Aller au contenu principal

Evolution et tendances du marché mondial et français du gaz, situation des terminaux méthaniers tricolores, développement et opportunités liées à l’emploi du GNL comme carburant pour les navires maritimes et fluviaux… A l’occasion du Congrès national du Gaz, qui s’est ouvert hier et se poursuit ce mercredi à Paris, nous faisons le point sur le secteur gazier avec Jérôme Ferrier, président de l’Association Française du Gaz.

MER ET MARINE : Quelles sont actuellement les grandes tendances mondiales du marché du gaz et les perspectives à venir ?

JEROME FERRIER : Le marché du gaz naturel est toujours en croissance même si cette dernière est modérée. Le marché asiatique est très dynamique tiré par la production électrique en remplacement du charbon. Le gaz émettant 80% de moins de CO2 que le charbon et surtout presque pas de particules ni de NOx, ni de SOx. La consommation gazière européenne a également connu une croissance ces derniers mois due à la reprise économique.

Les perspectives sont encourageantes. Pour l’Agence Internationale de l’Energie, le gaz est la seule énergie fossile qui va croitre dans les prochaines décennies y compris dans le cas du scenario permettant de respecter l’Accord de Paris et la limitation du réchauffement climatique en dessous de 2°C.

Parlons de situation en France. Que représente aujourd’hui le gaz dans la consommation hexagonale ?

Le gaz naturel représente 15% du mix énergétique français. La consommation française est d’environ 500 TWh. Les principaux usages sont industriels où le gaz est utilisé comme matière première – par exemple la chimie, les usages du secteur résidentiel et tertiaire pour le chauffage et l’eau-chaude sanitaire, la production électrique (14 centrales à gaz en France et de nombreux sites de cogénération). Apparaissent  de nouveaux usages comme la mobilité avec le transport routier de marchandises et le transport maritime pour répondre aux enjeux de la lutte contre la pollution de l’air.

Comment s’organisent les importations ?

La France importe la totalité du gaz consommé en France à l’exception du bio méthane en production (soit actuellement 1% du gaz consommé en France mais avec un objectif de 10% en 2030 dans le cadre de la loi transition énergétique). Le gaz est importé soit par gazoduc soit par bateaux (méthaniers).

Quelle est la part du GNL arrivant dans les ports français par méthaniers ? D’où provient ce gaz ? Y-a-t-il des cargaisons de gaz de schiste arrivant en France sous forme liquéfiée ?

En 2016, 20% du gaz consommé en France a été transporté par méthaniers jusqu’aux terminaux français. Le GNL importé en France provient du Qatar, de Norvège, d’Algérie, du Nigéria. La France ne produit pas de gaz de schiste et aucune cargaison de GNL américain n’a été livrée en France. Il faut souligner que seuls les Etats-Unis produisent du gaz de schiste et que ce qui distingue le gaz conventionnel du gaz de schiste, c’est la technique de production. La molécule est la même. Du coup, quand les Etats-Unis livrent du GNL, il est impossible de savoir quelle est la provenance exacte du gaz, les Etats-Unis ne produisant pas d‘ailleurs que du gaz de schiste.

Les importations de GNL dans les ports français se sont réduites ces dernières années alors que les capacités se sont développées. Y-a-t-il trop ou suffisamment de terminaux méthaniers en France ?

Il y a depuis fin 2016, quatre terminaux de regazéification repartis sur les façades maritimes françaises (Fos Tonkin, Fos Cavaou, Montoir-de-Bretagne et Dunkerque)  ce qui est un atout considérable pour la sécurité énergétique de notre pays. Le marché du GNL est un marché où les arbitrages sont économiques et parfois rapides. Aujourd’hui, le GNL est principalement consommé en Asie mais avec les projets australiens qui vont tous bientôt entrer en production, il y aura du GNL à proximité des marchés asiatiques ce qui redirigera le GNL vers l’Europe. Par ailleurs, la production domestique de gaz européen en Mer du Nord va reculer et donc l’Europe aura besoin d’importer plus de gaz. Le marché du GNL est en pleine expansion tiré par l’augmentation des échanges mondiaux et par l’arrivée de nouveaux marchés. Il est dans ce contexte important de pouvoir disposer de capacités d’importation permettant de faire les arbitrages commerciaux nécessaires. 

