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Si les naufrages de ferries sont malheureusement monnaie courante en Asie du sud-est, la perte du Sewol fait office de drame national en Corée du sud, qui n’a pas connu une telle catastrophe depuis une vingtaine d’année. Et le retentissement médiatique est international. Le navire, qui assurait la liaison entre Incheon, au nord-ouest, et l’île de Jeju, au sud-ouest du pays, a chaviré le 16 avril. Sur 476 personnes se trouvant à bord, le bilan provisoire faisait état, hier soir, de 64 morts et 238 disparus. Sur place, les très importants moyens de sauvetage déployés par les autorités coréennes, dont des dizaines de plongeurs, poursuivent leurs recherches afin de retrouver d’éventuels survivants et extraire les corps de l’épave.

 

 

352 lycéens à bord et un équipage mis en cause

 

 

Alors que l’enquête vient à peine de débuter, ce naufrage émeut fortement l’opinion publique, probablement en raison de la présence, à bord du ferry, de 352 lycéens. Et l’affaire a pris une tournure très polémique. Les media locaux évoquent des défaillances au niveau de la compagnie, Chonghaejin Marine, accusée notamment de graves lacunes au niveau de la sécurité et de la formation des équipages. Interrogé par la police, un marin a déclaré qu’il n’avait jamais été préparé aux situations d’urgence. L’équipage est, d’ailleurs, dans le collimateur des autorités, la présidente sud-coréenne ayant estimé hier que son comportement était « totalement incompréhensible, inacceptable et équivalent au meurtre ». Le capitaine, ainsi que six autres marins du Sewol, ont d’ailleurs été arrêtés. Il est notamment reproché au commandant d’avoir tardé à ordonner l’évacuation avant d’avoir lui-même abandonné le navire alors que des centaines de personnes étaient encore à bord.

 

 

Les circonstances encore floues

 

 

Les circonstances de l’accident demeurent encore assez floues. Après avoir subi un violent choc, le Sewol s’est immobilisé et a apparemment coulé quarante minutes plus tard. Durant ce laps de temps, des survivants affirment qu’ils ont reçu comme consigne de rester assis sur leurs sièges. D’après le capitaine du navire, qui s’est exprimé devant la presse, cette attente tenait au manque de moyens d’assistance sur zone et aux conditions de mer : « Les bateaux de secours n’étaient pas arrivés, il n’y avait pas non plus de bateaux de pêche, ni d’autres embarcations pour aider (…) Les courants étaient violents et l’eau était très froide dans cette zone (…) J’ai pensé que les passagers seraient emportés et qu’ils se trouveraient en difficulté s’ils évacuaient dans le désordre ».

 

 

Le Sewol a été construit il y a 20 ans au Japon  (© MARINE TRAFFIC)

 

 

De nombreuses questions en suspens

 

 

Il faut désormais attendre d’en savoir plus pour comprendre ce qui s’est exactement passé. L’enquête devra répondre à de nombreuses questions, notamment sur le plan technique : Quel était l’état du Sewol, un navire de 145 mètres de long construit en 1994 au Japon et racheté en 2012 par Chonghaejin Marine, qui a réalisé des modifications, en incluant par exemple de nouvelles cabines dans les ponts supérieurs ? D’où provenait le choc perçu lors de l’accident et quel a été l’impact sur la coque ? Y-a-t-il eu un éventuel problème d’arrimage de la cargaison sur le pont des véhicules ? Celui-ci n’était-il pas trop chargé ? Qu’en était-t-il de la formation de l’équipage, notamment en matière de procédures d’urgence ? Et bien entendu, quid du fonctionnement des moyens de secours à bord, à commencer par les canots de sauvetage ? Sans oublier évidemment l’enchaînement des évènements et les raisons qui ont présidé aux choix et réactions des marins.

 

 

Eviter les conclusions hâtives

 

 

En attendant, comme ce fut le cas en janvier 2013 avec le Costa Concordia, il convient d’éviter toute conclusion hâtive et de rester très prudent. Dans ce genre d’évènement, la pression médiatique et populaire est en effet très forte, conduisant souvent à un empressement ne favorisant pas, dans un premier temps, l’émergence de la vérité. Sur le plan politique, les déclarations de la présidente sud-coréenne, qui charge sans ménagement l’équipage, sont par exemple à mettre en rapport avec les vives critiques formulées à l’encontre du gouvernement de Séoul quant à une présumée lenteur dans l’intervention des secours. Une manière donc de reporter la vindicte populaire sur les marins, pour lesquels seule l’enquête permettra de déterminer le niveau de responsabilité. 

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