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Un sauvetage spectaculaire et qui interroge se déroule actuellement en Antarctique, à 100 milles de la base française Dumont d’Urville, en Terre Adélie. Le 25 décembre, le navire russe Akademik Shokalskyi a déclenché sa balise de détresse, suite à son enfermement dans les glaces. L’Akademik Shokalskyi, un navire classé glace (mais sans capacité brise-glace) de 70 mètres de long, avait appareillé le 8 décembre de Nouvelle-Zélande avec 52 passagers et 22 membres d’équipage. Affrété par Australisian Antarctic Expedition, il devait effectuer la même navigation que celle de l’’explorateur Douglas Mawson, il y a un siècle. Si des expériences scientifiques étaient au programme, le voyage se voulait également récréatif avec des passagers touristes.
 
 
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© DROITS RESERVES
L'Akademik Shokalskyi (DROITS RESERVES)
 
 
 
Déroutement de trois navires, dont l'Astrolabe
 
 
Après le déclenchement de l’alerte, les secours sont lancés par l’Australie, responsable de la zone en matière de sauvetage. Une zone très australe et particulièrement dangereuse, notamment en raison des changements brutaux de conditions météorologiques. Et une zone qui ne se  distingue pas par l’abondance de son trafic, évidemment. Les seuls navires sur place sont soit des navires scientifiques, soit des navires de ravitaillement des différentes bases se situant en Antarctique.
Les sauveteurs australiens n’ont donc pas vraiment le choix et ils doivent  ordonner aux trois navires présents à proximité, soit deux jours de navigation, de se dérouter : le supply français Astrolabe, affrété par l’Institut Polaire Paul Emile Victor (IPEV) pour le ravitaillement de Dumont d’Urville, le brise-glace  chinois de recherche  Xue Long (Dragon des Neiges) et le brise-glace australien Aurora Australis, en mission de ravitaillement des bases australiennes antarctiques.
 
 
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© IPEV
L'Astrolabe (IPEV)
 
 
Evacuation des 52 passagers par hélicoptère
 
 
A des vitesses de progression très lentes et  dans des conditions météo particulièrement difficiles, les trois navires font route vers l’Akademik Sholaskyi. Le 28 décembre, l’Astrolabe qui n’a pu franchir le pack de glace le séparant du navire prisonnier est libéré par les secours. Le Dragon des Neiges arrive à proximité -12 milles - le même jour. Il ne peut progresser. Décision est alors prise, le 30 décembre, d’évacuer les 52 passagers avec l’hélicoptère du brise-glace chinois. 
Une opération très lourde puisque le temps de vol est de 45 minutes, avec une capacité d’emport de 12 personnes. Celle-ci démarre dans la soirée et dure quatre heures. Les passagers et leurs bagages transitent par le Dragon des Neiges avant de rejoindre l’Aurora Australis par bateau. Les 22 marins de l’Akademik Sholaskyi restent à bord.
Mais le 3 janvier, c’est au tour du Dragon des Neiges d’être pris dans les glaces. Sa capacité brise-glace de 2.5 mètres ne lui permet d’avancer dans les packs de 4 mètres d’épaisseur qui se sont formés.  Le sauveur et le sauvé sont donc depuis dans la même situation. L’Aurora Australis, d’abord resté sur zone, a été libéré par les sauveteurs australiens après que les deux équipages aient assuré qu’ils ne courraient aucun danger. Il a repris sa mission de ravitaillement de la base Casey puis il remettra le cap vers l’Australie.
 
 
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© DROITS RESERVES
Le Xue Long (DROITS RESERVES)
 
 
Le Polar Star au secours des bateaux emprisonnés
 
 
Les sauveteurs australiens ont depuis demandé et obtenu l’intervention du brise-glace Polar Star, des garde-côtes américains, pour venir dégager les navires chinois et russe. Le Polar Star, long de 122 mètres et avec une capacité brise-glace de 6 mètres, est actuellement dans les eaux australiennes pour effectuer l’ouverture d’un passage vers la base américaine de McMurdo. Il devrait prochainement appareiller vers Commonwealth Bay pour rejoindre les navires emprisonnés d'ici une semaine.
 
 
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© USCG
Le Polar Star (US COASTGUARD)
 
 
Colère des scientifiques
 
 
Cette impressionnante mobilisation de moyens n’est pas encore chiffrée mais l’addition sera sans doute astronomique. Même si personne ne renie le fait qu’il fallait tout mettre en œuvre pour sauver le navire et ses passagers, un certain nombre de spécialistes,  notamment scientifiques, ont laissé éclater leur colère. Ainsi Yves Frenot, président de l’Institut polaire Paul-Emile Victor, rappelle, sur les ondes de RFI, que cette opération a déjà des « impacts sur les programmes scientifiques des trois pays » dont les navires sont venus porter assistance. L’Astrolabe a ainsi dû annuler une campagne océanographique. « Ce que je regrette c’est que des opérations privées avec des touristes et quelques scientifiques se mettent dans des situations susceptibles de les exposer à des risques importants, d’exposer ceux qui viennent les sauver à des risques et ont un impact sur les programmes scientifiques antarctiques ». 
Il est important de rappeler que la fenêtre de tir pour les opérations scientifiques et de ravitaillement dans la zone est très réduite. Et que tout délai à ce programme établi minutieusement peut avoir des conséquences assez lourdes sur l’approvisionnement des bases ou sur des campagnes scientifiques onéreuses.
 

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