A sa mise en service, à l’automne 2016, il deviendra le plus grand ferry exploité en Manche, dans le golfe de Gascogne et en mer d’Irlande. Un imposant navire dont les lignes futuristes vont donner un coup de jeune au transport maritime dans cette zone. D’un coût de 270 millions d’euros, il a été commandé le 13 janvier au chantier STX France de Saint-Nazaire, avec lequel Brittany Ferries travaille depuis deux ans et demi.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Soutien public à l’innovation
Le navire est issu du projet Pegasis (Power Efficient GAS Innovative Ship), à l’origine duquel on trouve un programme de recherche et développement financé par la région des Pays-de-la-Loire. Grâce à ce soutien de la collectivité territoriale, les bureaux d’études du chantier nazairien ont pu élaborer un avant projet, qu’ils sont allés présenter à Brittany Ferries. Convaincue par la solution d’une propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL) tant d’un point de vue environnemental qu’économique, la compagnie a décidé de collaborer avec STX France afin de développer un ferry de nouvelle génération. Un projet qui va également recevoir le soutien de l’Etat dans le cadre du programme Navires du Futur, issu du grand emprunt et des investissements d’avenir. A ce titre, Pegasis, qui a été retenu par l’Agence de développement économique et de maîtrise de l’énergie (ADEME) à l’issue d’un appel à manifestation d’intérêt, va recevoir une aide à l’innovation pour son système de propulsion au gaz. Toutefois, l’enveloppe initialement envisagée par l’ADEME et le Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN), soit une trentaine de millions d’euros, ne sera finalement pas si importante. Au maximum, Pegasis devrait recevoir 10.8 millions d’euros afin que la règlementation européenne en matière de soutien à l’innovation ne soit pas enfreinte. Une convention entre l’Etat et le chantier devrait être prochainement signée, sachant que le soutien n’est qu’en partie composé de subventions, le solde étant constitué d’avances remboursables.
Les pouvoirs publics ont donc clairement joué leur rôle en soutenant l’émergence d’un projet innovant, qui va se traduire par le maintien de 500 emplois sur deux ans chez STX France, permettre au chantier de voir ses solutions techniques devenir réalité (et donc de mieux pouvoir les vendre à d’autres clients) et à Brittany Ferries d’adapter sa flotte au durcissement de la règlementation environnementale.
En matière de financement, il est à souligner que, contrairement à ce qui s’est longtemps pratiqué avec l’armement breton, le navire ne sera pas financé au travers de sociétés d’économie mixte auxquelles participent les collectivités locales. Cette fois, c’est une société privée, portée par les actionnaires historiques de Brittany Ferries, qui paiera le bateau, d’un coût de 270 millions d’euros.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Un ferry de grande capacité
Le nouveau vaisseau amiral de Brittany Ferries succèdera au Bretagne, le dernier navire réalisé sur les bords de Loire pour cette compagnie, qui en a pris livraison en 1989. Long de 151 mètres et présentant une jauge de 24.534 GT, le Bretagne sera largement surclassé par le futur ferry, qui devrait porter le numéro de chantier « I32 ». Ce dernier mesurera 210 mètres de long pour 31 mètres de large, avec un tirant d’eau d’environ 7 mètres et une jauge de 53.000 GT.
Armé par 189 membres d’équipage, avec 200 cabines réservées au personnel, le navire pourra accueillir jusqu’à 2474 passagers, soit un maximum de 2663 personnes à bord. Il sera doté de 675 cabines situées aux ponts 6, 8 et 9. Elles se répartissent selon une large gamme comprenant des cabines intérieures et extérieures, avec différents standards, allant d’une offre de base à un hébergement « Deluxe ». Il y aura par ailleurs des cabines dédiées aux passagers voyageant avec des animaux, en plus de la présence à bord d’un grand chenil.
