Avec la publication des résultats financiers au troisième trimestre, les armements affichent la baisse de leurs volumes transportés. Les manutentionnaires s’inscrivent dans la même tendance. Les perspectives pour le dernier trimestre ne sont guère réjouissantes. Un article d'Hervé Deiss de Ports et Corridors
Globalement, les résultats financiers publiés par les armements au troisième trimestre démontrent de la difficulté du marché au cours des neufs premiers mois de l’année. Les deux premiers de la classe, à savoir le groupe Mærsk et CMA CGM, MSC ne publie pas de résultats, affichent une baisse de leur chiffre d’affaires au cours des trois trimestres de l’année.
Une baisse des volumes
Un volume d’affaires qui reflète le marché. L’ensemble des opérateurs affiche une baisse de ses conteneurs transportés. Le sud coréen HMM enregistre la plus forte baisse avec une diminution de 15% de ses volumes à 2,8 MEVP. CMA CGM a le mieux résisté au cours de ces trois premiers quarts d’année avec une baisse de 0,1% de ses trafics à 15,2 MEVP. Quant à Mærsk, s’il reste le principal opérateur de conteneurs dans le monde avec 18,4 MEVP transportés sur les neufs premiers mois, il perd malgré tout 8% de ses volumes par rapport à la même période de 2019. Cette situation compliquée des volumes d’affaires et transportés n’a pas empêché les armements d’afficher des résultats opérationnels positifs sur cette période.
Le ratio C.A/EVP en hausse
Le ratio entre le chiffre d’affaires et les conteneurs transportés doit être rapporté à chaque armement. Dans son analyse, le consultant néerlandais Dynamar affiche la progression du rapport du chiffre d’affaires par EVP. Tous les armements affichent une augmentation de ce ratio. Alors, les baisses du chiffre d’affaires et des volumes n’a pas eu que des effets négatifs. Elles ont permis de rationaliser les coûts pour augmenter le gain brut par conteneur. Une opération favorable pour les armements.
Une gestion fine de la crise
Cette amélioration du revenu par conteneur tient à plusieurs facteurs. Dans son analyse, Peter Sand, directeur des analyses maritimes au Bimco, reconnaît aux compagnies maritimes d’avoir eu une gestion fine de la crise au plus près de la demande. Les armateurs ont joué la carte de l’affrètement. « Ils ont possédé moins pour affréter plus ».
Cette attitude a eu pour conséquence immédiate de voir le nombre de navires mis à l’ancre (idle fleet) augmenter de façon importante. Pour éviter de voir leurs navires arrêtés, les propriétaires de navires ont accepté des affrètements à des taux plus bas. Et Peter Sand d’indiquer qu’un navire de 8500 EVP a vu son taux journalier d’affrètement passer de 30 000$/j à 12 000$/j entre février et juin 2020. Au final, si les taux de fret n’ont guère bougé au cours de cette année, les opérateurs de lignes régulières conteneurisées ont pu éviter de couler avec la crise économique liée à la pandémie.
L’Amérique du nord mieux que l’Europe
Sur les trois premiers trimestres de l’année, la baisse des volumes est aussi liée à la pandémie. Tant aux États-Unis qu’en Europe, la consommation s’est ralentie au cours du premier semestre en raison des confinements. Dès le Nouvel an chinois passé et le confinement allégé, les distributeurs ont reconstitué leurs stocks. Il a fallu mettre à disposition des boîtes vides sur l’Asie pour répondre à la demande. En Amérique du nord, le troisième trimestre affiche des records de volume. En Europe, les choses ont été plus longues. Les volumes affichent sur les neufs premiers mois de l’année une baisse de 8,3%. Selon l’analyste du Bimco, « une des raisons a été un retour plus timide à la consommation que leurs homologues américains ».
Baisse de 5,6% des échanges conteneurisés
En effet, Dynaliner publie les derniers chiffres compilés par CTS (Container Trade Statistics) en Europe. Avec 39,6 MEVP, le trafic conteneurisé européen affiche une baisse de 5,6% sur les trois premiers trimestres. Les relations avec l’Asie demeurent les plus importantes avec plus de 17,4 MEVP échangés au cours de cette période. Les exportations européennes perdent 1% à 5,9 MEVP. Les importations européennes avec l’Asie sont dans le même sens avec une diminution de 8,3% à 11,5 MEVP. Tous les signaux sont au rouge en Europe. Les échanges conteneurisés avec les autres continents sont en baisse. Seules les importations depuis l’Amérique du sud augmentent. Elles progressent de 3,1% à 1,5 MEVP. L’Afrique sub saharienne a sauvé son année. Les exportations européennes perdent 5,9% mais les importations se stabilisent avec une diminution de 0,3%.
Baisse de volume chez les manutentionnaires
La baisse des échanges conteneurisés s’est répercutée sur les opérateurs de terminaux. Les principaux opérateurs de ce secteur ont vu leur volume baisser. Parmi eux, APM Terminals, DP World et Ictsi perdent entre 2% et 6%. La plus grosse diminution dans ce secteur revient à HHLA qui voit ses volumes se contracter de 11,2% à 5 MEVP. Des diminutions qui sont aussi une conjonction d’évènements. Des opérateurs ont « lâché » des terminaux, à l’image de APM Terminals qui n’a pas pu renouveler sa concession à Douala.
China Merchants sauvé par l’international
Cette baisse des volumes des manutentionnaires n’est pas générale. Il reste un opérateur qui affiche des chiffres en hausse. China Merchants annonce une hausse de 5% de ses volumes à 87,6 MEVP. L’opérateur chinois garde la tête hors de l’eau grâce à ses opérations internationales. En effet, en Chine, China Merchants perd 0,7% de ses volumes à 67,7 MEVP manutentionnés. Les diminutions de volume dans les terminaux de Shanghai, Dalian et Taïwan ont pesé sur les résultats. D’un autre côté, les opérations à Colombo, à Lomé et à Paranagua permettent au groupe de rester en positif.
Quelle attitude au sortir de la crise?
Dans ce contexte difficile des trois premiers trimestres, les perspectives pour les derniers mois tentent de mettre en lumière les points positifs. En 2020, les armements ont réussi à atténuer les dommages de la pandémie de la Covid 19. Ils ont pu sauver leur résultat opérationnel. Les manutentionnaires mettent à profit cette crise pour tenter de trouver des solutions. Depuis le mois d’octobre, les confinements refont surface dans de nombreux pays. Seule la Chine semble avoir évité les effets dévastateurs d’une seconde vague. « Ce qu’il se passera quand les volumes vont commencer à décroître dépend en large partie de l’action des armements, souligne Peter Sand en conclusion de son analyse. Retourneront ils à leurs habitudes d’avant la pandémie avec des taux de fret bas ou accepteront ils de se préoccuper plus de la gestion de leur flotte que des parts de marché ? ».
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