Dans cette perspective, attendez-vous beaucoup du développement du GNL comme carburant pour les navires ?

Dans le transport maritime et fluvial, les nouvelles normes européennes et internationales plus strictes en matière d’émissions de dioxyde de soufre poussent les armateurs à adapter leurs flottes. Le gaz naturel liquéfié, qui présente l’intérêt de préserver la qualité de l’air en émettant une faible quantité d’oxydes de soufre, d’oxydes d’azote et de particules fines tout en réduisant le CO2 d’environ 25% est le seul carburant viable pour répondre à ces nouvelles réglementations. 

Jusqu’à quel niveau pensez-vous que le GNL peut se développer en France en matière d’avitaillement de bateaux ?

A l’AFG nous avons travaillé en 2016 à la préparation du Cadre d’action national pour les carburants alternatifs (dans le cadre de la Directive européenne) et nous avons identifié les perspectives de développement du GNL carburant marin et fluvial pour la France. Les projections de l’AFG pour 2030 donne une fourchette de soutage allant jusqu’à 70% du marché actuel de soute.

Cependant, le mouvement sera mondial. Au regard des commandes, plus de 200 bateaux dans le monde circuleront au GNL en 2019.

Et les annonces de commandes continuent à être publiées chaque jour. Pour la France, au-delà du paquebot AIDA Prima qui soute déjà dans le Port du Havre, deux projets intéressants ont été récemment confirmés : la conversion de la drague Samuel de Champlain dans le Port de Saint-Nazaire et la commande du ferry Honfleur à propulsion GNL de Brittany Ferries.

Comment peut-on envisager le déploiement de stations de soutage sur les côtes? Quelles sont notamment les contraintes techniques, économiques et administratives ?

Les solutions de soutage s’appuieront sur les terminaux GNL déjà présents. Plusieurs solutions sont ensuite possibles pour avitailler un bateau. Le soutage pourra se faire dans de nombreux cas par camion-citerne (truck-to-ship) au moins dans un premier temps car cette solution est facile, rapide et moins coûteuse à mettre en œuvre. Elle reste limitée en termes de volumes et parait bien adaptée pour les ferries.

Pour les navires de croisière et les porte-conteneurs qui ont besoin de gros volumes de carburant, l’avitaillement se fera avec un navire ou une barge de soutage (solution ship-to-ship).

Le GNL est donc une véritable opportunité pour les ports. Il faut adapter les réglementations actuellement applicables à l’arrivée de ce nouveau carburant pour les navires. Il faut trouver des incitations pour activer l’amorçage de cette filière naissante. La plateforme GNL carburant marin et fluvial montée en avril dernier avec les acteurs de la filière est là pour créer les conditions du développement industriel.

Des partenariats sont-ils envisagés entre distributeurs/logisticiens de gaz et armateurs?

Des partenariats sont envisagés, pour preuve la récente annonce de Brittany Ferries qui dans le cas de son nouveau navire pour sa traversée transmanche s’est associé à Total pour la distribution de carburant et Dunkerque LNG pour la logistique.

Quels freins éventuels au développement de ces services ?

Le frein principal réside dans le fait que c’est un marché naissant et qu’il faut construire conjointement le modèle économique associé à la fourniture de GNL carburant marin et fluvial.

Alors que l’Europe du nord est très en avance, l’industrie française et ses spécialistes du gaz peuvent-ils être en pointe ?

L’industrie française a été pionnière en matière de GNL et possède une expertise reconnue dans le monde entier. Il existe également des leaders mondiaux français chez les armateurs. La rencontre de ces deux industries ne peut que faire de la France un pays en pointe sur le secteur du GNL carburant marin et fluvial.

 

Aller plus loin

Rubriques
Marine marchande Construction navale