Y-a-t-il un avenir pour la SNCM ? Faut-il qu’elle paie les 440 millions d’euros que la Commission européenne lui ordonne de rendre à la France ? Faut-il liquider l'entreprise ? Qui reprendrait alors l’activité ? Et dans ce cas que se passerait-il avec le contrat de délégation de service public pour la desserte de la Corse, dont la SNCM, conjointement avec La Méridionale, est titulaire pour la période 2014-2023 ?
Beaucoup de questions et une pression politique qui va crescendo au cabinet du ministre des Transports Frédéric Cuvillier, qui a choisi la très inconfortable posture du bras de fer avec Bruxelles, en annonçant par voie de presse, samedi dernier, que la France persisterait à ne pas réclamer ces sommes à la SNCM.
Un comité de pilotage des actionnaires
Dans une atmosphère d’urgence, durant le week-end, un « comité de pilotage des actionnaires » a été monté au ministère. Pour mémoire les actionnaires de la SNCM sont l’Etat (25%), Transdev (33% à la Caisse des Dépôts et 33% à Véolia) et les salariés pour 9%. Le comité devrait statuer sur l’avenir de la compagnie le 20 décembre prochain. Avec deux solutions possibles : continuer l’activité en apurant la dette de 440 millions ou liquider la société, ce qui effacera automatiquement cette dette. L’option, évoquée par Frédéric Cuvillier, de continuer l’activité en ne payant pas la dette est juridiquement impossible et ouvre la voie à une condamnation de la France.
Qui peut payer un plan de refinancement ?
Si le comité de pilotage suit les recommandations ministérielles – ne pas provoquer d’incident politique à Marseille avant les municipales – il va donc devoir rapidement mettre en place un plan de (re) financement de la SNCM qui devra permettre non seulement de payer la dette de 440 millions d’euros, mais également de combler le déficit de trésorerie de la compagnie, sans oublier le nécessaire plan d’investissement pour le renouvellement de la flotte. Bref, des sommes considérables à mettre sur la table, et cela très vite.
Qui peut payer ? L’Etat ? Compliqué quand on sait la Commission à cran sur le chapitre des aides publiques à la SNCM. Veolia ? Le géant de l’eau était censé signer un accord avec la Caisse des Dépôts le 31 octobre dernier pour reprendre les 66% de Transdev. Une signature qui n’a finalement pas eu lieu puisque Veolia refusait de payer les dettes –d’alors – de la SNCM. Avec 440 millions d’euros en plus, il est difficile d’imaginer que le groupe soit enthousiaste, d'autant que son président Antoine Frérot a déjà annoncé qu’il n’avait pas vocation à rester actionnaire de l’armement. Le montage du plan financier s’annonce déjà fort ardu.
« Un SNCM bashing très rentable »
L’autre solution est la liquidation. Celle-ci amènerait à la vente des actifs de la société : la flotte mais également le contrat de DSP dont la SNCM est titulaire – et qui devra sans doute être revu, voire « recompartimenté » sur les liaisons entre Marseille et les différents ports corses. Une solution qui aiguise des appétits, ce qui est violemment dénoncée par Marc Dufour, président du directoire de la compagnie, dans les colonnes des Echos d’hier : « il y a une forme de "SNCM bashing" très rentable. Je dis rentable, car beaucoup de ceux qui s’échinent à nous abattre lorgnent surtout sur la proie avec la gourmandise du boucher qui sait d’un coup d’œil que la découpe multipliera le prix d’une viande qu’il voit sur pied et qu’il sait belle même si le poil de la bête ne brille pas ».
Parmi les scénarios évoqués dans cette hypothèse, il y a celui d’une reprise partielle des activités par la Compagnie Méridionale de Navigation, actuelle associée de la SNCM dans le cadre de la délégation de service public. Et une possible entrée de Corsica Ferries dans la DSP.
« Que veut dire le ministre ? »
Corsica Ferries, directement visé par le ministre qui disait le week-end dernier, dans les colonnes de la Provence, « ne pas oublier ceux qui sont à l’origine de ces plaintes » a également réagi. « Que signifie cette phrase ? Est-elle une menace, une tentative de représailles contre une entreprise qui plus que toute autre a considérablement développé l’économie touristique corse ? » Et le ton devient encore plus acerbe : « l’Etat de droit ne permet-il pas à tous de faire valoir leurs arguments devant les tribunaux et de demander l’annulation des actes illégaux ? Cette phrase du ministre, si elle était confirmée, constituerait un abus de droit et plus encore, une prise de position officielle mettant en cause le respect de l’Etat français à l’égard des obligations qui lui incombent selon le droit de l’Union européenne, de son devoir de loyauté et de coopération à l’égard des institutions et du développement de l’Europe ».