Les espaces publics seront, quant à eux, concentrés aux ponts 6 et 7, où l’on trouvera un restaurant à la carte, un self-service, un bar, un bar à vin, une boutique et des salles de cinéma. Le pont 6 s’ouvrira sur de vastes espaces extérieurs, alors que le pont 11, dédié aux loisirs, accueillera une promenade couverte et une piscine. L’ensemble sera évidemment aux standards de Brittany Ferries, une compagnie très réputée, tant pour la qualité et l’entretien de ses navires que pour le service et la nourriture proposés à bord.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Concernant le fret, Pegasis sera doté de trois ponts réservés au transport de véhicules. Réservé aux camions, le pont 3 présentera 1350 mètres linéaires de roulage alors que le pont 5, destiné uniquement aux voitures, disposera de 1570 mètres linéaires. Entre les deux, le pont 4 sera mixte (fret et tourisme), avec un car deck mobile sur la moitié du navire offrant une capacité de 720 mètres linéaires. La surface de roulage totale sera donc de 3640 mètres linéaires, de quoi par exemple embarquer 80 pièces de fret, ou 42 remorques et 650 voitures. La configuration des garages est optimisée pour le marché desservi par le navire, notamment entre l’Angleterre et l’Espagne, avec un gros flux de camions en hiver et de nombreux véhicules de tourisme sur la saison estivale. Les opérations d’embarquement et de débarquement seront possibles sur deux ponts en même temps (3 et 5), par la proue ou la poupe. Le navire dispose en effet de deux rampes à l’arrière et d’une rampe mobile à l’avant, toutes étant intégrées à la coque. De plus, au pont 5, il sera possible d’utiliser des rampes portuaires aussi bien par l’avant que par l’arrière.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Une propulsion innovante au gaz naturel liquéfié
La grande nouveauté de ce ferry réside dans le fait qu’il disposera d’une propulsion innovante, utilisant du gaz naturel liquéfié (GNL) et reposant sur des moteurs diesels-électriques. Cette solution, développée par STX France, comprend une cuve atmosphérique pouvant contenir 1200 m3 de GNL. Ce stockage adopte une technologie éprouvée, celle des cuves à membranes du type Mark III, conçues par le groupe français Gaz Transport & Technigaz (GTT) et qui équipent depuis vingt ans des dizaines de méthaniers dont les plus grands, capables de transporter 170.000 m3 de GNL. Cette technologie est dite « atmosphérique » dans la mesure où la pression de la cuve est proche de celle de l’atmosphère, soit 0.7 bar maximum, alors que la pression dans les cuves dite de type C cylindriques ou sphériques peut atteindre 10 bar. L’avantage principal de la solution développée par le chantier et GTT est de minimiser l’espace perdu par le système de stockage du gaz. Car, même liquéfié à énergie équivalente le gaz occupe trois fois l’espace que nécessiterait un combustible classique.

Intérieur d'une cuve de type Mark III sur un méthanier (© GTT)
Travaillant depuis plusieurs années sur le développement prévisible des propulsions au gaz et des besoins de l’industrie dans ce domaine (stockage à bord et solutions pour l’avitaillement), GTT, l’un des leaders mondiaux des systèmes de stockage de GNL, a signé avec STX France un accord de partenariat dans le cadre, notamment, du projet de Brittany Ferries. Mais le chantier nazairien profite également de son propre savoir-faire, issu de la réalisation, il y a quelques années, de trois méthaniers commandés par GDF Suez (Gaz de France à l’époque). Livrés en 2006 et 2007, ces les GDF Suez Global Energy, Provalys et Gaselys disposent justement d’une propulsion fonctionnant au GNL. A cette occasion, le chantier nazairien avait répondu à la problématique complexe de la régulation de l’alimentation en gaz des moteurs (notamment la pression en amont des machines. Une technologie qui va être réutilisée et améliorée pour Pegasis.

Le méthanier Provalys (© STX FRANCE - YVES GUILLOTIN)
Encombrement limité et sécurité optimale
Mais revenons au dispositif de stockage. Par rapport aux cuves sphériques du type C, la technologie Mark III présente plusieurs avantages. D’abord, l’emploi d’une structure parallélépipédique permet de limiter l’encombrement par rapport à des cuves sphériques et donc de faciliter l’intégration à bord du navire. Car la cuve de Pegasis sera logée à l’intérieur du bateau, et non à l’extérieur, comme c’est le cas sur les premiers ferries dotés d’une propulsion au GNL. On pense par exemple au Viking Grace, livré en 2012 par le chantier STX de Turku, en Finlande, et qui dispose à la poupe de deux grosses bombonnes de GNL. A l’instar des réservoirs de fuel sur les navires classiques, la cuve du navire de Brittany Ferries sera logée dans la zone technique, ce qui permet de préserver les espaces commerciaux dans les hauts du bateau et sur les ponts extérieurs, notamment à l’arrière.

