est tendue. Les relèves d’équipage se font au compte-goutte, certains ne veulent pas débarquer tant que la situation n’est pas réglée. A Ouistreham, le personnel de relève a eu des difficultés à monter à bord. Entre les navigants eux-mêmes, le contexte est dégradé, puisque seuls les personnels d’exécution et hôteliers sont à l’origine du mouvement. Les officiers, ainsi que les personnels sédentaires, ne sont pas solidaires. Ce qui ne manque pas de provoquer des tensions.

 

 « On a vraiment peur que ce soit la fin »

 

« Tout ce que nous voulons, c’est que les bateaux repartent, nous ne voulons pas que la compagnie continue à perdre des sommes importantes parce que les bateaux sont à quai », expliquent les syndicats, qui envisagent une action en justice contre le lock-out de la direction.

Entre temps, ils sont allés rencontrer les politiques. Locaux d’abord, puisque les sociétés d’économie mixte qui possèdent les navires de Brittany Ferries comptent les collectivités locales bretonnes et normandes dans leur capital. Nationaux, maintenant. Bernard Cazeneuve, maire de Cherbourg et ministre des Affaires européennes, a reçu les syndicats hier. Aujourd’hui, c’est Frédéric Cuvillier, ministre des Transports et de la mer, qui présidera une table ronde de  médiation  à Paris. On sait également Jean-Yves Le Drian, ancien président de la région Bretagne et ministre de la Défense, très attentif à ce dossier potentiellement explosif si la situation venait à empirer. Car la compagnie bretonne, l'un des fleurons de la Marine marchande française, n'est dit-on pas loin du gouffre, fragilisée par la crise sur le Transmanche, qui s'est soldée par plusieurs années de pertes.

« On a vraiment peur que ce soit la fin » si on continue comme ça », murmure, angoissée, une employée de la compagnie. Brittany Ferries emploie actuellement 2500 personnes.

 

 

 

 

 

 

 

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