Nouvel épisode dans le projet de nouveau navire de la compagnie bretonne, décidemment très proactive sur le sujet ces derniers jours. Après les déclarations de son patron, Jean Marc Roué, en fin de semaine dernière, Brittany Ferries s’est fendue hier d’un communiqué. L’armement de Roscoff explique qu’il « s’apprête à signer avec STX France la construction du plus gros ferry au monde à propulsion à gaz liquéfié ».
Appel du pied aux pouvoirs publics
Alors que les armateurs ne sortent traditionnellement jamais officiellement du bois avant la signature de la commande, ou du moins d’une lettre d’intention, cette nouvelle communication peut ressembler, entre les lignes, à un appel du pied au gouvernement et aux collectivités locales. Alors que ces dernières sont propriétaires de ses navires au travers de sociétés d’économie mixte, Brittany Ferries espère aussi bénéficier d’un fort soutien de l’Etat afin de mener à bien la transition énergétique de sa flotte. Celle-ci passe, selon ses plans, par la construction du nouveau navire, dont la mise en service est prévue en 2017, mais aussi de la conversion des Armorique, Mont St Michel et Pont Aven, qui seraient dotés d’une propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL) d’ici le 1er janvier 2015 pour les deux premiers et en 2016 pour le troisième. A cela doivent s’ajouter des équipements portuaires de distribution de GNL pour assurer le ravitaillement des navires. L’ensemble représente un investissement de 200 à 250 millions d’euros, dont une bonne centaine pour le chantier de conversion. Une somme considérable que Brittany Ferries, qui sort d’une période difficile, ne peut évidemment financer seule.

Avant-projet de nouveau navire pour Brittany Ferries (© : DR)
Une transition énergétique plus vertueuse
Contrainte comme ses homologues travaillant en Manche, mer du Nord et Baltique de réduire ses émissions de soufre à partir du 1er janvier 2015, la compagnie bretonne mise donc sur le GNL en proposant une transition énergétique allant au-delà de la problématique du soufre, puisque ce carburant permet également de réduire significativement les rejets d’azote et de CO2. Une approche il est vrai plus intelligente d’un point de vue environnemental mais qui nécessite des aides publiques significatives. Une partie doit être obtenue grâce au projet de nouveau ferry, sur lequel l’armement breton travaille avec STX France depuis plusieurs années. Le chantier nazairien, qui a développé un système innovant de propulsion au GNL, avec notamment des cuves internes, a été retenu lors du premier appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé dans le cadre du volet « véhicules » du programme des investissements d’avenir. Connu sous le nom de Pegasis, son projet, qui doit être couplé comme l’impose l’AMI à la réalisation d’un prototype (en l’occurrence un ferry), doit recevoir une aide de 30 à 35 millions d’euros, constituée en majorité des avances remboursables. Mais Pegasis, qui intéressait aussi la SNCM pour ses nouveaux navires, est le seul des sept dossiers retenus dans la cadre de l’AMI qui n’avait pas encore, début décembre, fait l’objet d’une signature de sa convention avec l’Etat. En affirmant sa volonté de conclure rapidement une commande à Saint-Nazaire, qui a besoin d’engranger de nouveaux navires, Brittany Ferries espère sans doute donner un coup d’accélérateur.
Le temps presse
Il faut dire que le temps presse puisque la directive soufre entre en application dans maintenant un an. Or, Brittany Ferries (ainsi que d’autres compagnies européennes) espère que la Commission européenne acceptera d’assouplir les règles pour les armements engagés dans des transitions énergétiques plus vertueuses. Mais, pour mettre toutes les chances de son côté, encore faut-il que cette transition soit engagée. Une stratégie qui est emprunte de bon sens mais qui semble tout de même un brin risquée si Bruxelles demeure inflexible. Si tel est le cas, la compagnie devra de toute urgence, en attendant la montée en puissance de son plan GNL et pour éviter d’être mise à l’amende, équiper les navires qui le peuvent de dispositifs de lavage de fumées (scrubbers) ou les faire fonctionner au gasoil, bien plus cher que l’actuel fuel lourd.