Le Viking Grace avec ses deux cuves extérieures à l'arrière (© STX FINLAND)
Un autre avantage de la technologie Mark III est qu’elle offre le niveau de sécurité le plus élevé, de par sa double barrière et un espace inter-membranes surveillé en permanence par rapport aux cuves sphériques. Les aspects liés à la sécurité sont évidemment fondamentaux, surtout sur un navire destiné à transporter des passagers. C’est aussi pour cela que la localisation même de la cuve vise à la protéger d’un évènement extérieur. Longue de 27.75 mètres pour une largeur de 16 mètres et une hauteur de 3.66 mètres, elle sera située dans l’axe du navire, en avant des locaux machines et sous la ligne de flottaison (au pont 1), mais tout de même à bonne hauteur de la quille, afin d’éviter tout risque en cas d’accident, par exemple un talonnement sur des hauts fonds. Il en va de même sur chaque bord où, pour répondre à l‘hypothèse d’un abordage, les parois de la cuve sont à une demi-douzaine de mètres de la coque.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Une autonomie très importante
Comme tous les navires à passagers les plus récents, qu’il s’agisse de paquebots ou de ferries, Pegasis répondra à la règlementation SRTP (Safe Return To Port). Il sera donc à même, en cas de sinistre dans un compartiment machine, de conserver de la puissance pour répondre aux besoins en électricité des locaux publics (éclairage, climatisation, sanitaires…) et revenir vers un port par ses propres moyens. Pour cela, les systèmes sont très fortement redondés, avec notamment deux ensembles séparés et indépendants pour la production d’énergie.
Côté autonomie, on notera que la capacité de la cuve, dont le volume total, confinement compris, est de 1300 m3, est très importante. Elle dépasse par exemple largement celle des stockages du Viking Grace (400 m3) ou encore des nouveaux ferries de Fjord Line (586 m3). Ces réserves significatives vont permettre au navire de Brittany Ferries d’être exploité sans ravitaillement en combustible durant une semaine, alors que son homologue finlandais est contraint de refaire quotidiennement le plein. L’autonomie significative de Pegasis lui permettra d’être exploité sur les grandes lignes de son armateur, entre l’Espagne et le Royaume-Uni et entre la France et l’Irlande.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Propulsion diesel/gaz-électrique
Le navire, qui pourra également fonctionner au gasoil (800 m3 de réserve pour le Maritime Gas Oil – MGO) comme carburant secondaire, se distingue aussi par l’adoption d’une propulsion diesel-électrique, alors que les ferries disposent traditionnellement d’une propulsion mécanique. Ce choix découle des besoins en énergie du bateau, qui doit pouvoir se passer de l’assistance de remorqueurs la plupart du temps et doit être en mesure de manœuvrer dans des conditions météo très difficiles, jusqu’à 40 nœuds de vent. Un environnement parfois très dur qui suppose des impacts de charge très forts pour obtenir la puissance nécessaire. Or, il se trouve que la propulsion au gaz est un peu moins réactive que la propulsion habituelle. L’architecture mécanique, qui repose sur des moteurs diesels, un réducteur et des hélices à pas variable, est remplacée sur Pegasis par des moteurs diesels-électriques fonctionnant aussi au gaz, des alternateurs et des moteurs électriques de propulsion entrainant deux lignes d’arbres avec hélices classiques. Le couplage alternateur/moteur offre une importante réserve de puissance, qui permet de répondre aux pics de charge, alors que les hélices à pales fixes donnent un meilleur rendement hydrodynamique. Au final, les capacités manœuvrières du navire, qui dispose par ailleurs de deux propulseurs d’étrave de 2.5 MW à l’avant et d’un propulseur de 2MW à l’arrière, sont améliorées.
Concrètement, Pegasis sera équipé de quatre moteurs hybrides (diesel et GNL) couplés chacun à un alternateur, alimentant deux gros moteurs électriques de propulsion développant chacun 17 MW. L’ensemble de la puissance produite atteindra près de 45 MW et permettra au ferry d’atteindre la vitesse de 24.5 nœuds.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Optimisation énergétique et gains environnementaux
Bien entendu, Pegasis fait l’objet d’efforts significatifs pour améliorer son efficience énergétique. Sa carène a, notamment, bénéficié d’un très important travail, d’abord avec des outils de simulation numérique puis en bassin d’essais, de manière à optimiser l’hydrodynamisme. De même, STX France a effectué de gros travaux de recherche et développement au niveau de la récupération d’énergie. Le navire bénéficie par exemple d’un système de récupération énergétique de la réfrigération (haute et basse température) sur les moteurs . Tout cela contribue à réduire la consommation en combustible. Un avantage économique mais aussi écologique.
