On en entend rarement parler dans la marine marchande, pourtant le phénomène existe, n’est pas rare et il ne date pas d’hier. Début juillet, cinq officier-e-s de Genavir ont saisi la direction de l’armement pour harcèlement moral et sexuel du fait d’un commandant de la compagnie.
La direction, avec le service ressources humaines, a alors diligenté une enquête durant laquelle plus d’une vingtaine de personnes ont été entendues, dont l'officier visé. « Cette enquête, qui représente plus de 50 heures d’entretien, a démontré la réalité des faits et de ces agissements qui relèvent de la définition du harcèlement moral et sexuel. Nous avons dès lors ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre de cette personne », précise Eric Derrien, directeur de l’armement Genavir interrogé par Mer et Marine. Une mise à pied de huit jours a été décidée, « au vu de l’ensemble des éléments dont nous avons eu connaissance lors de cette enquête ».
Dans une communication, intitulée « Women Sailors Matter » diffusée à l’ensemble des marins de la flotte de Genavir début novembre, les représentants syndicaux CGT et CFDT expriment plusieurs sujets de colère et de griefs : d’abord celui concernant le fait que le CSE n’a pas été associé à l’enquête menée cet été et, surtout, sur la décision de la direction « d’avoir appliqué une sanction a minima vu la gravité des faits ». Les syndicats craignaient, à ce moment-là, également que les victimes subissent une « double peine » suite à la mesure de la direction de l’armement visant à prévenir un embarquement simultané des victimes avec le commandant incriminé, les privant de facto de l’accès à certains bateaux.
Interrogé sur ces deux points, Eric Derrien précise en effet que le CSE n’avait pas été associé lors de l’enquête, « parce que nous n'avons pas été sollicités et que, par ailleurs, nous n'en n'avions pas l'obligation. Si c’était à refaire, nous l‘associerions immédiatement ». Sur la gravité de la sanction, le directeur précise « qu'elle est le résultat de la totalité de l'enquête et de la procédure disciplinaire, elle ne peut se réduire à une vision parcellaire du dossier ». Le commandant n’a pas rembarqué depuis l’enquête.
Face à des victimes très éprouvées, le directeur l’assure : « nous n’avons absolument aucune tolérance pour ce type d’agissement au sein de Genavir. Il faut que cette affaire nous aide à améliorer le dispositif volontaire de prévention et d’alerte que nous avons mis en place depuis 2018. Nous allons nous entourer de spécialistes extérieurs pour nous aider à progresser dans ce domaine. Notre rôle est d’assurer la santé et la sécurité de nos marins et c’est ce que nous allons faire avec la volonté de nous améliorer ». L’armement prévoit également la mise en place d’un plan de soutien psychologique pour les victimes.
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