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Quelques mois après la signature du décret actant la création d’une flotte de marine marchande stratégique française, les armateurs ont fait le point sur l’évolution de ce dossier. « Le travail ne fait que commencer », souligne Jean-Marc Roué, président d’Armateurs de France qui rappelle l’idée ayant présidé à la création de cette flotte stratégique : « c’est avant tout la préservation de savoir-faire », notamment ceux concourant à la sécurité du pays. « Loin de nous l’idée de vouloir sanctuariser des navires, ce que nous voulons c’est garder et créer des filières dynamiques. Nous avons pu mesurer récemment les conséquences du désagrégement du lien entre la nation et sa marine marchande : en perdant notre flotte sismique française (NDLR suite à la décision de CGG de désarmer ses navires français), nous avons perdu définitivement un savoir-faire stratégique ».

Définir les contours de la flotte stratégique

Il s’agit désormais de dessiner les contours de cette flotte stratégique dont la loi prévoit une « définition très ouverte », comme le précise Marie-France Rovetto, présidente du Conseil supérieur de la marine marchande (CSMM). Le texte prévoit ainsi que la flotte stratégique sera activée en temps de crise, « mais de quelle crise s’agit-il ? Comment évaluer le caractère indispensable ? Est ce un simple élargissement du concept de la loi de 1992 sur la sécurité des approvisionnements ? Doit-on aller plus loin en termes de réquisitions que la loi Tramin qui a été utilisée une centaine de fois depuis les cinquante dernières années? Comment repenser les conditions dans lesquelles les navires marchands complèteraient les besoins de la Marine nationale, alors que nous avons déjà des cadres d’action que sont la Force Auxiliaire Occasionnelle et la Force Militaire complémentaire, même si cette dernière n’a jamais été formalisée ? » En un mot quelle sera la portée effective de cette future flotte stratégique, y compris dans les obligations juridiques qu’elle va impliquer...

« Cette flotte reste complètement à construire », confirme Jean-Philippe Quitot, chef de la mission flotte de commerce à la direction des Affaires maritimes. « Son objectif est d’avoir les moyens de répondre aux crises civiles et militaires. Mais il nous faut définir la notion même de crise civile, identifier les scénarios, déterminer les niveaux de service attendus... » Autant de questions qu’il souhaiterait voir inscrites à l’ordre du jour du conseil interministériel de la mer (Cimer) qui doit se tenir en novembre.

Huit missions définies par le CSMM

Le CSMM a identifié huit missions qui relèvent, selon lui, de ces filières stratégiques à conserver et développer au sein de la marine marchande française. De l’extraction de granulats aux câbles sous-marins, ils fondent à la fois « des enjeux de souveraineté et les moyens d’une expansion économique ».  « L’approche par navire est inopérante », rappelle Marie-France Rovetti, « la mise en œuvre de ce projet ne doit pas être réduit à un calibrage de besoins mais à la préservation d’un écosystème. La flotte française doit être dynamique, ce ne doit pas être un plancher a minima ». Pour suivre la mise en œuvre de ce projet et notamment de son premier plan triennal, le CSMM a nommé une commission ad hoc, avec à sa tête Jean-Bernard Raoust, président honoraire de BRS, et Michel Le Cavorzin, secrétaire fédéral de la CGT des marins.

La problématique du financement

Parallèlement à la réflexion sur l’étendue et la mission de la flotte stratégique, des réflexions sont également menées sur son financement, marqué ces dernières années par de grosses difficultés, notamment liées au retrait massif des banques du marché. « Il faut rappeler que le tissu armatorial français est majoritairement constitué de sociétés familiales dont les moyens en fonds propres sont divers », détaille Fernand Bozzoni, président de Socatra et qui a pris la tête de la commission dédiée à cette question du financement. « Or ces fonds propres peuvent avoir des difficultés de régénérescence, notamment en période de marché bas, où on ne peut pas bénéficier de l’effet favorable de la taxe au tonnage ». L’armateur s’inquiète également de l’évolution de la convention de Bâle qui va exiger des quantités plus importantes en fonds propres pour pouvoir emprunter, ce qui va encore compliquer la situation des entreprises familiales. « La solution de l’investissement privé est également peu envisageable. Aujourd’hui, dans le shipping, on est bien loin des taux d’intérêt à 10 ou 14% qui attirent les investisseurs privés ». Alors pour donner de nouvelles perspectives à la marine marchande française, Fernand Bozzoni suggère de trouver des solutions à ce problème, « peut-être avec un mode d’amortissement plus souple, qui pourrait être allégé lors des périodes basses du marché et renforcé lors des embellies ».

 

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