En matière d’environnement, la propulsion au gaz représente, en tous cas, une avancée majeure et une réponse efficace au durcissement de la règlementation sur les émissions polluantes. C’est d’ailleurs cette contrainte légale qui contraint actuellement les armateurs à moderniser leurs flottes. Ainsi, à partir du 1er janvier 2015, entrera en vigueur l’annexe VI de la convention internationale Marpol, qui imposera aux navires évoluant en Manche, mer du Nord et Baltique d’utiliser des carburants désulfurés. Une règlementation qui a fait l’effet d’une bombe dans le secteur maritime puisqu’elle oblige les compagnies à procéder à de lourds investissements.
Le gaz comme solution idéale
Pour se mettre en règle, les armateurs ont un panel de choix très limité. Le premier, qui ne nécessite aucune adaptation, consiste à passer du fuel lourd (Heavy Fuel Oil – HFO) au gasoil (MGO), mais ce dernier est environ 40% plus cher, ce qui met à mal le modèle économique du transport maritime. La seconde solution porte sur la mise en place de systèmes de lavage de fumées. Ces « scrubbers » sont efficaces pour empêcher les rejets d’oxydes de soufre (SOx) mais ils présentent une contrainte majeure. En dehors de leur prix (plusieurs millions d’euros par moteur sur une propulsion mécanique), ils entrainent un accroissement de la masse dans les hauts du navire, puisqu’il s’agit d’envoyer des milliers de m3 d’eau vers les cheminées pour laver les fumées. Ce surpoids, qui se traduit en centaines de tonnes sur un ferry, pose d’évidents problèmes de stabilité, qui rendent l’intégration de tels dispositifs très complexes. En outre, les scrubbers engendrent une consommation énergétique qui aboutit à un surcoût de carburant dans les frais d’exploitation. L’adoption de systèmes de lavage de fumée, malgré leurs contraintes, est la solution actuellement privilégiée par la majeure partie des armateurs. Mais au-delà des difficultés techniques et des coûts, le scrubber ne constitue pour le moment qu’une réponse à court terme destinée à mettre la flotte en ligne avec l’entrée en vigueur de Marpol VI. Il faudra, ensuite, adapter les bateaux à la mise en place de nouvelles restrictions, notamment sur les émissions d’oxydes d’azote, ce qui sera le cas en 2021, avec un objectif de réduction de 80% des rejets de NOx. Ensuite, il faut s’attendre à une très probable taxation des émissions carbone, ce qui nécessitera de diminuer les rejets de CO2.

Le futur navire de Brittany Ferries (© STX FRANCE)
Un surcoût amorti en quelques années
Dans cette perspective, le GNL est un atout et la meilleure solution actuellement disponible puisqu’il élimine quasiment les rejets de SOx et NOx, tout en réduisant de 20% les émissions de CO2, et celles des particules fines de 60%. Pour ce qui est du coût, la construction d’un navire doté d’une propulsion au gaz est plus onéreuse. Mais, explique-t-on chez STX France, la différence est rapidement amortie. Alors que les frais de soute d’un grand ferry coûtent une vingtaine de millions d’euros chaque année, le GNL représente, à puissance équivalente, une économie de 20%, soit environ 4 millions de gains par an. Le prix du GNL est, de plus, inférieur à celui du HFO et les opérateurs comme les constructeurs tablent sur une certaine stabilité des tarifs dans les prochaines années, en raison de la découverte régulière de nouveaux gisements de gaz et la montée en puissance, aux Etats-Unis notamment, de l’exploitation du gaz de schiste. Tant et si bien que le surcoût lié à la technologie GNL devrait être amorti en moins de cinq ans.

Le Pont Aven (© MICHEL FLOCH)
Refonte des navires existants
En plus de la commande du Pegasis, Brittany Ferries a également confirmé sa décision de refondre ses trois navires les plus récents afin de les doter d’une propulsion au GNL. Il s’agit de l’Armorique (165 mètres, 29.468 GT, 1500 passagers et 470 véhicules légers ou 60 poids lourds, mis en service en 2008), du Pont Aven (185 mètres, 40.859 GT, 2400 passagers, 650 VL ou 60 PL, 2004) et du Mont St Michel (173 mètres, 35.586 GT, 2170 passagers, 830 VL ou 125 PL, 2002). Ces ferries doivent être équipés d’ici 2016, alors que les Cap Finistère (204 mètres, 32.728 GT, 1500 passagers, 85 VL et 110 PL, 2001), Normandie (161 mètres, 27.541 GT, 2100 passagers, 648 VL ou 85 PL, 1992) et Barfleur (158 mètres, 20.133 GT, 1200 passagers, 547 VL ou 75 PL, 1992), considérés comme trop anciens, recevront des scrubbers.

