Après avoir reporté plusieurs fois sa décision, le tribunal de commerce de Paris a finalement choisi hier la société exploitant le tunnel sous la Manche comme repreneur de trois navires de SeaFrance. Il s'agit des ferries Rodin et Berlioz, ainsi que du fréteur Nord-Pas-de-Calais. Un jugement qui ne constitue pas une grande surprise dans la mesure où Eurotunnel était le seul candidat à proposer de reprendre les trois bateaux. DFDS et le groupe Louis Dreyfus Armateurs ne s'intéressaient en effet pas au Nord-Pas-de-Calais et Stena Line ne souhaitait reprendre que le Rodin. Quant au quatrième navire exploité auparavant par l'armement, le ferry Molière, il n'appartenait pas à la société SeaFrance et a donc été exclu de la procédure. Relancer la compagnie en s'appuyant sur la Scop Eurotunnel a, au final, acquis pour 65 millions d'euros les trois navires, mais aussi les outils de SeaFrance, comme le fichier client et le système de réservation. Le groupe souhaite désormais relancer la compagnie en s'appuyant sur la société coopérative et participative (Scop) montée par des anciens de la compagnie. Dirigée par Jean-Michel Giguet, ancien directeur général de Brittany Ferries, la société louera les actifs de SeaFrance. Ce projet doit permettre de redonner du travail à plus de 500 personnes, SeaFrance employant pour mémoire 1010 salariés, dont 880 en France, avant sa liquidation judiciaire, prononcée en janvier dernier. Eurotunnel et la Scop vont désormais s'atteler à remettre la machine en route avec pour objectif de rouvrir dès cet été la ligne Calais - Douvres et de monter en puissance progressivement dans les mois qui suivront. On notera que pour permettre à la compagnie de se relancer, son ancienne maison-mère, la SNCF, aurait accepté de faire le deuil d'une partie des créances de son ex-filiale, qui s'élèveraient à 180 millions d'euros. Le Nord-Pas-de-Calais (© : SEAFRANCE) « Une solution pérenne sur le plan économique et favorable à l'emploi » Suite à l'annonce de la décision du tribunal, le ministre délégué aux Transports et à l'Economie maritime a fait part de sa satisfaction : « La justice a retenu une solution pérenne sur le plan économique et favorable à l'emploi, tout en respectant l'intérêt des créanciers », a estimé Frédéric Cuvillier. Selon lui : « L'emploi doit pouvoir l'emporter sur cette partie du littoral, dont le transmanche a été l'un des poumons, pour permettre à l'économie maritime de prendre tout son sens. Trop longtemps négligée, elle fait désormais partie intégrante de l'action gouvernementale ». Une reprise dans un environnement très dur SeaFrance n'est, pour autant, pas encore sortie d'affaire. Certes, la compagnie va pouvoir redémarrer avec une situation financière plus saine. Mais elle va devoir reconquérir sa clientèle, qui a depuis novembre dernier appris à franchir le détroit avec d'autres opérateurs. Depuis, la situation sur le marché a par ailleurs changé, LDA s'étant allié à DFDS pour développer une offre commune. Ainsi, en plus des trois navires de DFDS exploités entre Dunkerque et Douvres, deux nouveaux ferries ont été positionnés à Calais, des navires sous pavillon français ayant permis de recruter 300 personnes, dont des anciens de SeaFrance. Alors que P&O Ferries, qui alignait 6 navires, a également renforcé son offre avec la mise en service du Spirit of France en février dernier, SeaFrance va donc reprendre son activité dans un environnement semblant encore plus concurrentiel qu'en 2011.
La justice attribue à Eurotunnel la flotte de SeaFrance
Par
Vincent Groizeleau
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11/06/2012

© SeaFrance - Philip Plisson