Trois semaines après le naufrage du Grande America, le 12 mars, par 4600 mètres de fond, et le déclenchement du Biscaye Plan, la lutte anti-pollution entre dans une nouvelle phase. Après avoir engagé d’importants moyens maritimes et aériens pour contenir, dans l’urgence, la pollution, le dispositif évolue « en liaison étroite avec l’armateur Grimaldi Group, vers une gestion vigilante de plus long terme des conséquences de ce naufrage », a annoncé hier le préfet maritime de l'Atlantique, Jean-Louis Lozier, à Brest.

(© MARINE NATIONALE)
Irisations au-dessus de l’épave
En surface, les moyens de surveillance aérienne (avions et drones du commando Kieffer opérés depuis les navires sur zone) ou par satellite ne détectent plus de pollution significative sur le front de l’avant (la limite périphérique de la pollution initiale émise par le Grande America à la date de son naufrage). Elle avait dérivé vers le sud, puis l’ouest, s’écartant des côtes. Seules subsistent des irisations faibles, mais constantes, observées à la verticale du navire : du fioul de propulsion.
Une dizaine de navires anti-pollution sont intervenus, permettant de collecter plusieurs dizaines de tonnes de fioul lourd, sous forme de boulettes, ainsi que plusieurs centaines de tonnes d’eau polluée, débarquées à La Rochelle, où elles ont été prises en charge par l’entreprise Séché Urgence Intervention. Les embarcations de sauvetage et six conteneurs (renfermant des produits alimentaires et pour l'un d'eux des allume-feux) repérés ont été récupérés par des navires affrétés par l’armateur italien Grimaldi : l’Olympic Zeus, l’Union Lynx, le Maxiplon et le Miniplon (de la société française A2TMI). Une quarantaine sont partis à la mer au moment où le navire coulait et il en resterait plus de 300 dans l’épave, ou dispersés autour lors de la descente.

(© MICHEL FLOCH)
La coque d’un seul tenant
Mis en demeure de faire cesser la menace que fait peser l’épave sur l’environnement, l’armateur, Grimaldi, doit déployer les moyens nécessaires. La préfecture maritime entend mener un « dialogue constructif mais exigeant avec l’armateur » afin qu’il propose un plan d’action pour empêcher toute pollution supplémentaire. Sachant bien sûr que toute opération à la profondeur où se trouve le navire sera très complexe et nécessiterait des moyens rares dans l'industrie offshore.
Le navire spécialisé Island Pride, affrété par Grimaldi, a été déployé dans la zone. Il opère un ROV, un robot sous-marin, lui permettant d’ausculter l’épave. Il a déjà permis de constater l’intégrité de la coque qui repose sur un fond stable sableux. Le ROV doit permettre d’évaluer quelle quantité de combustible se trouve dans les soutes. Il s’agit aussi de déterminer s’il y a une ou plusieurs brèches, comme le laisse penser l’irisation persistante en surface.
La voilure du dispositif réduite
Le risque de marée noire a été contenu, mais la pollution n’est pas terminée et il n'est pas exclu que des résidus arrivent un jour sur la côte. « Le dispositif de lutte anti-pollution est en cours d’adaptation dans le cadre du plan d’ORSEC maritime », a expliqué le préfet. « Il s’articulera autour de deux axes : rester vigilant contre la pollution issue du Grande America dans le golfe de Gascogne et se tenir prêt à intervenir à nouveau en mer si nécessaire ».
Le front de l’avant continuera d’être surveillé par des moyens aériens ainsi que le satellite Cleanseanet de l’Agence européenne de sécurité maritime (EMSA), mais plus aucun navire anti-pollution n’y sera affecté. Seul un navire continuera de traiter la zone d’irisation, à la verticale de l’épave. Sur zone, après un week-end clément, la météo se dégrade pour plusieurs jours, avec le retour de vents de secteur ouest et de la houle.
Une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de la République de Brest. Le bureau d'enquête sur les accidents de mer italien conduit par ailleurs une enquête technique, en lien avec son homologue français.