Le Cap Finistère (© MICHEL FLOCH)
Pour ce qui est des Armorique, Pont Aven et Mont St Michel, ces navires vont bénéficier d’importants travaux afin de débarquer leur propulsion d’origine et la remplacer par des moteurs hybrides, ainsi que des moteurs électriques, sans oublier l’intégration de la cuve de stockage du gaz naturel liquéfié. Il s’agit d’un projet très complexe et coûteux, pour lequel Brittany Ferries a demandé à STX France de faire une offre. L’un des challenges de l’opération sera de réaliser la refonte sans perturber les activités commerciales de la compagnie. Pour cela, l’une des principales contraintes résidera dans la durée du chantier, qui devra s’insérer les arrêts techniques programmés des navires et ne devra pas excéder trois à quatre semaines. Les travaux seront réalisés dans les chantiers européens où la compagnie envoie habituellement sa flotte pour réparation et maintenance. Si STX France décroche le marché, l’ingénierie sera réalisée à Saint-Nazaire et une équipe sera déployée afin de gérer sur place l’exécution du projet. Un savoir-faire dont dispose le chantier français, qui a déjà procédé à de nombreux travaux bien loin de ses bases, l’une des dernières opérations en date étant la remotorisation des paquebots Coral Princess et Island Princess, réalisée début 2013 chez Grand Bahama Shipyard, aux Bahamas.

Une solution de transbordeur proposée par GDF Suez (© GDF SUEZ)
La question de l’avitaillement en gaz
La mise en service de Pegasis et l’adoption par trois autres navires de la flotte d’une propulsion au gaz pose évidemment la question du soutage. Il faut, en effet, prévoir le ravitaillement de ces bateaux, sachant la consommation annuelle de Pegasis est estimée à 56.600 m3 de GNL, soit 25.500 tonnes, alors qu’elle se chiffre à 61.000 m3 (27.500 tonnes) pour le Pont Aven, 34.400 m3 (15.500 tonnes) pour le Mont St Michel et 24.400 m3 (11.000 tonnes) pour l’Armorique. Les ports d’escale des ferries devront être équipés de dispositifs d’avitaillement et s’appuyer sur la logistique nécessaire aux approvisionnements. Il s’agit là d’un point très sensible puisque les armateurs doivent avoir l’assurance de pouvoir être livrés en gaz froid (le GNL est stocké à – 169 degrés dans les cuves et est considéré comme « chaud » à – 158 degrés).
Plusieurs solutions sont possibles. La première consiste à réaliser des installations portuaires de stockage intermédiaire et de distribution de GNL, sur lesquelles les navires viennent regarnir leurs cuves. Ce devrait normalement être le cas à Roscoff, mais aussi à Plymouth, l’un des grands ports britanniques desservis par la compagnie. Néanmoins, la solution qui devrait s’imposer à l’avenir dans la majorité des ports repose sur des navires ou barges de ravitaillement, de petits transbordeurs d’une capacité de 4000 à 5000 m3 de GNL qui assureraient des avitaillements à couple. Cette approche présente l’avantage d’être mobile et très flexible. Les transbordeurs peuvent en effet aller faire le plein dans les terminaux méthaniers les plus proches (par exemple Gijón en Espagne ou Montoir en France) puis rejoindre le port d’escale des ferries pour les servir.

L'Armorique dans le port de Roscoff (© BRITTANY FERRIES)
Cette activité nouvelle est en train d’émerger en Europe et tous les grands opérateurs, comme Total, GDF Suez ou Shell, mais aussi des acteurs plus petits, à l’image de Gasnord, ont confirmé qu’ils étaient capables de livrer du GNL dans les ports et disposaient de solutions pour l’avitaillement des navires. C’est d’ailleurs cette assurance des opérateurs qui a convaincu Brittany Ferries de lancer son grand projet de transition énergétique, qui représente pour la compagnie un investissement global de 400 millions d’euros entre la construction de Pegasis et l’adaptation des navires en service.
La montée en puissance de la propulsion au gaz dans la flotte marchande, qui devient palpable en Europe du nord, représente un marché très intéressant au niveau des approvisionnements. Car il passe par la construction d’installations terrestres mais aussi de petits méthaniers, sur lesquels se positionnent les chantiers, dont évidemment STX France.