Six navires de l’armement Brittany Ferries sont désormais équipés de scrubbers. Ces dispositifs de nettoyage débarrassent les fumées des oxydes de soufre (SOx) et se sont généralisés suite à l’entrée en vigueur de l’annexe VI de la convention Marpol qui limite les émissions de soufre à 0.1% dans les zones SECA (comme notamment la Baltique, la Manche et la mer du Nord) et 0.5 partout ailleurs d’ici 2020.
« Chez Brittany Ferries, nous sommes en veille depuis longtemps sur cette thématique. Dès 2006, nous avons commencé à étudier la question de l’installation de scrubbers sur notre flotte », dit Frédéric Pouget, directeur du pôle armement et opérations maritimes et portuaires. Opératrice de lignes transmanches, la compagnie roscovite est en effet aux premières loges dans l’application de ces nouveaux standards d’émission.

(© BRITTANY FERRIES)

(© BRITTANY FERRIES)
« D’emblée, nous avons dû faire face à un défi technique. Nous avons, au sein de notre flotte, deux générations de navires : trois anciens (les Barfleur, Normandie et Cap Finistère) et trois plus récents (Armorique, Mont-St-Michel et Pont-Aven). Il a fallu imaginer des solutions qui s’adaptaient bien à leurs configurations sans affecter leurs capacités commerciales ». Début 2012, BAI fait appel au chantier STX France de Saint-Nazaire pour lancer cette étude technique complexe. « Nous connaissons bien STX et nous avons choisi de nous appuyer sur leur savoir-faire, à la fois en tant que bureau d’études et comme maître d’ouvrage sur l’ensemble des six retrofits ». Installer des dispositifs lourds sur des navires existants, d’âges et de conceptions différents, c’est un chantier « qui ressemble presque à une construction neuve. Pour pouvoir concilier tous nos impératifs, il a fallu trouver des solutions originales ». L’équipe de BAI et celle de STX ont effectué des relevés au laser, modélisé et maquetté les espaces, emménagements et machines, pour trouver la meilleure configuration pour chacun des bateaux. « Le poids a été une des obsessions principales, c’est un facteur à la fois déterminant et pénalisant pour les ferries ».

Le Pont Aven (BRITTANY FERRIES)
Les trois « anciens » ne disposant pas de suffisamment de place pour installer des machines encombrantes, la solution des scrubbers en ligne a été choisie. « Ces dispositifs, fabriqués par Yara Marine Technologies, ont pu être installés dans la cheminée des navires, à la place des silencieux ». Suivant le principe et le fonctionnement classique des scrubbers en boucle ouverte à la mer, ces unités lavent les fumées en pulvérisant de l’eau de mer aspirée en grande quantité pour utiliser l’alcalinité de celle-ci et transformer les oxydes de soufre en sulfites à la sortie des scrubbers. « Les trois bateaux sont passés en cale sèche durant l’hiver 2014-2015 dans les chantiers espagnols Astander ».

La cheminée du Normandie (© BRITTANY FERRIES)
Pour les trois unités les plus récentes, c’est une solution originale qui a été choisie. « Chez Brittany Ferries, nous avons l’habitude de garder nos navires plusieurs dizaines d’années. Nous voulions donc la solution la plus durable possible, qui puisse à la fois être fiable et suffisamment performante pour nous permettre de faire mieux que les standards d’émission actuels. C’est pour cela que, plutôt que d'opter pour un produit de motoriste marine, nous avons fait le choix d’une solution sur-mesure élaborée par un spécialiste du nettoyage de fumées, un professionnel dont on pouvait mariniser la technologie ».
Brittany Ferries et STX se tournent donc vers LAB, filiale du groupe français CNIM, grand spécialiste des incinérateurs industriels et échappements d’usine. L’industriel leur propose alors des scrubbers dit hors-ligne, construits en résine, « ce qui représente à la fois une meilleure résistance à la corrosion et un gain de poids non négligeable ». Ce système permet également de centraliser les émissions de tous les moteurs (propulsion et auxiliaire) du bateau pour les traiter ensemble. « Cela fait une différence importante : pour le Normandie, nous avons dû mettre en place sept scrubbers, alors que pour l’Armorique, pourtant équipé de deux moteurs et trois auxiliaires, un seul scrubber a suffi ».
L’installation proposée par LAB fonctionne avec la technologie de packing : les fumées sont dirigées dans une sorte de labyrinthe à l’intérieur de la tour du scrubber, ce qui accroit considérablement la surface de pulvérisation et donc de traitement. « Sans cette augmentation de surface d’échanges, il serait impossible de traiter l’ensemble des émissions dans un volume aussi contraint ». Ensuite, deux possibilités sont envisageables avec la technologie hybride. En boucle ouverte, le mélange eau de mer-sulfite sortant du scrubber après traitement est rejeté à la mer. En boucle fermée, il est centrifugé par un hydrocyclone, l’eau est traitée et, par concentration, les résidus sont stockés pour être débarqués à terre. « Nous utilisons indifféremment les deux modes ».

Sur l'Armorique (© BRITTANY FERRIES)
(© BRITTANY FERRIES)
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Tous les navires ont été équipés en 2015 et 2016 : les Armorique et Mont-St-Michel à Astander et le Pont-Aven à Remontowa en Pologne. « Les arrêts techniques ont été plus longs qu’une simple installation, puisqu’il a fallu plus de deux mois de travaux pour chacun des bateaux ». Le retour d’expérience est bon, le pari est réussi. « Quand nous avons commencé à bâtir le projet, nous voulions voir à long-terme et aller plus loin que ce que les textes nous imposaient. LAB nous a assuré que ses scrubbers feraient mieux que les 0.1% exigés et c’est notamment cela qui nous a convaincu, ainsi que nos partenaires ».
En effet, pour l’accompagner dans ce plan de transition écologique, Brittany Ferries a pu compter sur l’aide de l’ADEME. Cinq des six rétrofits ont ainsi pu être cofinancés dans le cadre du programme Véhicules et Transports du Futur des Investissements d’Avenir. Deux appels à projets « aide aux investissements pour des ferries propres », lancés en 2014 et 2016, visaient en effet à financer des projets d’investissement dans des navires dont l’empreinte environnementale sera réduite en deçà des plafonds d'émissions fixés par les normes communautaires et internationales en matière de protection de l’environnement. Sur un budget total de 70,5 millions d’euros pour les cinq projets, l’aide de l’ADEME s’est élevée à 6.7 millions d’euros sous forme de subventions et de 13.5 millions d’euros sous formes d’avances remboursables.